Ils se sont promis fidélité voilà 73 ans

Par Valérie Legault

VIE DE COUPLE. Le 12 octobre 1949, Laurent Tremblay et Rita Corriveau se sont juré la fidélité à l’église de Bedford. Soixante-treize ans plus tard, le couple est toujours aussi amoureux et a bien des souvenirs de jeunesse à raconter!

Lui ne parlait qu’anglais, et elle, le français. L’amour a été plus fort que la barrière linguistique qui les séparait. «Je cassais pas mal mon français dans ce temps-là !», se souvient M. Tremblay, dont la mère anglophone avait grandi à Saint-Georges-de-Clarenceville.

Laurent Tremblay a été élevé dans une famille de musiciens à Stanbridge-East. Sa dulcinée, Rita Coriveau, ne se faisait pas prier pour lui voler un regard. De passage chez son oncle et sa tante, la jeune femme de Stanbridge-Station prétextait aller nourrir les chats au dépanneur du village pour espérer croiser son prétendant!

Le jeune couple s’est fréquenté pendant deux ans avant de se marier. La fin de semaine, ensemble ils parcouraient les salles de danse. Bonne danseuse, Rita Corriveau faisait tourner bien des têtes. Dès qu’elle se pointait sur le plancher, tout le monde la laissait passer!

«On dansait le quadrille et la valse, raconte M. Tremblay. On allait chez Conway, à Pike-River, ou encore au Tourist Garden sur la route 133, à Iberville, qui appartenait au grand-oncle de Rita.»

CONSENTEMENT

Le jour de ses noces, le nouveau marié n’avait pas encore l’âge de la majorité, alors fixé à 21 ans. Laurent Tremblay avait dû demander à son père de signer son acte de mariage en guise de consentement.

Le couple déménage près de Timmins, dans l’ouest de l’Ontario. Pour gagner sa vie, M. Tremblay vend des ustensiles et des batteries de cuisine en acier inoxydable, une révolution à l’époque. Leur exil durera trois ans. C’est à ce moment que le père de famille se liera d’amitié avec le populaire chanteur Willie Lamothe, qu’il rencontrera dans une taverne.

Pendant plusieurs années, Laurent Tremblay côtoiera les plus grands noms de la musique country, tels que les Ti-Blanc Richard, Marcel Martel et sa fille, Renée Martel. Willie Lamothe le désignera même pour faire monter son cheval sur scène à Montréal… au deuxième étage d’une salle de spectacle. Faire monter la bête dans les escaliers était déjà un exploit. Ça l’était encore plus pour les lui faire descendre!

COUTURIÈRE

Pendant ce temps, Rita Corriveau cousait des tonnes de vêtements. D’abord à l’usine Singer, à Saint-Jean-sur-Richelieu, puis à son compte dans son atelier à la maison. Elle en a rempli des contrats pour confectionner des sarraus et des uniformes! Elle cousait aussi à la chaîne des paires de mitaines et des toutous pour les enfants.

En 1960, la famille Tremblay part vers les Cantons-de-l’Est et s’établit à Abercorn. Laurent Tremblay sera élu maire de sa municipalité pendant deux mandats de quatre ans. C’est aussi là qu’il débutera sa carrière de douanier au poste frontalier de Highwater. «C’était très occupé avant qu’on construise l’autoroute 55», dit-il.

SUPERCANON

C’est d’ailleurs dans ce petit village que travaillait le Dr Gerald Bull, un spécialiste de la balistique assassiné en 1990 en Belgique.

«C’est moi qui avais dédouané son supercanon !», dit-il avec fierté. L’arme de destruction massive développée dans la Space Research Corporation du Dr Bull avait trouvé preneur en Irak. Son dictateur, Saddam Hussein, en voulait une réplique pour anéantir l’Iran, son ennemi juré.

L’été, Laurent Tremblay amenait son épouse et ses sept enfants au lac Memphrémagog, où il surveillait le passage des bateaux à la ligne de partage des eaux. Ses enfants se souviennent avec bonheur des étés passés au chalet que leur prêtait le gouvernement canadien pour la belle saison.

Laurent Tremblay, 94 ans, et Rita Corriveau, 96 ans, ont vécu dans leur maison d’Abercorn jusqu’en 2013. Ils habitent aujourd’hui avec leur fille Édith Tremblay, qui a transformé son domicile en maison bigénérationnelle pour les accueillir. Ils ont aujourd’hui 15 petits-enfants et 26 arrière-petits-enfants.