Une ferme d’insectes sur le point d’éclore
AGRICULTURE. Un élevage particulier verra le jour sous peu à Frelighsburg. Deux associés, Nabil Chaib Draa et Étienne Normandin, en sont à mettre sur pied une ferme d’insectes, dans une ancienne écurie à l’orée du village, a appris JournalLeGuide.com. Et les plans liés à l’entomophagie, l’intégration des insectes dans l’alimentation humaine, ne manquent pas pour les deux entrepreneurs.
Le lopin sur lequel prendra forme le projet s’étend sur 50 acres, un terrain en friche, sur le Chemin de Dunham. Il créerait trois emplois cette année. D’ici cinq ans, ce total pourrait être porté à une dizaine à temps plein, en plus de six embauches saisonnières. La ferme fonctionnerait dès la fin de l’été ou au début de l’automne.
Le projet est né l’an dernier, à quelques centaines de kilomètres de Frelighsburg, quelque part dans un salon montréalais sur l’alimentation. Les deux partenaires ont décidé d’emprunter cette voie, qu’ils jugent prometteuse pour l’avenir. Ils y voient tout un potentiel, autant sur le plan écologique qu’économique. «Ça faisait un bon moment que je cherchais à développer une entreprise plus verte, plus écologique et plus éthique. En commençant à fouiller sur le domaine des insectes, je me suis rendu compte que c’était quelque chose de fascinant et qui tombait exactement dans mes cordes», explique Nabil Chaib Draa.
Multiples volets
Le projet, arrivé à pleine maturité, devrait se déployer en trois parties. Une première sera consacrée à l’élevage d’insectes. Les grillons à deux bandes et les vers de farine (mealworms) trouveront donc une niche entre les murs de l’ancienne écurie reconvertie. Ces deux insectes, parmi les plus populaires dans le domaine de l’entomophagie, présentent certains avantages qui en font des insectes de choix. «On les retrouve déjà au Québec, donc pas de risques d’envahissement. Ils sont très faciles à cultiver et exigent peu de soins», décrit Nabil Chaib Draa.
Une autre partie de la ferme sera consacrée à la fabrication de nourriture destinée aux insectes. Un total de 60 kilos d’insectes transformés constituerait le bilan d’une première année satisfaisante, d’après les objectifs des deux hommes. Pour les années subséquentes, ils espèrent doubler, voire tripler leur volume. Selon les projets à l’étude, les centaines de milliers d’insectes pulluleraient dans des conteneurs. Chaque gramme transformé requiert l’élevage d’une vingtaine de grillons. Les premières collations seraient lancées l’an prochain.
Une production maraîchère verrait aussi le jour sur le vaste site. «On aimerait emmener les gens à cuisiner les insectes, de sorte que l’on va développer des produits avec lesquels ils seront agrémentés, que ce soit des salades ou des légumes», relate Nabil Chaib Draa.
La sensibilisation comptera pour beaucoup dans le mandat de la ferme. également offerts. «Nous sommes entre 10 et 15 ans en arrière de ce qui se fait ailleurs en Europe, et nous sommes même en recul par rapport aux États-Unis, où des barres tendres et des grignotines à base d’insectes sont déjà sur le marché», laisse entendre M. Normandin, qui se chargera davantage de l’aspect éducatif.
Changement des mentalités
Les deux partenaires y voient d’ailleurs clair quant aux mœurs à faire évoluer. «On est bien conscient qu’il y a tout un travail de fond à faire pour que les gens commencent à accepter les insectes dans leurs habitudes alimentaires», fait valoir Nabil Chaib Draa. La ferme accueillerait des groupes scolaires. «Les jeunes sont nos futurs clients et ce sont eux qui dicteront les grandes tendances alimentaires du futur», croit Nabil Chaib Draa. Le duo compte aussi participer à divers événements et foires dédiés à l’alimentation. «On veut vraiment s’intégrer dans ce créneau.»
Un lieu qui va de soi
Le choix de Frelighsburg pour y installer le projet repose sur divers facteurs. Les deux entrepreneurs insistent toutefois sur un climat communautaire et politique favorable. «Il y a plusieurs initiatives écologiques déjà solidement établies. Il y a du développement économique qui se fait autour des produits de la terre, les vignobles et les vergers entre autres», observe Nabil Chaib Draa.
Les insectes et l’alimentation
Les insectes constituent une protéine verte dont la production a une empreinte écologique moins grande. Elle dégage moins de CO2 que la production bovine, tout en nécessitant des quantités d’eau moins importantes. Chaque kilo de vers à farine génère 8 grammes de CO2, contre 2850 grammes pour le bœuf.
Une alimentation composée de vers, grillons et autres insectes a fait l’objet d’un vent favorable dans un rapport de l’Organisation des Nations Unies (ONU) publié en 2013. L’ONU révélait notamment que 2 milliards d’humains en consomment déjà.
Les insectes, qu’ils soient frits ou recouverts de chocolat, procurent une teneur en protéines et nutriments sensiblement élevée par rapport aux autres aliments consommés couramment, tels le porc et le bœuf. Un kilo de viande bovine fournit entre 280 et 360 grammes de protéines, soit plus qu’une quantité équivalente de chenilles par exemple.
Source: «Les produits forestiers, insectes compris, sont essentiels à la lutte contre la faim», Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et The Guardian.