Des trousses de naloxone distribuées gratuitement dans Brome-Missisquoi

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Par Stéphanie MacFarlane
Des trousses de naloxone distribuées gratuitement dans Brome-Missisquoi
Depuis le 9 novembre 2017, toute personne se présentant en pharmacie peut obtenir gratuitement de la naloxone injectable avec un kit d’injection et une courte formation pour son utilisation. (Photo : Journal Le Guide - Stéphanie Mac Farlane)

TOXICOMANIE. Si la naloxone était offerte sous forme injectable depuis novembre dernier, les intervenants et consommateurs de drogues de rue peuvent désormais se procurer de la naloxone intranasale depuis peu dans Brome-Missisquoi.

Le Dr Éric Lampron-Goulet, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive à la Direction de santé publique (DSP) de l’Estrie, explique que la naloxone est efficace pour tous les types d’opioïdes, dont le carfentanil, le fentanyl, la morphine et l’hydromorphone.

«Si une personne consomme des opioïdes, il peut y avoir des effets dépresseurs sur le système respiratoire. Si c’est une grosse dose, ça va causer un arrêt respiratoire», note le médecin spécialiste.

La naloxone est un antidote aux opioïdes. Elle inverse rapidement leurs effets sur le système nerveux central et le système respiratoire, empêchant ainsi les opioïdes d’agir. Le délai d’action de la naloxone, qu’elle soit intranasale ou injectable, est d’environ 2 minutes 30 secondes. L’effet de la naloxone est toutefois temporaire. C’est pourquoi il est fortement recommandé que la personne soit transportée à l’hôpital dans les meilleurs délais. «La durée d’action de la naloxone est plus courte que la durée d’action de la drogue», précise le Dr Lampron-Goulet.

Accessibilité

La naloxone est accessible à tous, mais elle s’adresse principalement aux personnes qui consomment des drogues de rue et surtout des drogues injectables. «La naloxone est donnée gratuitement dans les pharmacies. Sous forme intranasale, elle offre un moyen plus simple d’administration», mentionne le Dr Lampron-Goulet.

Chaque trousse de naloxone, qu’elle soit intranasale ou injectable, contient deux doses. «Si quelqu’un le souhaite, il peut demander jusqu’à huit doses. La personne n’a qu’à présenter une preuve de résidence. Quelqu’un qui est sans domicile fixe peut aussi avoir accès au programme gratuitement», mentionne le Dr Éric Lampron-Goulet.

Un masque à usage unique servant à la réanimation cardio-respiratoire (RCR) est également fourni gratuitement avec une trousse de naloxone, si la personne connaît les techniques d’insufflation pour la RCR.

Enquête épidémiologique

La Direction de santé publique de l’Estrie suit de près la situation des surdoses liées aux opioïdes, notamment en lien avec le fentanyl et le carfentanil. L’organisation a accès à de nombreuses données, dont celles des décès, des signalements au Centre antipoison, des appels à Info-Santé et des hospitalisations.

Le niveau d’alerte a augmenté en Estrie dès que la DSP a reçu de l’information sur le décès d’Austin Rutledge, survenu en septembre dernier (voir autre texte). «Nous sommes restés en contact avec le Dr Sainton pour obtenir des informations sur le décès tout au long de son enquête», précise le Dr Lampron-Goulet.

Une enquête épidémiologique a été déclenchée par la DSP. Ainsi, tous les premiers répondants, techniciens ambulanciers paramédicaux, les infirmières et les médecins de la région doivent signaler tous les cas d’intoxication suspectés d’être liés aux opioïdes. Malgré des signalements hebdomadaires, le Dr Lampron-Goulet se dit «relativement rassuré pour la région. Il n’y a pas de raison de croire que de la drogue contaminée [au fentanyl] circule dans la région.»

La priorité, rajoute-t-il, est davantage de sensibiliser la population au problème que de distribuer de la naloxone. «Le besoin présentement est de sensibiliser les intervenants et les utilisateurs de drogue», précise le Dr Lampron-Goulet. La DSP est prête à moduler son niveau d’intervention en fonction des événements.

Nouveauté à venir

Dans les prochains mois, certains intervenants du milieu communautaire pourront distribuer des trousses de naloxone directement à leur clientèle qui ne va pas en pharmacie. Une formation est également en préparation.

Des intervenants affiliés à la Cellule Jeunes & Familles de Brome-Missisquoi, dont les travailleuses de proximité de Cowansville et de Bedford, la travailleuse de milieu auprès des adolescents et celle qui oeuvre dans les HLM, ont récemment reçu une trousse de naloxone injectable, précise Mélanie Tétreault, travailleuse de proximité.

Cette dernière ajoute qu’ils devraient recevoir chacune une trousse intranasale sous peu. «On les a par prévention. On a des usagers qui débarquent et qui ont consommé. Ou il peut y avoir des gens qui viennent nous demander de l’aide parce que leur chum ne va pas bien. On ne sait jamais», dit-elle.

Quoi faire?

En présence d’une personne inconsciente dont on soupçonne une consommation d’opioïdes, il faut administrer la naloxone. «On ne peut pas faire plus de tort. Il n’y a aucune raison de ne pas administrer la naloxone si on se retrouve face à quelqu’un qui est inconscient et dont on doute la prise d’opioïdes», indique le Dr Éric Lampron-Goulet.

Selon la séquence idéale proposée par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), il faut vérifier l’état de conscience de la personne. Si elle ne réagit pas, il faut contacter le 911 et administrer la naloxone. Sous forme intranasale, il suffit de retirer l’embout de son emballage, de l’insérer dans une narine et d’appuyer sur le dispositif. À l’inverse, l’administration sous forme injectable est plus complexe, notamment avec la manipulation d’une seringue et les risques qui y sont reliés.

Il faut ensuite faire des compressions thoraciques. Celles-ci peuvent être jumelées à des insufflations si le secouriste connaît les notions.

Après trois minutes, si la victime ne réagit toujours pas, une deuxième dose de naloxone doit être administrée, suivie de compressions thoraciques. Advenant la disponibilité d’autres doses de naloxone, cette séquence peut être répétée toutes les trois minutes jusqu’à l’arrivée des techniciens ambulanciers paramédicaux.

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