Estrie ou Montérégie: les maires de la MRC de Brome-Missisquoi plus divisés que jamais

MUNICIPAL. Le projet de transfert de la MRC de Brome-Missisquoi vers la région administrative de l’Estrie est loin de faire l’unanimité au sein du conseil des maires. La séance extraordinaire de cette organisation supramunicipale, tenue hier sous forme de vidéoconférence, a donné lieu à plusieurs interventions émotives et laisse croire que les positions des élus seront difficilement réconciliables.

Deux ans après le début des discussions, les maires des municipalités rurales sont majoritairement en faveur du statu quo alors que leurs homologues des villes les plus populeuses de Brome-Missisquoi privilégient plutôt un changement de région administrative.

Les résultats du vote sur cette épineuse question démontrent bien le fossé qui sépare les deux parties. Sept des 21 municipalités ont voté en faveur d’un transfert de l’ensemble des directions régionales et centres de services gouvernementaux vers l’Estrie alors que les 14 autres ont voté contre. La position des partisans du changement de région administrative l’a néanmoins emporté, ces derniers détenant 27 des 41 voix au conseil des maires et représentant 67 % de la population du territoire.

Position des opposants

Les maires réfractaires au transfert vers l’Estrie estiment que Brome-Missisquoi a été bien servie par la région administrative de la Montérégie au fil des ans et disent craindre la perte de certains acquis.

«Avant de changer de région administrative, on doit s’assurer qu’il y aura maintien des acquis. On ne sait pas trop ce que Brome-Missisquoi peut gagner en allant vers l’Estrie, mais on sait qu’il y aura des pertes, au niveau de l’agriculture et de la foresterie notamment», résume le maire de Frelighsburg, Jean Lévesque.

Le maire du Canton de Bedford partage cet avis.

«Si on va en Estrie, sans garanties précises, on va être perdant sur certains plans et on ne sait même pas si on va gagner quelque chose au change», affirme-t-il.

Selon un relevé de la direction générale de la MRC, Brome-Missisquoi aurait reçu 2 189 427 $ au cours des cinq dernières années (2016 à 2020) sous forme de subventions et autres revenus via le Fonds d’aide et de relance régionale (FARR), le Programme d’aménagement durable des forêts (PADF) et diverses ententes sectorielles dans les domaines de la forêt, du bioalimentaire, de la culture et de l’économie sociale.

La mairesse d’East Farnham, Sylvie Dionne-Raymond, croit pour sa part qu’il serait possible de régler la question de la double appartenance de Brome-Missisquoi en matière de santé (les établissements de santé relèvent de l’Estrie alors que plusieurs organismes oeuvrant dans le secteur des services sociaux sont présentement rattachés à la Montérégie) sans pour autant changer de région administrative.

Le maire de Pike River, Martin Bellefroid, estime que le moment est plutôt mal choisi pour procéder à un changement de région administrative.

«Comme nous sommes en période de pandémie, il ne nous est pas possible de consulter nos citoyens pour connaître leur avis», indique-t-il.

Les maires Yves Lévesque, de Bedford, Michel Lafrance, de Sutton, et Dominique Martel, de Saint-Ignace-de-Stanbridge, s’entendent par ailleurs pour dire que la MRC manque d’information pour prendre une décision éclairée.

Arguments des partisans

Patrick Melchior, maire de Farnham et préfet de la MRC, prend soin de rappeler que le sujet fait l’objet de discussions depuis deux ans et que le temps est venu de prendre une décision.

«Le statu quo n’est plus possible. Il est minuit moins une et le gouvernement du Québec demande aux élus de Brome-Missisquoi de se décider», résume-t-il.

Ce dernier est également d’avis que «l’argent va suivre» le transfert des directions régionales et que Brome-Missisquoi finira par y tirer des avantages.

Son homologue de Bromont, Louis Villeneuve, reconnaît que tout n’est pas parfait en Montérégie et que tout ne sera pas non plus parfait en Estrie.

«Le changement, c’est connu, ça fait toujours peur», poursuit-il.

Même s’il admet que «les gens sont généralement réfractaires au changement», le maire Jacques Drolet tient à préciser qu’il y a unanimité au sein du conseil municipal de Bolton-Ouest en faveur d’un transfert vers l’Estrie.

«Brome-Missisquoi aura un poids démographique plus important en Estrie (six MRC actuellement) qu’en Montérégie (quinze MRC actuellement)», insiste-t-il.

Pas de chèque en blanc

La résolution adoptée hier sur division stipule que le changement de région administrative est conditionnel à ce que le gouvernement du Québec forme un comité pour une transition harmonieuse vers l’Estrie.

«Le comité de transition devrait pouvoir compter sur la présence d’un élu par pôle géographique, d’un représentant du secteur agricole et d’un représentant du secteur forestier», suggère la mairesse de Cowansville, Sylvie Beauregard.

Le conseil des maires veut par ailleurs s’assurer que le montant par habitant versé à la MRC de Brome-Missisquoi dans le cadre du Fonds régions et ruralité 1 de la nouvelle Estrie sera équivalent ou supérieur au montant dévolu à l’Estrie actuelle.

Le conseil des maires trouve également important que des services gouvernementaux «adéquats» soient disponibles (en termes de quantité et de connaissance du milieu) pour les milieux agricoles et forestiers de Brome-Missisquoi.