Amoureux fous de leur village
En ces temps où le banlieusard est roi, les petits villages tentent d’attirer de nouvelles familles et de retenir leur jeunesse qui rêve de la grande ville. Selon les derniers chiffres de Statistique Canada, la proportion des gens vivant en campagne continue de dégringoler, alors que moins d’une personne sur cinq (18,9%) habite en région rurale. Une masse d’irréductibles continue de résister. Des gens comme Guillaume Tétreault, Barbara Talbot, Normande Hébert, Fritz Leutwyler et Simon Naud. Des gens fiers et attachés à leur village qui ne quitteraient pas leur petit coin de paradis pour tout l’or du monde.
Notre-Dame-de-Stanbridge : 705 habitants
Guillaume Tétreault, 24 ans
Étudiant en études classiques à l’Université de Montréal, il veut ensuite poursuivre en droit.
Président du comité des loisirs, responsable de la chorale et organiste.
De Farnham, on emprunte la route 235 Sud en direction de Bedford. Au feu clignotant de la station-service Shell, on tourne à droite et on roule jusqu’au village de Notre-Dame-de-Stanbridge.
C’est là qu’on risque de croiser Guillaume Tétreault, 24 ans, jeune universitaire attaché et dévoué à sa communauté. Même si la majorité de ses anciens camarades d’école ont quitté le coin, lui a choisi de s’impliquer.
«J’aime mon village, je le trouve beau, je le trouve le fun. On a une grande histoire, nous sommes le premier village de la région, tout part de Notre-Dame!», s’enorgueillit le jeune homme.
Pour stimuler l’enthousiasme local, Guillaume a décidé de prendre les rênes du comité des loisirs. Il dirige aussi la chorale de l’église, en plus d’être l’organiste de service.
Malgré ses études à l’Université de Montréal, il a choisi de demeurer chez ses parents et de voyager. Pas question pour lui de s’installer dans la métropole, ni même à sa sortie des bancs d’école. Le jeune homme a déjà sa petite idée où il aimerait habiter.
«Je rêve, un jour, de racheter la maison de ma grand-mère…», nous confie-t-il avant de nous guider jusqu’à la chaleureuse demeure de la rue Principale. Évidemment, il n’ira nulle part ailleurs qu’à Notre-Dame.
Quand vient la belle saison, l’artère principale du village grouille de monde. Les touristes affluent par milliers pour admirer les résidences de style Nouvelle-Angleterre. «L’été, c’est plein de cyclistes qui passent par le village, ils viennent voir le pont couvert et notre magnifique église», vante Guillaume.
Warden : 358 habitants
Barbara Talbot et Normande Hébert
Conseillères municipales. Barbara conduit l’autobus scolaire de l’école anglophone.
À l’intersection de la route 112 et de la rue Foster, on a presque un réflexe de braquer le volant à droite vers Waterloo. Si toutefois vous osez la gauche…, vous n’êtes qu’à quelques kilomètres d’un joli hameau nommé Warden.
Barbara Talbot est enracinée dans ce village, sa famille habite Warden depuis trois générations et sa fille perpétue la tradition familiale pour une quatrième génération. Qui sait si ses petits-enfants ne vont pas faire de même, car elle est une bien jeune grand-maman. Autour de sa résidence centenaire, bon nombre de parents sont dispersés. Sa mère habite la maison voisine à gauche, alors que sa sœur et son oncle demeurent juste en face.
«On a un beau village, une belle atmosphère», résume Barbara pour décrire l’ambiance qui règne dans la communauté. Solidaires, les gens encouragent les commerces locaux, comme le dépanneur et les deux ateliers de mécanique. Une visite au dépanneur devient aussi une activité sociale alors qu’on y engage souvent la conversation avec des connaissances.
Normande Hébert a délaissé la métropole pour s’installer à Warden il y a près de 20 ans. «J’ai fait le choix de revenir pour le côté champêtre et la proximité avec les gens», explique-t-elle. Après avoir visité plusieurs endroits, son cœur a tranché. Depuis elle s’investit avec énergie dans sa communauté. Le conseil municipal a d’ailleurs travaillé fort pour redresser la situation financière du village.
Depuis quelque temps, de nouvelles familles font leur arrivée dans le coin et on travaille à les intégrer. Des élus vont même jusqu’à les appeler pour leur souhaiter la bienvenue et le 3e dimanche d’août, ils sont conviés à la fête du village.
«On a un sentiment d’appartenance et les gens ont un accès direct au conseil municipal», ajoute Mme Hébert. Celle-ci affectionne le fait d’avoir «les sensations de la campagne, alors que Granby et Waterloo sont tout proche».
Et ne leur parlez pas de fusion avec la ville… «Pas question! On est le plus vieux village de la région et on veut garder notre identité. On travaille fort pour le garder vivant et améliorer la situation», répondent les deux représentantes.
Sainte-Brigide-d’Iberville : 1 261 habitants
Fritz Leutwyler, 30 ans
Producteur agricole et promoteur immobilier
Pas tout à fait à mi-chemin entre Farnham et Saint-Jean-sur-Richelieu se trouve une petite municipalité rurale en plein boom immobilier: Sainte-Brigide-d’Iberville. En entrant au village par la route 104 en provenance de Farnham, impossible de manquer la ferme Leutwyler et ses imposants silos à grain. Natif de Ste-Brigide, Fritz, fils d’immigrants suisses, a grandi sur cette même terre agricole qu’il gère aujourd’hui.
Vaste étendue de 150 hectares, dont huit seront transformés en quartiers résidentiels, l’endroit va bientôt voir pousser des rues et pas moins de 90 unités d’habitation! De quoi parer au nouveau babyboom que vit la municipalité. Un centre de la petite enfance de 80 places devrait d’ailleurs voir le jour dans ce nouveau quartier.
«Chaque village a son cachet, Sainte-Brigide est un beau village. On a la tranquillité et on est proche des centres urbains», résume le jeune homme. La camaraderie est toujours franche au village même si les gens ont un peu moins de temps pour s’impliquer dans les activités, croit Fritz.
Renommée pour son rodéo annuel, Ste-Brigide accueille des milliers de visiteurs durant ces week-ends de compétitions équestres. Fritz se fait un point d’honneur d’assister à l’événement… et d’offrir le stationnement aux véhicules récréatifs sur ses terres. «Je n’ai pas de temps à donner, mais j’essaie d’aider comme ça», souligne-t-il.
Le temps est en effet une denrée rare dans l’horaire de l’agriculteur. Comme il possède une flotte impressionnante de machinerie, il loue ses services à de nombreux voisins aux alentours. Donc, en plus de cultiver ses propres champs, il fauche ou laboure plusieurs autres terres du village.
Père d’une famille de trois enfants, le jeune homme de trente ans se plaît beaucoup dans cette vie de plein air. Et lui non plus ne veut rien savoir de s’installer en ville ou en banlieue. «Jamais de la vie! J’aime trop ça», répond-il du tac au tac.
Brigham : 2 554 habitants
Simon Naud, 40 ans
Vigneron et éleveur
Village ô combien discret, Brigham s’étend pourtant sur près de 85km2, soit environ sept fois la superficie de la Ville de Waterloo. Si on le remarque si peu, c’est probablement dû au fait que le cœur du village, lui, est très restreint. Pour le traverser, on emprunte le chemin Fordyce ou l’avenue des Érables, deux rues accessibles par la route 139, entre Saint-Alphonse-de-Granby et Cowansville.
Durant son enfance, Simon Naud s’est souvent retrouvé dans le coin pour rejoindre les autres marmots de Brigham. Né en 1972, il a été élevé sur la terre de son père Alcide, producteur de lait devenu viticulteur. Le vignoble familial a vu le jour en 1987: le Vignoble de la Bauge. C’est en 1996 que Simon en a pris la relève. «La terre fait partie de mon ADN», affirme le producteur de vin.
Les racines de la famille sont d’ailleurs aussi ancrées dans le sol de Brigham que celles des vignes. La sœur de Simon demeure juste à côté, tout comme l’un de ses frères, alors qu’un autre réside en face. «On est une famille élevée très proche et on n’est carrément pas capable de se séparer», confie-t-il, installé à la table de la cuisine familiale.
Plus jeune, il se souvient d’un «fort esprit de village» à Brigham. Un tissu qui s’est effrité avec le temps, mais qui semble se resserrer. «On sent un renouveau sur le territoire au complet et la municipalité investit autour de ça pour créer des activités», souligne celui qui se fait un plaisir de commanditer plusieurs événements locaux.
Simon s’investit aussi dans la sauvegarde de l’église. Le vieux bâtiment a besoin de soins et la communauté doit se mobiliser si elle souhaite conserver le joyau de son patrimoine.
Simon Naud parle de son coin de pays comme de «la plus belle région au monde, où il fait bon vivre». Il ajoute qu’il «n’y pas d’extrême pauvreté à Brigham, les gens travaillent et on a une belle communauté».
Selon lui, l’endroit est aussi «géographiquement parfait», alors qu’il est au centre de Granby, Cowansville et Farnham, à une heure de Montréal et que les enfants ont «la plus belle école de rang à Adamsville».