Yvan Roy dans l’enfer de Lac-Mégantic

Ville démembrée, une dizaine de morts, de nombreux disparus, le pompier Yvan Roy, du Service incendie de Farnham a vécu la tragédie de Lac-Mégantic de l’intérieur, le week-end dernier. Récit d’une expérience troublante.

Originaire de Lac-Mégantic, Yvan Roy a quitté cette municipalité de 6 000 habitants à l’âge de 38 ans pour s’établir à Farnham, où il travaille aujourd’hui pour le Carrefour pneu mécanique.

«Je suis parti depuis 22 ans, mais mon cœur est toujours là. C’est ma ville et j’en suis fier», affirme le principal intéressé.

Un geste spontané

Yvan Roy est sorti du lit vers 5h30, samedi matin, et a écouté la télé avant de se rendre au travail, où il était attendu pour 8 heures. En naviguant sur Internet, entre deux clients, l’homme de 60 ans a vite compris l’ampleur du désastre.

«J’ai demandé à un confrère de travail de fermer le magasin à ma place en fin d’avant-midi. J’ai ensuite pris mon costume de pompier et mon appareil respiratoire avant de sauter dans mon véhicule en direction de Lac-Mégantic. J’étais mort d’inquiétude au sujet des autres membres de ma famille et je savais que je pouvais être utile là-bas», explique le pompier de 18 ans d’expérience.

Après deux heures et quart de route, M. Roy s’est présenté à l’école secondaire Montignac, où il a appris que sa sœur Catherine et son beau-frère Rénald étaient déjà sur place.

«Ça m’a enlevé un gros poids», affirme-t-il.

Le Farnhamien s’est ensuite rendu chez sa mère avant d’apprendre que celle-ci s’était réfugiée chez sa fille France, qui habite à l’extérieur du périmètre de sécurité établi par les forces de l’ordre peu après les explosions.

Prêt à servir

Une fois rassuré sur le sort de ses proches, Yvan Roy s’est présenté à la caserne de pompiers, pour offrir ses services au directeur Denis Lauzon.

«Je lui ai dit que cinq pompiers de Farnham étaient prêts à descendre pour leur prêter main-forte sur un simple coup de fil. Le directeur m’a dit qu’il leur ferait signe au besoin avant de me demander de veiller à la santé et à la sécurité de ses hommes. Je remplis déjà cette fonction au sein de la brigade de Farnham», résume-t-il.

À titre d’officier en santé et sécurité au travail, M. Roy a fait le tour des lieux à maintes reprises au cours de la journée de samedi et de dimanche afin d’identifier les situations à risques pour une blessure ou un accident de travail.

«Aucun pompier n’a été blessé pendant mon séjour là-bas. Un pompier a cependant été incommodé par la chaleur», précise-t-il.

Yvan Roy a travaillé de midi à 3h30 du matin avant de prendre deux heures de repos. À 5h30, il était de retour au boulot et n’a quitté Lac-Mégantic qu’à 16h30.

«Avant mon départ, les dix pompiers avec lesquels je faisais équipe ont entrepris des recherches et fouillé les décombres. Deux des cinq premières victimes ont été découvertes par notre équipe», signale le pompier de Farnham, sans en dire davantage.

Scène de désolation

Lors de son passage à Lac-Mégantic, Yvan Roy a trouvé une ville démembrée et un véritable spectacle de désolation.

«Une trentaine de bâtiments ont été détruits de fond en comble. Tout a été soufflé, il ne reste aucun morceau, mis à part les cheminées qui tiennent tant bien que mal. On se penserait en zone de guerre», résume-t-il.

Ce dernier laisse également entendre que le revêtement de plusieurs propriétés a fondu sous la chaleur et que des commerces de la rue Frontenac ont été inondés. L’eau a causé beaucoup de dommages.

«Au Métro, le système de gicleurs s’est mis en marche en raison de la chaleur. Même chose à la pharmacie», indique-t-il.

Pendant ses rondes dans le périmètre de sécurité, M. Roy a par ailleurs aperçu une soixantaine de carcasses d’auto calcinées.

«Mais, le plus hallucinant, ce sont les wagons empilés les uns sur les autres, à une hauteur impressionnante, sur une distance d’un demi-kilomètre. J’ai combattu plusieurs incendies au cours de ma vie, mais je n’avais jamais vu rien de tel… et j’espère ne pas revoir ça», ajoute-t-il.

Yvan Roy n’est pas non plus sans connaître plusieurs familles de disparus.

«À Mégantic, tout le monde connait tout le monde. À l’époque, j’ai côtoyé les parents de plusieurs personnes qui aujourd’hui manquent à l’appel», signale le sexagénaire.