De gros joueurs arrivent avec leurs gros sabots dans le marché touristique

Baisse d’achalandage, frais de fonctionnement élevés et compétition féroce. Les sites de réservations en ligne feraient la vie dure à certaines entités touristiques de Brome-Missisquoi depuis le début de la saison. L’arrivée de joueurs comme Booking.com ne ferait pas que des heureux notamment dans le secteur des gîtes.

«La saison est tranquille et ce n’est pas seulement à cause des journées pluvieuses. Il y a des monopoles qui sont en train de s’établir et les gens ne s’en rendent pas compte», indique une tenancière d’un gîte champêtre, situé à Frelighsburg.

Cette dernière, qui souhaite conserver l’anonymat, croit que les sites d’agences mondiales de réservations en ligne, telle Booking.com, nuisent dangereusement à la survie des petites entreprises d’hébergement locales.

«Lorsqu’on fait une recherche d’hébergement dans la région sur Internet, on nous réfère automatiquement à Booking.com. Ce ne sont même pas nos propres sites qui s’affichent en premier. Si on n’est pas là-dessus, on est comme exclu», déplore la dame. 

Selon la tenancière, les coûts imposés par un service offert comme Booking.com engendreront l’augmentation des tarifs dans les services d’hébergement.

«En ville, s’inscrire sur un tel genre de site vaut probablement la peine puisqu’il est plus facile de remplir ses nuitées. Mais dans la région, on essaie de garder nos prix bas. Booking.com charge 15% du total de la réservation. Si on calcule les repas, l’entretien ménager, les frais de publicité, les frais de cartes de crédit…, il ne nous reste plus rien.»

Plus de 80% de la clientèle séjournant dans le petit gîte de Frelighsburg proviennent du Québec. Même si Booking.com permet de bénéficier d’une visibilité à l’international, la propriétaire croit que ce large rayonnement ne correspond pas à la clientèle qui séjourne dans son gîte.  

«On donne notre argent à une compagnie étrangère. Cette compagnie fait des millions par jour et cet argent sort du pays. Je me demande encore pourquoi BonjourQuébec.com n’offre pas ce service de réservations à un coût de 5%, par exemple. Il (BonjourQuébec.com) rentrerait vite dans son investissement et l’argent serait dépensé au Québec», indique la dame.

Booking.com: pour et contre

Pour d’autres gestionnaires de gîtes, l’actuelle saison touristique se déroule rondement. Or, ce n’est pas la même histoire année après année. Quant à Johanne Beauchemin, propriétaire du Clos Dauphinais à Cowansville, elle a vécu un été 2012 ardu.

«L’an passé, j’étais découragée. Cette année, ça va mieux. Ce n’est pas la folie, mais j’ai seulement trois chambres à combler dans mon gîte», explique Mme Beauchemin.  

La Cowansvilloise s’est inscrite à Booking.com à la fin de l’année 2012 afin d’offrir ses chambres régulièrement vacantes aux touristes. «Ça ne fait pas mon affaire, car c’est très dispendieux. Mais, je réussis à réserver des chambres.»

«Ce que je trouve dommage avec Booking.com, c’est qu’environ trois réservations sur dix sont «cancellées» quelques jours avant la date d’arrivée. Le site offre des possibilités d’annulation avec des préavis de 24h ou 48h. Tout se fait en ligne, je n’ai aucun contact téléphonique avec les clients. Je crois que ceci fait une différence», prétend Mme Beauchemin.

Saison touristique timide

La saison estivale 2013 ne pas démarre sur les chapeaux de roue dans la région cette année. Le temps pluvieux du mois de juin n’a certes pas aidé à attirer les visiteurs. La forte compétition touristique (nationale et internationale) expliquerait aussi le timide début de saison aux dires de Denis Beauchamp, directeur du service tourisme et culture à la MRC de Brome-Missisquoi. 

«Selon les échos, jusqu’à maintenant, le début de la saison touristique est relativement lent. Mais nous ne sommes pas différents d’ailleurs. Plusieurs facteurs expliquent cette situation», indique M. Beauchamp.

«Les consommateurs recherchent des aubaines. Les gens achètent en rabais des forfaits tout inclus dans le Sud. La station Jay Peak au Vermont nous fait aussi beaucoup de compétition. Elle (station Jay Peak) a envoyé une offre postale sur l’ensemble de notre territoire puisque le Québec est leur marché primaire», ajoute notre interlocuteur.

Le porte-parole du CLD convient également que la marge de profits est de plus en plus mince pour les petites entreprises touristiques.

«Les gens qui viennent ici consomment nos produits, mais à rabais. Les achats groupés sur des sites comme Tuango et les aubaines en ligne sur des sites comme Expedia ou Booking.com proposent des offres étonnantes. C’est difficile pour une entreprise touristique de supporter ceci», indique M. Beauchamp. D’après ce dernier, la région de Brome-Missisquoi est la plus visitée de la province après les secteurs de Montréal et Québec.

«Nous faisons beaucoup de promotions pour la région. Nous distribuons 75 000 copies de notre guide touristique et nous avons une stratégie Internet qui donne des résultats en plus d’afficher un billboard à la sortie de pont Champlain. Les efforts sont mis en place», conclut Denis Beauchamp.