La gestion municipale scrutée à la loupe

La voirie coûte trois fois plus cher à Cowansville qu’à Roxton Pond, le déneigement coûte deux fois moins cher à Saint-Césaire qu’à Bromont et Granby paie quatre fois plus cher que Waterloo pour traiter ses eaux usées. Ces données analysées par l’Express proviennent des indicateurs de gestion 2010, un outil conçu pour améliorer la performance et la transparence des municipalités.

 

À l’analyse des données 2010 (voir les tableaux en pages 4 et 5), le chiffre qui saute aux yeux est le coût de la voirie par kilomètre à Cowansville. Dans la ville du maire Arthur Fauteux, ce chiffre s’élève à 8 258$, soit 150% plus cher qu’à Granby et 289% plus cher qu’à Roxton Pond!

 

En conférence téléphonique, le maire et son directeur général Claude Lalonde se sont défendus en disant que le montant utilisé pour le coût de la voirie contenait d’autres dépenses comme celle de l’entretien paysager…
Arthur Fauteux considère ces indicateurs utiles «pour mesurer nous autres même nos affaires», ajoute-t-il. Il estime que le concept n’est pas encore suffisamment bien intégré et que les méthodes de calcul ne sont pas les mêmes partout.

 

D’un autre côté, Cowansville fait très bonne figure en matière de déneigement, alors que seule St-Césaire paie moins cher qu’elle en région. Une performance que ne s’explique pas l’administration puisqu’elle dit avoir la réputation de «ramasser la neige avant qu’elle tombe». On avance tout de même avoir amélioré la gestion du temps de travail des cols bleus.

 

Granby en congé?
Autant le directeur général Michel Pinault que son adjoint, Jean-Pierre Renaud, croient en la pertinence des indicateurs de gestion. Granby, Sorel-Tracy, Drummondville et Victoriaville participeraient même à une table de concertation afin d’harmoniser leurs données et de dégager des comparaisons plus précises.

 

À l’interne, les directeurs de services ont même développé d’autres indicateurs orientés vers le service à la clientèle. Le DG Michel Pinault siège sur un comité provincial dédié aux indicateurs de gestion.

 

Malgré tout l’intérêt qu’on porte aux indicateurs à Granby, on n’est pas à l’abri des erreurs. Le taux de présence au travail, très bas, de 81% contre plus de 90% pour la plupart des municipalités, s’expliquerait par un mauvais calcul. Selon le directeur des ressources humaines, Alain Duval, le service de la paie aurait omis d’exclure les vacances et les congés statutaires du calcul, tel que prévu dans la définition.

 

Face à des villes québécoises comparables, Granby se trouve en milieu de peloton dans la plupart des indices. Elle fait toutefois piètre figure avec seulement 1,35 document disponible par habitant dans sa bibliothèque. Ce qui est 4,5 de moins que sa voisine Bromont.

 

Eau et Waterloo
Pascal Russell, maire de Waterloo, admet que son personnel considère l’opération comme une perte de temps. Sauf que pour lui, c’est l’occasion de poser des questions et de comprendre ce qui fonctionne bien ou mal.

 

On peut d’ailleurs observer l’évolution du travail effectué dans les infrastructures souterraines et le traitement des eaux usées. Les 25 bris de conduites par 100km devraient notamment être revus à la baisse grâce à plusieurs investissements en lien avec le programme fédéral PRECO.

 

Ces dépenses ont d’ailleurs un impact sur la dette waterloise, la plus élevée de la région, à un taux de 47,16% de la valeur des immobilisations et des propriétés destinées à la revente. C’est 10% de plus que Granby, 18% de plus que Cowansville et 32% de plus que St-Césaire.

 

«Oui, on a une dette élevée, mais c’est pour une bonne raison», répond-il. Les investissements dans les conduites ont permis de réduire la consommation d’eau. À lui seul, le chantier de la rue Western a fait diminuer la consommation totale de la municipalité de 33%.

 

Waterloo paie aussi moins cher que toutes les municipalités observées pour traiter ses eaux usées. Un chiffre qui s’expliquerait par les récentes vidanges des bassins.

 

Bromont
Au palmarès de Bromont, on note un taux d’endettement assez élevé à 44,88%, ainsi qu’un taux de présence au travail des employés plutôt faible à 83,07%. Des chiffres qui n’ont pu être expliqués, alors que le DG Jacques Des Ormeaux n’a pas retourné nos nombreux appels.

 

Des lacunes
Candidat au doctorat à l’Université Rutgers et professeur à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP), Étienne Charbonneau se spécialise dans l’évaluation de la performance de gestion. Son analyse du système québécois lui permet de relever plusieurs lacunes.

 

Entre autres, le délai de diffusion des indicateurs est trop long. On produit les bulletins avec un an de retard, alors que les gestionnaires évaluent les données périmées après six mois. L’expert souligne aussi qu’on n’oblige pas les municipalités à adopter des cibles de performance, la meilleure façon de motiver les gens et de pouvoir les juger.

 

D’autres erreurs viennent aussi du fait que Québec ne valide que les données financières et pas les autres comme le nombre de kilomètres de voie ou le volume d’eau traitée.

 

Un manque de supervision qui entraîne un manque de rigueur d’après le chercheur. «Je ne dirais pas qu’ils (les gestionnaires municipaux) trichent, mais ce sont souvent des estimations», soutient-il.

 

Lors du lancement du programme d’indicateurs de gestion obligatoires en 2004, le MAMROT poursuivait 10 objectifs sur l’utilisation, la reddition de compte, l’imputabilité et l’amélioration de la performance. En 2010, on ne comptait plus que quatre objectifs, dont aucun ne concerne la reddition de compte et l’imputabilité.

 

Le peu d’intérêt pour ce système d’indicateurs se reflète aussi dans un sondage auquel a participé Étienne Charbonneau pour le compte du MAMROT. Sur 1 113 invitations, les chercheurs ont reçu 388 réponses et 371 municipalités ont affirmé «très peu» ou «ne pas» les utiliser.

 

Dans la région, les municipalités de Farnham et de Bedford n’ont tout simplement pas produit d’indicateurs pour l’année 2010.

 

Consultez nos tableaux ici.