Nos cerveaux à l’étranger

Tout laisser derrière soi pour vivre un défi professionnel hors Québec. Ce beau rêve, plusieurs Québécois le vivent. JournalLeGuide.com présente le portrait de gens de chez nous qui occupent des emplois à l’étranger.

Travailler avec les meilleurs de la planète, des appareils à la fine pointe de la technologie, dans un endroit reconnu mondialement. Voilà ce qui a motivé la Cowansvilloise Marie-Ève Brault à prendre la direction du Dana Farber Cancer Institute, affilié à l’Université Harvard, à Boston, pour y poursuivre sa formation postdoctorale.  

 «La renommée de l’Université Harvard n’est plus à faire, et le Dana Farber Cancer Institute est classé parmi le top 5 des meilleurs hôpitaux aux États-Unis. Des gens atteints de cancer viennent de partout dans le monde pour s’y faire traiter», affirme Marie-Ève Brault, qui y occupe actuellement le poste de chercheuse postdoctoral en oncologie moléculaire (recherche fondamentale sur le cancer).

La Cowansvilloise aurait pu poursuivre ses études au Canada, mais elle a choisi Boston, qui est en voie de devenir la ville numéro un pour la recherche aux États-Unis.  

«À chaque jour, j’ai l’occasion de travailler avec des leaders dans le domaine de la recherche sur le cancer, et j’ai accès à des technologies qui ne sont pas disponibles ou peu accessibles au Canada. C’est donc un milieu très motivant et excitant où travailler, où on a l’impression que les possibilités sont infinies», enchaîne la scientifique de 32 ans.

Elle a étudié à Sherbrooke, Québec et Montréal avant de poser ses valises à Boston, il y a un peu plus de deux ans.

«Au moment de quitter, je pensais peut-être naïvement que je m’adapterais très facilement à ma nouvelle vie aux États-Unis, étant donné que les Américains sont nos voisins du Sud et que nous sommes tous Nord-Américains», explique Marie-Ève Brault.

Choc de culture

Mais elle a malgré tout connu un choc.

Particulièrement dans les trucs banals du quotidien, tels que les produits à l’épicerie (elle y a remarqué une grande culture du fast-food), les relations interpersonnelles, le type d’humour et l’équilibre travail-loisirs.

«Je me serais attendue à un choc de culture si j’avais quitté le Québec par exemple pour l’Asie, mais je suis partie pour les États-Unis en pensant à tort que j’aurais besoin de très peu d’adaptation», plaide-t-elle.

Elle aimerait bien revenir au Québec après sa formation, dans environ deux ans, en compagnie de son conjoint et de sa fille, à qui elle a donné naissance aux États-Unis.

«J’aime la vie au Québec, et ma famille et mes amis sont très importants pour moi. Je ne suis toutefois pas 100% fermée à l’idée de rester à Boston. Tout dépendra des opportunités de carrières qui se présenteront lorsque ma formation sera terminée», indique la scientifique.

Mais la recherche au Québec ne se porte pas très bien en ce moment, souligne-t-elle. Il y a eu beaucoup de coupures dans les budgets alloués à la recherche, et beaucoup d’entreprises de biotechnologie ont fermé leurs portes au cours des dernières années.

«Au contraire, il y a une foule d’opportunités de carrière en recherche à Boston, et ça continue d’exploser. Naturellement, mon conjoint aura son mot à dire dans cette décision, et en ce moment, lui comme moi aimerions que notre fille grandisse au Québec», affirme la chercheuse de 32 ans qui apprécie la beauté de la côte est américaine et de la Nouvelle-Angleterre.    

Marie-Ève Brault reconnaît que son environnement de travail en sol américain est «assez compétitif».

«Les gens sont travaillent beaucoup, la carrière et la performance, c’est très important ici et ça met beaucoup de pression», illustre-t-elle.

Mais le fait que son environnement de travail soit aussi motivant et passionnant pèse dans la balance.

 

La lutte au sida selon la docteure Catherine Anita Hankins

La médecin Catherine Anita Hankins a reçu l’Ordre du Canada pour tout le travail qu’elle a consacré à enrayer le VIH/Sida tant au Canada qu’en Europe. Résidente de Sutton depuis 1991, elle partage son temps des deux côtés de l’Atlantique depuis 2002, année où elle s’est jointe au Programme conjoint des Nations Unies à Genève, en Suisse. Elle y agit en tant que directrice adjointe et conseillère principale scientifique.

«Quel plaisir d’être reconnue pour le travail que je fais, travail qui me passionne», affirme Catherine Anita Hankins, qui admet avoir été «surprise» de cette récente nomination, le 30 décembre dernier.

Âgée de 64 ans, la médecin au parcours impressionnant (son curriculum vitae compte une quarantaine de pages) est directrice adjointe au Amsterdam Institute for Global Health and Development. Elle est aussi membre du département de Santé mondiale à l’Université d’Amsterdam, aux Pays-Bas, professeure honorée au London School of Hygiene and Tropical Medicine à l’Université de Londres, en Angleterre, et consultante pour Hankins Consulting, à Genève, en Suisse.

Née à Edmonton et élevée à Calgary, docteure Hankins était responsable du contrôle des maladies infectieuses pour la ville de Calgary lorsque les premiers cas de sida ont été rapportés aux États-Unis. C’était en 1981.

Elle a été nommée au Comité aviseur national contre le sida du ministre de la Santé fédérale en 1985. Elle y est restée jusqu’en 1993.

«En 1986, j’ai pris le poste de responsable du sida pour les départements de santé communautaire de Montréal métropolitain. Six mois plus tard, je me suis retrouvée en confrontation directe avec la ministre de la Santé publique provinciale, qui avait bloqué la campagne «Sans condom, c’est non» que je menais. À la suite d’une conférence de presse secrète, notre message a passé, et la population québécoise a indiqué son désir de voir une campagne explicite sur le sida», raconte-t-elle.

Recherche-action

Après cette expérience, Catherine Anita Hankins a fait son entrée en tant que scientifique dans le domaine du sida en se lançant dans la «recherche-action».

«Par exemple, à la suite d’une étude que j’ai menée à la Maison Tanguay, où j’ai détecté une prévalence du VIH de 13% parmi les femmes avec une histoire d’injection des drogues, j’ai initié les discussions qui ont mené au projet CACTUS, que nous avons soumis aux gouvernements fédéral et provincial pour subventions. Ce fut le premier programme d’échange des seringues mené avec cofinancement au Canada», souligne la médecin, qui puise son inspiration et sa motivation dans les nombreuses personnes vivant avec le VIH qu’elle a connues, perdues, et qui comptent parmi ses collègues et amis.

Docteure Hankins vient tout juste de compléter son doctorat à la faculté de médecine de l’Université d’Amsterdam.

Elle souhaite améliorer son néerlandais, une langue qu’elle qualifie de «pas facile», et elle a bien hâte de devenir grand-maman, puisque ses deux filles se sont mariées en 2013.

«Je suis en pleine réflexion au sujet des projets possibles avant de me lancer dans une prochaine étape, mentionne la Suttonaise. Je pense bien que je ne vais jamais prendre une retraite du travail intellectuel ou bien des activités qui visent l’amélioration de notre monde, même si j’arrête d’être rémunérée à un moment donné.»