Près de 200% d’augmentation des saisies auprès des détenus

Couteaux, clés pour menottes, matériel de tatouage, alcool, câble USB, tabac en vrac, lecteur MP3, drogue, les objets saisis auprès des détenus du pénitencier de Cowansville se comptent par centaines. De 2008 à 2011, le nombre de perquisitions a bondi de près de 200%, révèlent des documents obtenus via la Loi sur l’accès à l’information. 

En 2008, le nombre d’objets et de substances saisis lors de fouilles auprès des détenus incarcérés à l’établissement du chemin Fordyce s’établissait à 49. L’année suivante, les saisies ont augmenté de 24,5% pour se chiffrer à 61. La situation s’est stabilisée en 2010 (62 objets perquisitionnés) avant de prendre son envol en 2011. Pas moins de 146 objets et substances ont été perquisitionnés cette année-là, un fulgurant bond de 135,5% par rapport à 2010 et de 198% comparativement à 2008. L’an dernier, du 1er janvier au 14 octobre, les membres du personnel ont perquisitionné 112 objets.

Serge Abergel, porte-parole de Service correctionnel Canada (SCC), explique cette augmentation de deux manières. «Il y a eu une standardisation dans les signalements. Maintenant, les saisies sont signalées de façon uniforme. Deuxièmement, il y a eu un déploiement de mesures de façon à empêcher la drogue d’entrer», dit-il.

De janvier 2008 à octobre 2012, pas moins de 430 choses diverses ont été récupérées. De ce nombre, 29 couteaux (lames, fabrication artisanale) ont été trouvés, 36 saisis concernaient de l’alcool, du haschich a été perquisitionné à 39 reprises et 27 objets reliés au tabac ont été saisis. La catégorie la plus imposante (83 perquisitions) regroupe les objets «autre», tels que des fils USB et des lecteurs MP3. Parmi les saisies les plus insolites, notons des clés pour menotte (1).

Pour lutter contre les introductions d’objets, le centre correctionnel réalise notamment des fouilles de cellules, de véhicules, de la surveillance régulière des actions des détenus et des tests d’urine aléatoires.

«Dans le périmètre sécurisé, des ressources additionnelles ont été mises en place dans les tours et les points de surveillance afin d’empêcher la contrebande. La surveillance est accrue dans le périmètre et aux entrées. Pour se faire, on utilise une série d’outils. On est beaucoup plus présents qu’avant. On s’améliore», ajoute Serge Abergel.

Des agents de renseignements

Au-delà de ces moyens parfois high-tech pour stopper la contrebande, le SCC compte aussi sur la présence d’agents de renseignements de surveillance au sein de ses établissements. «Leur mandat est d’identifier les trafiquants et les acheteurs, d’effectuer des saisis et d’arrêter la contrebande à la source. Ils travaillent à l’interne avec les détenus et en partenariat avec les corps de police», explique M. Abergel. Une ligne téléphonique (1-866-780-3784) est d’ailleurs mise à la disposition du public. «Elle permet de donner des renseignements de façon confidentielle aux agents de renseignements de surveillance.»

La diminution de la présence des stupéfiants en milieu carcéral ne passe pas seulement par les fouilles et les saisit, note Serge Abergel. «Le SCC met aussi à la disposition des délinquants un programme de traitement en toxicomanie. Il ne faut pas juste arrêter la contrebande à la source, c’est de l’arrêter auprès du consommateur.»

Dès qu’un détenu présente des symptômes de dépendance à la drogue ou à l’alcool, et qu’il a la volonté de s’en sortir, il peut suivre un programme de désintoxication.

Autant de façon que d’imagination

En milieu carcéral, l’imagination ne manque pas pour faire entrer des substances illicites dans le périmètre sécurisé. Les objets tant convoités par les détenus peuvent entrer par la voie des airs via des colis volants. «La marchandise de contrebande peut être dissimulée dans des objets, comme une balle, et être lancée par-dessus les périmètres de sécurité», cite en exemple le porte-parole du SCC.

Les détenus qui reviennent du tribunal peuvent aussi être une source de contrebande. «Tout délinquant qui est appelé en cour peut être en mesure de ramener du tabac dans l’établissement. Et le tabac vaut très cher», mentionne M. Abergel.

Enfin, les visiteurs peuvent également jouer un rôle. «Les détenus peuvent leur demander d’amener des choses. En partie, la contrebande est interceptée à l’entrée de l’établissement», soutient le porte-parole.

Ce dernier ne cache pas que l’objectif du SCC est de stopper 100% de ces activités illicites, mais ne baigne pas dans l’illusion. «C’est une problématique en évolution constante. Le défi, c’est de s’adapter continuellement.»

Des actions disciplinaires sont prises contre des détenus qui sont surpris en possession de marchandises prohibées par le SCC. «Il peut y avoir privation de certains privilèges», précise M. Abergel. Lorsque les délinquants sont surpris avec des stupéfiants, des accusations criminelles peuvent être déposées.

Le syndicat sceptique

Invité à réagir à ces statistiques en hausse, Claude Duchesneau, vice-président régional du syndicat des employeurs du Solliciteur général (SESG), se dit sceptique. «Soit que le système fonctionne ou il ne fonctionne pas!, lance-t-il. Il devrait y avoir plus de fouilles intérieures, parce qu’au niveau des personnes qui entrent, le système est beaucoup plus efficace.»

«Aussitôt que tu vois un peu d’agissements, c’est le temps de faire une fouille. Il faut que ce soit aléatoire et qu’il y ait une plus grande vigilance par rapport à ce qui se passe sur le plancher. Il y a des fouilles aléatoires qui sont programmées, mais des fouilles-surprises, non.»

M. Duchesneau explique qu’une philosophie est imprégnée chez les délinquants. «Il y a une certaine régularité de pensée des détenus. Dans le fond, ils se font des armes pour se protéger, pas pour attaquer le personnel», avance-t-il.

Un morceau de vitre récupéré dans une poubelle, un bout de métal effilé ou encore une vis aiguisée collée à des couteaux de plastique fondus peuvent rapidement devenir une arme. «Et quand il y a des armes, ça peut être dangereux pour les détenus et pour le personnel. C’est une question de sécurité.»

Des pics par milliers

Claude Duchesneau ne se cache pas pour mettre en doute la stratégie du SCC. «Présentement, à Donnacona, ils ont été obligés de fermer CORCAN [NDRL: CORCAN est le service qui fait travailler les détenus. Ils produisent de nombreux objets pour le gouvernement.] plusieurs jours parce qu’ils ont trouvé des pics qui provenaient des industries. À Cowansville, c’est juste ça des industries! Et ils n’en trouvent pas. La surveillance est accrue à Cowansville. Qu’ils n’en trouvent pas, j’ai de la misère à le croire.»

Ce dernier se souvient qu’en 1996, le pénitencier de Cowansville avait été fermé pendant cinq jours. «Il y avait des pics et des armes cachés dans la cour. Ils ont dû fouiller la cour avec des bulldozers pour creuser autour des pavillons. Il y en avait tellement, ça sortait par camions», se rappelle M. Duchesneau.