Le propriétaire de Parachutisme Nouvel Air obtient une enquête publique
À la demande de Michel Lemay, propriétaire de Parachustisme Nouvel Air, le Bureau du coroner du Québec ouvrira une enquête publique sur la mort du parachutiste-caméraman Philippe Huard. Plus d’un an et demi après les événements, l’objectif de cet exercice, qui se déroulera au palais de justice de Saint-Hyacinthe, vise à éclaircir les causes et les circonstances entourant le décès de l’homme de 34 ans.
Philippe Huard, un parachutiste qui comptait plus de 800 sauts à son actif, filmait la descente d’un client de l’école de parachutisme le 10 octobre 2010. Après deux virages rapides de 90 degrés au moment de l’atterrissage, il a fait une chute libre de 20 mètres pour heurter violemment le sol. Les manœuvres de réanimation pratiquées sur le corps de Philippe Huard, qui souffrait de multiples fractures, ont été vaines.
Après la publication des résultats d’une enquête menée par la CSST pendant près de six mois et la diffusion du rapport du coroner Jacques Robinson, le Bureau du coroner du Québec se lance dans une enquête publique.
«Il y a des motifs de croire en l’utilité de cette enquête pour apporter des éclaircissements supplémentaires. La coroner en chef ordonne ce type d’enquête quand le dépôt du rapport du coroner ne suffit pas à expliquer les causes et circonstances du décès», explique Geneviève Guilbault, responsable des communications au Bureau du coroner du Québec.
Faire la lumière
En avril 2011, lorsque la CSST avait publié les conclusions de son enquête, Michel Lemay, le propriétaire de Nouvel Air, s’était dit déçu. La détermination déficiente de la passe de largage, la gestion déficiente du terrain d’atterrissage présentant une zone de turbulence et l’utilisation d’une mauvaise voile ressortaient comme étant les causes de l’accident dans le volumineux rapport de 64 pages.
«Certaines causes ne s’appliquent pas à la réalité. L’identification des causes pour moi ne permet pas de tirer des conclusions pertinentes», disait à l’époque Michel Lemay, un parachutiste qui compte plus de 16 000 sauts à son actif. Il déplorait notamment le fait que la CSST ait utilisé des données météorologiques de Saint-Hubert et qu’elle n’ait pas interrogé d’expert-parachutiste.
Il a été déçu une fois de plus lorsque le coroner Jacques Robinson a publié ses conclusions en juin 2011. «L’enquête démontre, sans l’ombre d’un doute, que cet accident mortel était évitable. Une détermination rigoureuse de la passe de largage, une gestion efficace du risque que représente la zone de turbulence au terrain d’atterrissage et une vérification adéquate des compétences de leur employé à utiliser un équipement adéquat, tous ces facteurs auraient pu éviter cet accident mortel», écrivait le coroner. Ce dernier y allait de trois recommandations à l’entreprise.
Encore aujourd’hui, M. Lemay croit en la nécessité de faire la lumière sur les événements. «Le coroner n’a pas refait d’enquête parce qu’il y avait déjà celle de la CSST. Il a fait un copier-coller. On avait deux rapports qui nous blâmaient injustement», explique-t-il. C’est pourquoi il a entrepris des démarches pour rencontrer le coroner. «On lui a expliqué les faits», dit-il. Des propos que confirme Geneviève Guilbault. «Le rapport du coroner était basé sur le rapport de la CSST. Le point de vue du propriétaire laissait persister des questionnements sur les circonstances précises de la mort.»
Une longue liste d’experts
Du 25 au 27 avril, le coroner Luc Malouin, qui préside l’enquête publique, entendra le témoignage de treize personnes. «Les témoins vont expliquer publiquement leur point de vue», explique Mme Guilbault.
Stéphane Bastien, un policier de la Sûreté du Québec, présentera entre autres un croquis de la scène d’accident. Le copropriétaire de Parachutisme Nouvel Air, Mario Prévost, qui a donné l’entraînement à Philippe Huard, sera entendu, de même que Michel Lemay. Ce dernier était dans le même avion que la victime et a sauté une vingtaine de secondes après celui-ci. Martin Dumas, un expert parachutisme, pilote et ingénieur, va préciser les données sur les vents et les zones de turbulences. Le parachutiste Nicolas Huard (sans lien de parenté avec la victime) expliquera l’accident et évoquera les différentes hypothèses qui l’auraient provoqué. Trois témoins de la chute de Philippe Huard et trois parachutistes qui sautaient avec lui témoigneront, de même que le pilote de l’avion.
Enfin, un expert en toxicologie, René Blais, analysera le rapport toxicologique de Philippe Huard. L’analyse du sang de ce dernier a démontré qu’il avait consommé des médicaments contre la toux et le rhume. «Est-ce que Philippe Huard était dans état enrhumé ou grippé? Était-il symptomatique? En quoi les symptômes et les médicaments peuvent influencer les réflexes? Cette personne viendra répondre à ces questions», explique Geneviève Guilbault.
Au terme des trois jours d’audience, le coroner Luc Malouin rédigera un autre rapport. S’il y a lieu, il formulera des recommandations. «Le but de l’exercice n’est pas de chercher un coupable. D’ailleurs, ce qui est dit n’est pas préjudiciable, ni utilisable au civil ou au criminel», conclut Mme Guilbault.