Protestations du Val 8: Bromont va de l’avant
Pétition, moratoire, référendum. La tension était vive et les propositions nombreuses, mardi soir, dans la salle du conseil municipal de Bromont, qui était pleine à craquer. Malgré de vifs débats, les élus bromontois vont de l’avant avec le projet Val 8 tout en préservant les sommets des monts Horizon et Bernard, une résolution qui est loin de faire l’unanimité.
«Ce soir, nous ne prenons pas une décision en fonction d’une lettre arrivée à 15 heures cet après-midi, mais en fonction de réflexions faites depuis plusieurs mois», a dit Pauline Quinlan à l’attention des citoyens – qui étaient plus de 75 – entassés dans la petite salle de la mairie de Bromont. Mme Quinlan faisait référence à une pétition électronique déposée et signée par près de 800 personnes. Parmi les demandes, les signataires revendiquaient la protection des sommets en interdisant le développement immobilier au-delà des 400 mètres d’altitude, de limiter le développement immobilier sur le massif en plus de permettre son accès aux Bromontois et visiteurs en créant un parc ainsi qu’en aménageant des sentiers.
Après un court historique du projet, les élus ont adopté la résolution qui reprenait les conclusions suggérées par le Comité consultatif de l’urbanisme (CCU). En ce sens, la Ville a donné son aval à 37 lots, sur les 55 projetés par le promoteur Ski Bromont Immobilier. La superficie de la dernière phase du projet Val-des-Irlandais couvre un peu plus de 100 hectares. Chacune des constructions, dont la valeur devrait avoisiner les 750 000$, devra ensuite être soumise aux règles du Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) en montagne.
Les lots refusés comprenaient soit, des terrains avec de fortes pentes, se trouvaient en altitude élevée, avaient une présence accrue de feuillus qui rendait difficile le camouflage des résidences ou se trouvaient sur la ligne de crête.
«Ce soir, nous sommes unanimes sur cette proposition», a enchainé la mairesse Quinlan, avant que la résolution soit proposée par Diane Perron et approuvée par Jacques Lapensée.
«Quoi de plus?»
«Je vous félicite d’être venus en grand nombre. Même si rien n’est parfait, on juge que nous avons répondu aux quatre critères de la pétition», a assuré la conseillère Diane Perron. De par l’adoption de cette résolution, les élus protègent les sommets des deux monts en interdisant les constructions à plus de 400 mètres d’altitude. «Les deux sommets sont préservés. Il y a un réseau de sentiers en place. Il y a autour de 6 millions de pieds carrés qui pourraient ne pas faire partie du domaine privé. C’est beaucoup plus que le 10%, mais on doit regarder maintenant l’option révisée», indique Luc Bougie, vice-président planification et développement chez Ski Bromont Immobilier.
Le développement immobilier est prohibé sur le mont Bernard, Bromont a refusé les lots qui devaient s’y trouver. «Pour l’instant, c’est la position de la municipalité. Elle a dit qu’elle ne souhaiterait pas que le mont Bernard se développe», ajoute M. Bougie. Ces conclusions ne font cependant pas le bonheur des citoyens.
«On se demande ce que ça prend de plus pour que le conseil accepte un moratoire et prenne un certain recul pour reconsidérer le projet. C’est l’âme de Bromont», a lancé l’ex-maire Robert Désourdy qui a déposé la pétition. «Ça ne sert à rien de bousculer ce projet. Les sommets vont toujours rester là», a renchéri Raynald Meunier qui réside à Bromont depuis 30 ans.
Pauline Quinlan a tenu mordicus à rappeler, sous de fortes protestations, que les élus avaient «démontré que le projet tenait compte de ce que voulait les citoyens, soit protéger les sommets.»
«On a pris la peine de publier un avis public et de tenir une séance d’information à l’automne. Le projet du Val 8, avec les exigences de la ville, est un projet intégré qui respecte le couvert forestier», a ajouté la conseillère Anie Perreault.
Un espace vert public
Le groupe de protestataires demande aux élus bromontois d’acheter les terrains visés par le projet afin d’y aménager un parc et un réseau de sentiers municipal. «Protégeons nos espaces en parc pour les jeunes. On pense que ça devrait être un parc pour les générations à venir comme le parc Jean-Drapeau à Montréal, a indiqué Gérald Désourdy. Il faudrait que la ville trouve une façon d’acquérir le terrain afin d’en faire un parc municipal, provincial ou fédéral. C’est une chose qui mérite d’être discutée, de là un moratoire. C’est le seul diamant intact qui pourrait être aux citoyens.»
«Je suis contre la dette, mais je serais heureux de m’endetter pour les générations futures. Ce serait une dette d’honneur», a renchéri le citoyen Marc Deslandes en faisant référence aux Bois de Boulogne, Hyde Park et Central Park de ce monde.
Au terme de la période de questions qui a duré près de 90 minutes, Robert Désourdy s’est dit très heureux de la mobilisation citoyenne et mise sur une consultation populaire. «On a demandé un référendum. Ce sera la solution. Il y a des pro-maisons et des pro-parcs. C’est un sujet sensible. Ça touche tout le monde», indique-t-il.
La tenue d’un référendum pourrait être possible aux yeux de Pauline Quinlan. «Une municipalité a plusieurs outils pour analyser des projets et le référendum fait partie des outils. On a pris beaucoup de temps pour monter ce projet. Ce soir, on a réalisé de part et d’autre qu’il faut discuter. On entend communiquer. Ce n’est pas demain matin que ça va débuter. Rome ne s’est pas bâtie en un jour. On réalise que les gens sont attachés. Ils l’ont fréquenté même si ce sont des terrains privés.»
Pétition valide?
Les adresses des quelques 800 signataires étaient les grandes absentes de la pétition déposée par les citoyens, mardi soir, si bien que sa «qualité» a été questionnée. «Ceux qui signent en ligne, d’où viennent-ils? De Bromont ou d’ailleurs? Internet, ça traverse les frontières», s’est interrogée Pauline Quinlan. Une réflexion que partage Luc Bougie. «Il faut évaluer la pétition avec rigueur. Est-ce que tous les signataires viennent de Bromont. Y a-t-il des nicknames?»
Malgré cette carence de taille, elle a été acceptée par Richard Joyal, des services administratifs de la Ville. Les responsables de la pétition comptent toutefois se reprendre. «Ça nous prend des signatures avec le nom et l’adresse. On va aller chercher des numéros de téléphone s’il le faut. On va travailler fort», a conclu Gérald Désourdy.