Des fraudeurs de plus en plus astucieux
Vous êtes propriétaire d’une boutique, d’un restaurant, d’un vignoble ou d’un autre commerce? Après les fraudes par carte, avec les terminaux de vente et anciennement, par chèque, les fraudeurs élaborent de nouvelles ruses visant à soutirer vos marchandises. Denis Paradis, le propriétaire du vignoble du Domaine du Ridge, a goûté à l’un de leurs stratagèmes. Une gorgée amère qui lui coûte 4 000$.
Les employés du vignoble situé à Saint-Armand ont été contactés par téléphone par le suspect. Une commande d’environ 200 bouteilles a été passée et un livreur du vignoble s’est rendu au point de rendez-vous, le 22 septembre dernier, devant la tour… de Radio-Canada, boulevard René-Lévesque à Montréal.
«Un gars l’a attendu à la porte. Il lui a dit qu’il ne peut pas passer par la cafétéria parce que les gens mangent et qu’il ne veut pas les déranger. Il a remis à mon employé un chèque certifié de Radio-Canada et a pris les caisses de bouteilles disant qu’il allait s’arranger avec», raconte Denis Paradis. Mais quand il a eu le chèque dans ses mains, le lundi suivant, le propriétaire savait qu’il venait d’être victime de fraude.
Pas une première…
L’ex-député fédéral raconte que son vignoble avait été la cible un peu plus tôt cet été d’une tentative de fraude. «Leur technique varie. La première fois, ils envoyaient un coursier et payaient par carte de crédit. Le coursier ne parlait pas français, ni anglais et il ne savait pas où il amenait la marchandise. Je l’ai reviré de bord. Cette fois-ci, on était alerte avec les fraudes par carte de crédit, mais quand tu te fais dire que c’est une commande pour Radio-Canada et que c’est livrable à Radio-Canada, le set up est là», enchaîne-t-il.
Celui qui officie en tant que président de l’Association des vignerons de Brome-Missisquoi garde tout de même le sourire. «Je sais qu’on produit du très bon vin au Québec! Assez pour que les fraudeurs soient à l’assaut de notre vin», dit-il en riant.
Sur une note plus sérieuse, il lance un message de prévention à tous les propriétaires de vignoble. «Ce n’est pas une fraude de 25 000$, mais c’est quelques milliers de dollars à chaque fois. Ils y vont au maximum du raisonnable et améliorent leur pattern, lance Denis Paradis. À tous les vignerons, je dis redoubler de vigilance. Même si le pattern n’a pas été encore essayé, méfiez-vous!»
Deux vignobles de Dunham ont aussi été la cible de ce stratagème frauduleux à la mi-septembre. Un suspect a communiqué avec l’une des entreprises vinicoles et a commandé 200 bouteilles de vin pour un service de traiteur montréalais. «Le suspect a précisé que le paiement se ferait par chèque certifié et les gens du vignoble ont refusé de livrer la marchandise», explique l’agente Aurélie Guindon, porte-parole de la Sûreté du Québec de l’Estrie. Les employés ont par la suite procédé à des vérifications sur le Web pour y découvrir que la compagnie de traiteur n’existe pas. «L’autre plaine qui a été déposée est une tentative de fraude utilisant le même stratagème», enchaîne l’agente Guindon.
Et il n’y a pas que dans Brome-Missisquoi que les vignerons sont visés. «Ils font le tour des vignobles du Québec. C’est un réseau bien organisé», note Denis Paradis.
Des dizaines de fraudes
Entre juin et août, une dizaine de dossiers de fraudes ont été ouverts dans la MRC de Brome-Missisquoi. Tous comme les fraudeurs amateurs de vins, ces bandits à cravate ont élaboré un modus operandi fort efficace. Armés de cartes de crédit clonées, ils achètent, par téléphone cellulaire avec carte prépayée, de la marchandise qu’ils font livrer par des livreurs indépendants. Les compagnies de carte de crédit informent les commerçants que la carte utilisée était fraudée que plusieurs semaines après la vente frauduleuse.
Pour chacun de la dizaine de dossiers ouverts, la fraude s’élève entre 1000$ et 3000$. «Le problème, c’est qu’il y a surement des commerçants qui se sont fait frauder et qu’ils ne le savent pas encore», relevait, à ce moment, le sergent Hugo Lizotte, porte-parole de la Sûreté du Québec de Brome-Missisquoi.
Et les objets achetés illégalement varient énormément, passant de produits de vignobles à des appareils électroniques. «Ce sont des choses qui se revendent bien. Ce sont les commerces de détail qui sont principalement ciblés», poursuit le sergent Lizotte.
De précieux conseils
Pour faire face à ces fraudeurs débordant d’imagination qui frappent tant dans la MRC de la Haute-Yamaska que dans Brome-Missisquoi, les policiers conseillent aux commerçants de demander les coordonnées complètes aux nouveaux clients. Les détaillants doivent aussi se méfier des commandes importantes et des demandes de livraison dans de courts délais.
La Sûreté du Québec conseille aux commerçants de demander les coordonnées complètes aux nouveaux clients. Les détaillants devraient aussi se méfier des commandes importantes et des demandes de livraison rapide faites par de nouveaux acheteurs.
Enfin, lorsqu’ils ont un doute, les commerçants sont invités à communiquer avec un centre d’autorisation de la carte de crédit pour vérifier l’authenticité de la carte et de la transaction. Et dans le cas où le client est devant lui, le détaillant n’a qu’à mentionner le code 10 au préposé. Ce dernier posera alors des questions fermées auxquelles le commerçant n’aura qu’à répondre par «oui» ou par «non».
Quant à la fraude par chèque certifié, les détaillants doivent vérifier l’authenticité de ce dernier auprès de l’institution financière émettrice. Le site Web de la Sûreté du Québec (www.sq.gouv.qc.ca) regorge également de judicieuses astuces pour se prémunir contre les bandits à cravate.
Toute personne qui a de l’information concernant ce type de fraude est invitée à communiquer avec la Centrale de l’information criminelle au 1-800-659-4264.
Cinq conseils pour éviter d’être piégé
1- Lorsqu’un client place une commande, exigez d’obtenir un numéro de téléphone vérifiable où on peut le rejoindre de jour, comme de soir, et qui concorde à une adresse et faire la vérification sur Canada 411.
2- Notez les informations nécessaires pour identifier l’acheteur (nom, prénom, date de naissance, adresse complète).
3- Méfiez-vous des commandes importantes et des demandes de livraison rapide réglées par carte de crédit ou par chèque certifié. Il y a un risque qu’il s’agisse d’une tentative de fraude. Dans ce cas, prenez le numéro de téléphone du potentiel acheteur et rappelez plus tard pour confirmer la commande.
4- Plus l’acheteur vous met de la pression pour clore la transaction rapidement, plus vous devriez faire attention et prendre votre temps.
5- Faites vérifier la validité de la carte de crédit ou le chèque certifié utilisé par une institution financière avant d’approuver la transaction.
Toutes les fraudes en chiffres
MRC de Brome-Missisquoi :
81 en 2011-2012
52 en 2010-2011
37 en 2009-2010
MRC de la Haute-Yamaska :
16 en 2011-2012
18 en 2010-2011
12 en 2009-2010
Municipalité de Bromont :
11 en 2011
10 en 2010
7 en 2009
Municipalité de Granby :
100 en 2011
91 en 2010
101 en 2009
District de l’Estrie (SQ) :
218 en 2011-2012
189 en 2010-2011
179 en 2009-2010
Dans le cas des statistiques fournies par la SQ, les périodes sous étude débutent le 1er avril et se terminent le 31 mars de l’année suivante. Pour la police municipale de Granby et celle de Bromont, les chiffres couvrent la période du 1er janvier au 31 décembre d’une même année.