L’inquiétude gagne du terrain dans Brome-Missisquoi

La réforme de l’assurance-emploi du gouvernement Harper fait couler beaucoup d’encre depuis quelques semaines un peu partout au pays. Dans Brome-Missisquoi, des propriétaires d’entreprises touristiques et agricoles n’entendent pas à rire. Ces derniers appréhendent des retombées néfastes pour leur exploitation à la suite de cette décision des conservateurs.

Annoncé dans le budget du gouvernement conservateur en mars 2012, le projet de loi a été dévoilé par la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, le 6 janvier dernier. Cette réforme de l’assurance-emploi vise à redéfinir les normes en créant trois catégories de prestataires. La réforme prévoit, entre autres, une nouvelle méthode de calcul pour les gains admissible et pour le taux de prestation, et ce, dès le 7 avril 2013.

Dès la première semaine d’avril, le gouvernement obligera les travailleurs prestataires de l’assurance-emploi à accepter un travail à un salaire moindre, et ce, peu importe secteur d’activité. Si le travailleur refuse, il perdra ses droits aux prestations. Ces baisses de salaire varieront entre 10 à 30% du salaire habituel.

Perte de travailleurs

Selon plusieurs entrepreneurs agricoles et touristiques rencontrés par le JournalLeGuide.com, cette nouvelle réforme aura des effets pervers. Des travailleurs absents du marché du travail durant l’hiver, les départs hâtifs à la retraite ou même le travail au noir sont évoqués par des intervenants.

«En tourisme et en agriculture, ce n’est déjà pas évident de conserver des emplois. Le premier impact est que les travailleurs, au vignoble, ne travaillent pas durant l’hiver. J’essayais de les faire travailler  au moins une journée durant la saison tranquille, car ils avaient le droit de faire quelques heures par semaine même s’ils étaient au chômage. Ceci permettait de garder ces gens dans la région et d’entretenir mes contacts avec eux», témoigne Charles-Henri de Coussergues, propriétaire du Vignoble de L’Orpailleur et président de l’Association des Vignerons du Québec.

«Maintenant, la valeur de ce qu’ils gagnaient durant cette journée sera coupée de 50%. Donc si le travailleur gagnait 100$ pour une journée de travail, le gouvernement garde maintenant 50$. Bien évidemment, ça décourage les travailleurs et moi je perds cette main-d’œuvre. On pousse les gens à travailler au noir», ajoute M. de Coussergues.

Face à l’incertitude, de nombreux travailleurs saisonniers ont déjà entamé des recherches pour se trouver un second emploi.

«Jusqu’à maintenant, les employés ne savent pas jusqu’à quel point ils seront pénalisés. Mes employés ont adopté leur mode de vie selon un salaire qui nécessite l’assurance-emploi», explique Guillaume Leroux, propriétaire du vignoble Val Caudalies.

«Je ne peux pas me mettre dans la peau de Harper. Il y a surement des raisons pour lesquelles ils ont adopté cette loi, mais je crois qu’ils (conservateurs) n’ont pas réfléchi aux impacts que cette loi aura auprès des petites économies. Ils s’acharnent sur des gens qui n’ont pas besoin de tels obstacles», reproche l’entrepreneur de Dunham.

De son côté, le député du NPD, Pierre Jacob, compte se tenir debout en s’opposant à cette nouvelle réforme lors de sa prochaine visite à Ottawa le week-end prochain.

«C’est sûr que dans tout système, il y a de l’abus. Mais trop souvent, le gouvernement part d’une exception et généralise. Ce ne sont pas tous les travailleurs qui optent pour un emploi saisonnier afin de passer tout leur hiver en Floride. Je pense que la plupart des gens sont honnêtes, veulent travailler et sont attachés à leur emploi. Il faut créer de l’emploi pertinent dans les régions, car bientôt, plusieurs travailleurs ne pourront plus assurer la sécurité financière de leur famille. Il faut stimuler la création d’emploi et bonifier le programme d’assurance-emploi», souligne M. Jacob.

Pour le maire de Cowansville et préfet de la MRC de Brome-Missisquoi, Arthur Fauteux, la nouvelle donne en assurance-emploi imposée par le gouvernement Harper ne serait pas aussi dramatique.

 «Ce n’est pas le premier parti qui analyse cette idée. L’idée n’est pas mauvaise, mais c’est certain qu’il va y avoir un impact plus important dans certaines régions. Il devrait appliquer cette loi avec des nuances avec des alternatives pour que les travailleurs touchent un réel «70%» de leur salaire. Selon moi, oui, ce sera plus difficile pour certains, mais pas suffisamment pour faire une différence.»

Un avis que ne partage pas son homologue de Dunham, Jean-Guy Demers. 

«C’est aberrant. On retrouve dans les entreprises touristiques des gens ayant une grande expertise. Il ne faut pas perdre cette main-d’œuvre. Je comprends le sens de la loi, mais cette réforme crée des problèmes et va nuire à notre économie locale», exprime l’élu.