AGRICULTURE. Installé sur un terrain de 1,3 hectare au sein même du quartier résidentiel Deragon, sur la rue des Pivoines à Cowansville, le Champ de la voisine est en pleine expansion. De plus en plus de plants de framboises sont plantés et quelques partenaires sont venus s’installer au champ.
«Cette année, j’ai des colocs, les Jardins nourriciers Bleu-vert, qui sont venus installer leur pépinière de vivaces comestibles ici, a affirmé la responsable du projet, Marie-Ève Lafond. Il y a Teprine [Baldo] de Semence Le Noyau qui vient produire des semences et mon ami Simon, qui fait des fraises.»
Le futur semble rose pour le Champ de la voisine qui multiplie ses partenaires.
«J’ai démarré ce projet-là seule parce que j’avais une idée précise à l’intérieur de moi et je savais que ça allait fonctionner, a déclaré Mme Lafond. Je n’ai jamais eu le désir de rester seule dans ce projet-là. Il y a de la place pour former quelque chose avec d’autres partenaires avec des projets qui viennent s’inscrire dans le grand plan du Champ de la voisine.»
Est-ce que de la production de légumes pourrait s’ajouter dans le futur? Marie-Ève Lafond garde la porte ouverte.
«Il y en aurait de la place pour quelqu’un qui voudrait venir planter des légumes, ça, c’est certain», a-t-elle ajouté, sans aller plus loin.
Mme Lafond s’occupe pour sa part de la production d’ail et de framboises d’automne.
«Je produis de l’ail et des framboises d’automne. Ce sont des cultures où les opérations culturales sont assez déterminées dans le temps. Ce sont de grosses opérations, mais pas beaucoup pendant l’année.»
Pour Marie-Ève Lafond, qui a travaillé pour des jardins communautaires dans Pointe-Saint-Charles avant de s’établir à Cowansville, il est très important de savoir d’où proviennent les aliments que la population consomme.
«Le métier d’agriculteur, je ne sais pas si c’est comme ça pour tout le monde, mais pour moi, ce que ça signifie, c’est d’être consciente de la place que j’ai dans tout le système de la vie. Ça fait des années que je plante des choses à manger dans jardin, et à toutes les années, je n’en reviens pas. Bien, voyons voir que j’ai semé une graine et que là, je suis en train de récolter des poivrons. Ça me subjugue.»
Corvée de voisinage
Chaque année, Marie-Ève Lafond appelle ses voisins et des gens d’un peu partout à venir participer à trois journées de corvée. La première se déroule en mai pour l’entretien de la framboisière. L’ail est récolté en juillet.
«Ce printemps, j’ai appelé les gens à une corvée. Il y a plein de gens qui sont venus m’aider. On a transplanté et divisé les framboisiers qui étaient en production. Je pense que je vais produire des framboises d’automne de façon payante d’ici 2019.»
Les corvées permettent aussi aux gens d’apprendre beaucoup sur le terrain.
«Quand il y a de grosses opérations culturales à faire, j’invite les gens à venir partager le travail de la terre sur une journée et apprendre en communauté. Étant du milieu communautaire où j’ai travaillé pendant longtemps dans les jardins collectifs, je sais pertinemment qu’il y a un besoin des gens de travailler la terre et se remettre en contact avec ce que l’on mange. J’avais envie d’offrir ça aux gens. J’ai aussi envie de voisinage, que les gens sortent de chez eux et se parlent.»
Le 13 octobre, la plus grosse corvée de l’année a été organisée pour planter l’ail.
«C’est tout le temps super festif. Il y a toujours entre 20 et 40 personnes, des gens qui viennent de la ville qui veulent décrocher, des enfants qui courent partout. Je fais une grosse soupe, les gens amènent leurs collations à partager. On finit ça à 3h et on termine ça avec une petite bière autour d’un feu.»
L’esprit de communauté est également bien important lors des corvées.
«C’est l’occasion de mettre les mains dans la terre, de poser plein de questions sur les cultures et d’apprendre. Il y a tout le temps des rencontres extraordinaires qui se produisent, des gens qui se revoient après et forment des cercles d’amis. Ça, ça ne va vraiment pas arrêter. Ça fait partie du pourquoi du lieu qui a été choisi pour faire ce projet-là.»
Donner l’exemple
Le Champ de voisine a la particularité d’être intégré au sein même du développement domiciliaire Les Maisons Horizon, du quartier Deragon. Le terrain est la propriété du promoteur, Daniel Bélanger.
«J’ai un bail agricole pour dix ans, a expliqué Marie-Ève Lafond. La curiosité, c’est que c’est zoné vert adossé à une zone blanche.»
Au départ, beaucoup de travail sur le terrain a été nécessaire avant de pouvoir récolter les premiers fruits.
«Il n’y avait rien, la terre n’était pas meuble, le champ était en friche depuis 20 ans, a raconté Mme Lafond. Quand on a commencé à travailler, le sol était dur, il n’y avait pas de structure. Ça ne fait que trois ans, maintenant, on plante l’ail et ça descend tout seul. Il y a une profondeur de sol, une structure qui s’est installée et une richesse.»
Avec le Champ de la voisine, Marie-Ève Lafond espère donner l’exemple à d’autres promoteurs immobiliers d’ajouter un espace pour la production dans les développements.
«C’est bien beau le développement des régions et l’étalement urbain, mais j’ai envie qu’on pose des gestes et qu’il y ait une conscience au niveau de la réglementation pour ce qu’on demande aux promoteurs immobiliers pour réserver des espaces comestibles dans les nouveaux développements. On pense à tout, les lampadaires, les rues, les stations-service, la proximité, mais on ne crée rien à manger. On crée des déserts alimentaires. Ce n’est pas l’avenir. Ça ne devrait pas être comme ça.»