EXCLUSIF: Horreur à Saint-Ignace-de-Stanbridge

Souffrant de troubles mentaux, une résidente de Saint-Ignace-de-Stanbridge privée d’eau potable depuis deux ans et qui vivait au milieu de cadavres d’animaux, d’excréments et d’animaux malades par dizaines, a dû être sortie de force par les policiers de la Sûreté du Québec vendredi dernier, puis hospitalisée, a appris l’Express.

 

Plus de 25 chats dont deux cadavres dans des sacs de poubelle, des excréments et du vomi plein les murs et les planchers, 11 chiens dont deux cadavres, 40 pigeons, des infiltrations d’eau et des moisissures, une oie, une outarde, deux tortues, dont une morte, un cheval, 26 poules: c’est une véritable vision d’horreur qui attendait les policiers et bénévoles de la SPA des Cantons-de-l’Est.

 

Outre la quantité d’animaux, qui excède largement les trois chats et deux chiens permis par le règlement de la MRC de Brome-Missisquoi, c’est l’état des bêtes qui inquiète le responsable de la SPA, Carl Girard. Malnutrition, plaques de poil manquantes, peau clairsemée, maladie de la rhino (pour les chats), vomissements, gale et teigne ont été constatées par ce dernier, qui a agi bénévolement dans ce dossier, son organisme n’ayant pas de contrat avec la municipalité de Saint-Ignace-de-Stanbridge.

 

Double vie
La résidente de 64 ans a été conduite au Centre hospitalier vendredi dernier, moment où sa famille a été mise au courant de la situation.

 

«Je savais qu’elle était malade, qu’elle gardait beaucoup d’animaux. Ce n’est pas le nombre d’animaux qui m’a surpris, c’est le niveau d’insalubrité de la maison», raconte la sœur de la dame, qui désire garder l’anonymat.

 

Selon cette dernière, la citoyenne mène une vie passablement normale. «Elle va régulièrement à Montréal voir son fils qui n’a pas d’auto, elle paie ses comptes, ses taxes municipales, elle va au restaurant, elle se promène en ville», raconte-t-elle, ajoutant que deux pièces de la maison où la dame vivait étaient propres.

 

«Les animaux, c’est sa raison de vivre, sa mission qu’elle disait. Elle le fait pour le bien des animaux. Mais elle a des problèmes de santé mentale. Elle est déconnectée de la réalité», ajoute la femme. Au dire de cette dernière, la municipalité connaissait l’état de santé de la citoyenne et savait qu’elle était privée d’eau courante depuis au moins deux ans. Le système électrique de la maison fonctionnait aussi à moitié.

 

«Je crois que les gens ont peur d’intervenir. Ils se ferment les yeux. Quand la Ville soupçonne des choses ou a des plaintes, elle doit aller voir avant que ça se dégrade. Tout le monde se renvoie la balle et personne ne fait jamais rien», insiste-t-elle.

 

Albert Santerre, le maire de Saint-Ignace-de-Stanbridge, rejette le blâme et insiste sur le fait que la municipalité a fait son devoir. «On a été vigilant dans l’application des règlements. Elle refusait que l’on aille voir. Nos inspecteurs étaient limités. On n’était pas pour rentrer de force», lance-t-il.

 

L’article 4 du règlement RM 410 concernant le contrôle animalier en vigueur à Saint-Ignace-de-Stanbridge, stipule toutefois que «l’autorité compétente est autorisée à visiter et à examiner, entre 7h et 19h, toute propriété mobilière et immobilière, ainsi que l’intérieur et l’extérieur de toute maison, bâtiment ou édifice quelconque, pour s’assurer du respect du présent règlement, et tout propriétaire, locataire ou occupant de ces propriétés, maisons, bâtiments et édifices sont tenus de laisser l’autorité compétente y pénétrer».

 

Quant à l’absence d’eau potable dans la résidence, le maire Santerre se défend et affirme ne pas avoir «l’obligation de fournir l’eau à nos citoyens selon nos aviseurs légaux. On est en milieu rural». Il confirme toutefois que la municipalité a eu des démêlés avec la résidente, notamment en lien avec son champ d’épuration défectueux. «Si on insiste trop auprès d’un citoyen, on va être accusé de harcèlement», ajoute-t-il. Sans eau courante, la dame faisait ses besoins dans des chaudières qu’elle transvidait ensuite dans des barils situés à l’extérieur de son domicile.

 

Inaction
L’automne dernier, la municipalité aurait visité la maison et les lieux auraient été propres selon le maire. «C’était propre, mais pas pour manger sur les planchers. Ça sentait un peu la litière négligée, mais je n’aurais pas vécu là», dit-il. «À l’automne dernier, rien ne laissait présager ça. On ne s’attendait pas à ça», assure-t-il.

 

Si Carl Girard de la SPA est intervenu auprès des animaux pour leur bien, il espère que ce cas extrême force les villes et les élus à agir. «Des madames minous, il y en a dans chaque ville. Je veux que les municipalités allument.

 

Ça fait deux gros cas lourds en sept mois. Il va falloir que les municipalités fassent de quoi. Les élus sont payés pour gérer une Ville, gérer des gens. La pauvre dame était malade. Le rôle de la Ville, c’est d’aller voir. Ils ont plein de raisons pour aller visiter. Qu’est-ce qui se serait passé si quelqu’un l’avait trouvé morte, à moitié mangée par les animaux?»

 

En matière d’actions proactives, il donne l’exemple de la rue Daigle à Cowansville où une résidente a été évincée de son logement tandis que ses chats, malades, ont été euthanasiés. «Les locataires se plaignaient au propriétaire. Dès que la Ville l’a su, ça a pris quatre jours et elle intervenait. Pas deux ans!», ajoute-t-il.

 

Attente
Vêtus d’une combinaison, de gants de latex, de masque et de protecteurs de pieds, Carl Girard et trois bénévoles, accompagnés du fils de la dame, ont nettoyé un tant soit peu les lieux afin de sécuriser l’endroit et de donner des soins de base aux animaux, le week-end dernier. De la moulée à profusion et 180 litres d’eau ont été apportés sur place.

 

L’oie, l’outarde, les pigeons, les poules et le cheval ont été placés ailleurs. «On a mis les chats dans une même pièce et les chiens sont dans un enclos à l’extérieur. On a mis de la paille au sol pour les protéger», explique M. Girard.

 

Un vétérinaire qui devrait être mandaté par la municipalité doit se rendre sur les lieux afin d’examiner les animaux. Selon leur état, les animaux pourraient être euthanasiés.

 

De son côté, la sœur de la résidente amasse tous les rapports nécessaires afin que sa soeur malade soit déclarée inapte à s’occuper d’elle-même et ainsi éviter que pareille situation se reproduise. «Je veux que tout le monde arrête de se cacher», conclut-elle.

 

Les chats ne vivaient pas dans des conditions optimales.

Le plancher du salon était dans un état atroce.

À certains endroits, le plancher était enlevé.

Les chats et la dame vivaient au milieu de détritus.

Des vers ont commencé à s’attaquer à ce chien retrouvé mort au sous-sol.