Après 58 ans, elle accroche son sac de factrice

Présente dans le paysage dunhamien depuis près de 60 ans, la factrice Thérèse Choquette tire sa révérence. À 83 ans, l’employée de Postes Canada vient de mettre un terme à ses randonnées de distribution quotidiennes dans les rangs de campagne de la municipalité pour profiter d’une retraite méritée.

Malgré l’amour du métier de factrice, l’octogénaire a remis son sac de factrice au début de mois de janvier. Pour Mme Choquette, les vacances de Noël ont coïncidé avec le début de sa vie de retraitée.

Thérèse Choquette amorce sa carrière en 1954. Âgée de 25 ans, la résidente de Dunham se voit confier la distribution du courrier dans les secteurs ruraux du village. «À l’époque, nous allions chercher et déposer la poste, à la gare de Cowansville, deux fois par jour. Le matin à 6h, nous allions récupérer les sacs de lettres afin de les classer et les distribuer et, le soir, nous allions déposer le courrier qu’on avait récolté. Il y avait beaucoup plus de lettres à ce moment. Les timbres se vendaient 0,01$. Le temps des fêtes était la période la plus occupée à cause des cartes de Noël», se rappelle Mme Choquette.

«Au début, les gens n’indiquaient pas le numéro civique, ni le code postal. Des fois, on devait deviner, mais les lettres se rendaient pareil», ajoute la dame en riant.

Au cours de sa carrière, l’octogénaire factrice a d’ailleurs vu ses responsabilités augmenter en raison de son professionnalisme.

«Il y avait deux routes rurales. Je m’occupais de la route rurale 3. Au début, je distribuais le courrier auprès de 135 maisons. Depuis environ 20 ans, j’étais rendu à 285 clients. Le circuit comptait 90 km, et englobait les chemins Bruce, Godbout, Meigs, St-Joseph, Noiseux, le 10e rang(…). Tous les chemins de ce coin, partant de la route 104 jusqu’aux limites de Frelighsburg», énumère la retraitée.

Tout le trajet de Mme Choquette se faisait en voiture beau temps, mauvais temps. «Lorsque l’on ne pouvait pas passer, on continuait notre route et les gens devaient attendre au lendemain afin d’avoir leurs courriers». Lors des temps froids, la dame se rappelle avoir fait quelques sorties de route mineures. «J’ai été très chanceuse. J’ai eu affaire au remorquage seulement cinq fois durant ces 58 années, mais je n’ai jamais craint pour ma vie. Je suis seulement resté pris dans la neige quelques fois. Je roulais lentement entre chaque boîte aux lettres», assure-t-elle.

En près de six décennies, Thérèse Choquette a collectionné les voitures. Pour voir au bon fonctionnement de son partenaire de route, la factice a pu compter sur l’aide de son conjoint, Gilles.

«Mon mari était très bon pour entretenir les voitures. Il conduisait des autobus scolaires, c’est donc lui qui s’assurait que nos voitures soient dans un bon état. Je gardais mes voitures pendant environ six ans», explique l’octogénaire.

De nombreux changements

Au tournant des années 90, M. Choquette, nouvellement retraité, décide d’accompagner son épouse lors de ces tournées. Cette dernière bénéficie donc du soutien de l’homme de sa vie pour le classement et la distribution des lettres. «Mon mari était mon aide. Chez Poste Canada, il appelait ça un «aide ergonomique» et on lui donnait un petit salaire de 3h par jour», mentionne la dame.     

À une certaine époque, tous les résidents de la région possédaient les mêmes types de boîtes aux lettres. Selon Mme Choquette et son mari, ce système simplifiait grandement la tâche des facteurs puisque les dimensions étaient toutes les mêmes.

«Les boîtes aux lettres étaient toutes de la même hauteur, avaient la même résistance, le petit drapeau rouge tenait fermement en l’air. Ce sont de petits détails, mais ça nous facilitait la tâche», mentionne M. Choquette. 

Au fils de décennies, les formules administratives ont également changé. «Au début, nous étions des contractants. Nous faisions des soumissions afin d’obtenir des contrats de la part de Poste Canada. Je devais faire attention d’être ni trop haut, ni trop bas. Mais depuis 2004, j’étais devenue une «employée des postes». Là, j’ai obtenu plusieurs avantages. Mon salaire a augmenté, j’avais droit à des congés de maladie ou de vacances», mentionne la dame qui, en tant que contractante, devait s’assurer d’engager quelqu’un et le payer si elle devait s’absenter du travail, qu’importe la raison.  

À la retraite bien malgré elle

Depuis le 1er dernier, de nouvelles procédures chez Postes Canada ont changé les habitudes de Thérèse Choquette. Son époux s’est notamment vu refuser l’accès au bureau de poste de Dunham. Du coup, la dame perd une aide précieuse qui lui permet d’exécuter son travail rapidement et efficacement.

«Mon mari ne pouvait même plus m’accompagner, ni rentrer au bureau de poste. Apparemment, je n’avais plus besoin d’aide parce qu’ils (Postes Canada) nous ont tous fourni un objet, qui ressemble à un bâton avec une pince au bout. Je devais tout faire seule. C’est tout de même fatigant d’être toujours à bout de bras, il faut s’étirer, parfois le courrier tombe par terre (…). Selon moi, ça va bien mieux à deux», explique la dame déçue des nouvelles procédures. 

Devant ces changements, la Dunhamienne décide donc d’accrocher son sac de factrice. Malgré une fin inattendue, elle garde en mémoire de beaux souvenirs de cette longue carrière. «Mes petits-enfants m’ont accompagné quelques fois. Ils s’arrêtaient pour cueillir des fleurs ou boire de l’eau d’érable dans leur petit verre en plastique chez certains clients. Le trajet était plus long, mais ils étaient contents», se remémore Mme Choquette.

«J’ai vu, à certains endroits, des générations se succéder. J’ai aimé faire ce métier, sinon je ne l’aurais pas fait aussi longtemps», confie cette dernière.