Josée Tourigny: première policière de Granby

En 1988, l’agente Josée Tourigny, âgée de 22 ans, devenait la première policière du Service de police de Granby. Vingt-quatre ans plus tard, elle a tracé le chemin pour d’autres. À l’aube de la journée de la femme, l’Express a rencontré cette policière d’exception.

 

«Ma première intervention, je m’en rappelle comme si c’était hier», confie-t-elle. Fraîchement sortie de l’École nationale de police, elle est jumelée à un policier d’expérience affecté à la surveillance routière. «On me dit, vous ne recevrez pas d’appels. En partant, un appel rentre. Il y a un individu dépressif et suicidaire dans un duplex du boulevard Leclerc. En arrivant sur place, on sort du véhicule et on entend envoye, viens-t’en. On lève la tête. Le gars était au deuxième et il nous pointait avec une arme à feu! J’ai roulé à terre derrière le char», se souvient l’agente Tourigny.

 

En tant que première femme à être embauchée par le Service de police de Granby, Josée Tourigny a dû défricher le terrain. D’une part, son casier a été mis à l’écart et elle a eu droit à toute sorte de remarques. «C’est particulier de se faire remarquer sur tout, sur la couleur de son élastique, sur sa montre ou sur ses petits pieds», dit-elle. Josée Tourigny avoue cependant qu’elle ne portait pas vraiment attention à cela. «Je voulais travailler et je savais que j’avais des choses à prouver», lâche-t-elle.

 

Et les remarques «macho»? «Ça a fait un temps», concède-t-elle. L’un de ses anciens partenaires de patrouille, l’agent Guy Rousseau ajoute que la «police, c’est comme une famille. Que tu sois un gars ou une fille, il y a un moment d’acceptation à passer», dit-il. Et certaines conjointes de policier l’a voyaient comme une menace. «Je comprenais ça, mais je m’en venais travailler.» Elle s’est toutefois fait prendre au piège. «Je suis mariée avec un policier de Granby depuis 19 ans», dit-elle en riant. «Si on m’avait dit que je me marierais avec un policier, je ne l’aurais pas cru!»

 

Policier-pompier
À ses débuts, Josée Tourigny n’arborait pas seulement le blason de la police, mais aussi… celui des pompiers. À l’époque, et jusqu’en 2002, les policiers cumulaient en effet les tâches du service d’incendie ce qui en rebutait plusieurs.

 

«Les premiers policiers qui arrivaient sur place sortaient les gens et attaquaient le feu. D’autres allaient chercher les camions. Si c’était un gros incendie, les pagettes des autres sonnaient. C’était difficile pour tout le monde. On ne se le cachera pas, c’est policière que je voulais être. Mais un coup que c’est parti, tu es capable de faire l’un, tu es capable de faire l’autre», lance, celle qui est originaire de Trois-Rivières.

 

Casque, imperméable et bottes, l’équipement des pompiers se limitait à cela à l’époque. Et quand le froid se mettait de la partie, la tâche se compliquait. «L’imperméable gelait. Pour l’enlever, il fallait se taper dessus avec un marteau pour enlever la glace», raconte la policière.

 

Outre la particularité de l’uniforme, œuvrer dans le service incendie était exigeant. «C’était très, très, très physique et très difficile de faire les deux. Si ta pagette sonnait de nuit, tu répondais au feu et il te libérait pour ton quart de jour», se rappelle celle qui est également enquêteuse en collision. «À cette époque-là, à l’âge que j’avais, j’ai adoré ça. Ç’a bien été jusqu’au moment où j’ai eu des enfants. Une chance, j’avais une bonne belle-mère parce que quand ma pagette sonnait, celle de mon mari sonnait aussi…»

 

Ouvrir la voie
À ses débuts, Josée Tourigny travaillait sur l’équipe de nuit. Et les bars étaient plus nombreux qu’aujourd’hui. «On doit être capable de s’arranger, de couvrir son côté. Sur certaines bagarres, ça n’avait pas de sens comme il y avait du monde.»

 

Outre ces épisodes, l’agente qui a maintenant 46 ans avoue n’avoir jamais eu de problèmes parce qu’elle était une policière. «Les gens trouvaient ça drôle. Ils disaient c’est le fun une fille!. Tout dépend de l’approche, mais des fois certains faisaient le saut.» Et à 22 ans, intervenir sur des chicanes de voisin avait quelque chose de surnaturel pour la jeune femme. «Tu donnes des conseils à des gens et tu leur dis de se parler. Certains avaient l’âge de mes parents!»

 

Josée Tourigny a été la seule femme du Service de police pendant deux ans et demi, moment où une deuxième a été embauchée. «Le pire était fait. Des bouts, ce n’était pas facile. J’avais beaucoup de pression et je m’en mettais. Quand tu comprends que tu ne peux pas être aimée par tout le monde, ça va mieux», concède-t-elle. En 2012, les policiers n’ont plus à combattre les incendies comme il y a dix ans et l’équipement, tant les souliers, les pantalons que les chemises sont maintenant adaptés aux femmes. «C’est complètement différent aujourd’hui», lâche-t-elle.


 

Vingt-quatre ans après son embauche, l’agente Josée Tourigny adore toujours être dans l’action. (Photo: Yanick Melchior)