Destin incertain pour Les Étincelles

GARDERIE. La garderie Les Étincelles, située sur le boulevard J.-André-Déragon à Cowansville, appelle à l’aide. Au bord du gouffre financier, elle presse les instances gouvernementales du ministère de la Famille (MFA) d’accélérer les démarches lui permettant de céder ses installations à une autre garderie cowansvilloise, le Papillon bleu, pour intégrer le réseau des Centres de la petite enfance (CPE). En faisant sa place parmi les garderies à 7$, la viabilité de l’entreprise pourrait être assurée, elle qui présente un déficit frôlant les 200 000$. 

Le projet privé de 80 places de la garderie Les Étincelles existe depuis le mois de mai 2011. Dès le départ, les intentions étaient claires: faire partie du réseau des CPE. «Avant de commencer la construction du bâtiment en 2011, j’ai logé un appel au MFA demandant si c’était vrai que je ne serais pas admissible aux prochains appels d’offres pour être à 7$ si j’ouvrais tout de suite. On m’a répondu d’ouvrir immédiatement parce que les citoyens ont besoin de places. Quand il y aura un appel d’offres, vous ferez la demande», explique Hope Couture, la directrice de la garderie Les Étincelles.

Les locaux ont accueilli leurs premiers enfants, au nombre de 23 seulement. Ce manque à gagner aurait contribué à plonger l’entreprise dans un déficit. Selon des documents déposés à la dernière réunion du conseil de la MRC de Brome-Missisquoi et obtenus par le JournalLeGuide.com, le déficit frôlait les 200 000$ au 31 mars 2013. Hope Couture n’a pas voulu commenter ces informations.   

Une première occasion

Le premier appel d’offres a été publié par le MFA cinq mois après l’ouverture de la garderie. Les réjouissances seront de courte durée, puisqu’une clause indique qu’il n’est réservé qu’aux nouvelles installations. «Nous avons frappé le mur. Nous avons tout de même soumis une demande, mais ce fût refusé».

En février 2013, un autre appel d’offres a été diffusé par le MFA. La direction du Papillon bleu a alors approché celle de la garderie Les Étincelles. La région affichait un déficit dépassant les 350 places. «Au lieu de construire quelque chose à côté et de voir fermer la garderie, ce sont tout de même nos taxes, nous avons décidé de les approcher. Leurs preuves sont faites, les enfants sont heureux et les parents sont satisfaits. Pour le c.a. du Papillon bleu, on trouvait ça aberrant», relate Manon Marchand, la directrice du CPE qui se trouve sur la rue du Sud.

Sous le gouvernement péquiste, le Ministère confirmera l’acceptation du projet; le Papillon bleu pourra prendre la relève et ainsi transformer la garderie Les Étincelles en CPE. Mais c’était avant que le pouvoir ne passe aux mains des libéraux.  

Le retard dans la transition qui accorderait la pleine gestion de la garderie Les Étincelles au Papillon bleu pourrait s’étirer jusqu’en 2018, comme le révélait une lettre reçue le 31 juillet dernier par l’administratrice du Papillon bleu, Manon Marchand.

Or, une conversion rapide est souhaitée puisque la survie de la garderie en dépend: la direction craint de ne pas être en mesure de passer au travers de ces quatre années d’attente imposées par le MFA.

Impact budgétaire

Les coûts pour la prise en charge quotidienne d’un enfant à la garderie Les Étincelles flirtent avec la barre des 40$. Malgré des mesures fiscales permettant d’alléger cette somme du budget familial, certains parents hésitent à emprunter l’avenue de la garderie privée. Et nombreux sont ceux qui modifient leur plan aussitôt qu’une place en CPE se libère.

«À chaque début de mois de septembre, on perd des enfants. Juste au cours des derniers jours, il y a les parents de 8 enfants qui m’ont signalé qu’ils retiraient leurs enfants. J’étais complète pour le mois de septembre, mais là, je me retrouve devant quoi?», s’interroge Hope Couture. «Notre but premier c’est que les parents aient accès à des places à 7$, et que nos employées aient les mêmes avantages et soient payées de la même façon que les éducatrices en CPE, parce qu’elles font le même travail, expose-t-elle. «J’ai l’impression de devoir faire les frais de cette décision du ministère.»

Sans brandir le spectre d’une fermeture, qui créerait un déficit de plus de 50 places dans Brome-Missisquoi, Hope Couture dit faire preuve d’un éternel optimisme, un sentiment partagé par Manon Marchand. «On part du principe, qu’elle est déjà en place, les locaux sont déjà conformes, le personnel est déjà en formation. Elle répond à toutes les normes du Ministère. On peut agir rapidement pour empêcher une fermeture», signale-t-elle.

Il serait également question de stabilité pour les enfants qui fréquentent une garderie. «Ce n’est pas ce qu’on veut pour les enfants, la stabilité est très importante pour les 0-5 ans. Des parents doivent changer de garderie, mais ce n’est pas parce qu’ils le veulent, c’est parce qu’ils ont une ouverture à 7$», constate Hope Couture.      

Du ralentissement observé un peu partout 

Il n’y a pas que dans la région que les projets de Centre de la petite enfance (CPE) sont mis sur la glace. Tel que l’indiquait le budget Leitao, déposé en juin dernier, le gouvernement prévoit la création de 6300 places pour 2014-2015. Les places créées cette année proviennent toutefois majoritairement de l’appel d’offres de 2011. «Aucun projet de l’appel d’offres de 2013 n’est prévu avant 2016», précise Nadia Caron, porte-parole au MFA.

Plusieurs projets ont donc vu leur échéancier être remis à plus tard. Sous le gouvernement péquiste, les projets choisis en 2013 devaient se réaliser en 2014-2015 et en 2015-2016. Or, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a pris la décision d’étaler les projets sur les cinq prochaines années, certains étant reportés jusqu’en 2021, affirme la porte-parole.

Un appui qui a de l’impact?

Lors de la séance du 19 août dernier, les maires de la MRC Brome-Missisquoi ont accepté d’offrir leur soutien à la démarche en adoptant une résolution qui sera transmise aux MFA. Un tel ralliement politique peut-il trouver écho auprès du Ministère? À ce sujet, la porte-parole de la MFA se montre peu loquace. Elle assure toutefois que des échanges sont prévus entre les promoteurs et le ministère «au cours des prochaines semaines». Ceux-ci valideront leur capacité à aller de l’avant en fonction de l’année planifiée par l’instance gouvernementale, de même que les impacts du report des projets. «Il y aura un suivi très étroit qui sera fait par rapport à cette situation, et advenant que le Ministère constate que la cible de 6300 places ne peut être atteinte cette année avec les projets de 2011, certains projets de 2013 pourraient être envisagés», laisse savoir la porte-parole.