Des aînés s’initient… ou renouent avec le théâtre

THÉÂTRE. Certains ont de l’expérience, d’autres, pas du tout, mais qu’à cela ne tienne, les participants de la troupe de théâtre du Renaissance de Cowansville ont éprouvé bien du plaisir à concevoir, mettre en scène puis jouer leur première pièce dans les dernières semaines.

L’idée de la troupe vient d’Esther Dallaire, une résidente depuis six mois au Renaissance.

« J’ai une troupe de théâtre depuis 30 ans qui s’appelle le Théâtre Au Jour le Jour, relate-t-elle. Je me disais qu’il y avait sûrement des gens ici intéressés à vivre une expérience théâtrale. »

Mme Dallaire a donc fait une annonce pour tâter le pouls et recruter des comédiens. Au total, ce sont huit aînés de la résidence qui ont répondu à son invitation.

« Mon rêve, c’était de créer une pièce de théâtre avec des personnes âgées et ce qu’ils ont à dire, pas nécessairement de prendre un texte déjà écrit, explique-t-elle. Je me disais que ça allait être plaisant d’exprimer théâtralement ce qu’ils ont à dire, sous différentes formes. »

« Ça nous a fait une activité culturelle différente dans la RPA, commente de son côté Michel Guibord, l’un des acteurs de la pièce. Nous autres, ça nous a donné une raison de nous activer au-dessus des épaules, et je ne parle pas de la mâchoire ! Ça nous a donné un nouveau stress et ça a certainement allongé nos vies, du moins, je l’espère ! »

Les participants sont assez unanimes : cette expérience, nonobstant qu’ils aient fait du théâtre ou non dans le passé, est bénéfique pour eux.

« Je trouve ça très agréable, affirme Marie Loranger. Ça permet de dépenser de l’énergie et de s’amuser avec les gens qui nous côtoient chaque jour. Je trouve ça très intéressant. »

« J’ai embarqué avec eux autres à 100 milles à l’heure quand j’ai vu l’annonce, note Robert Bouchard. Je n’avais jamais fait ça de ma vie, mais je pensais que ça allait être une belle expérience. On a la chance d’avoir des acteurs formidables. J’ai aimé mon expérience à date et j’espère que ça va continuer. »

« La seule chose que je regrette, c’est que j’ai toujours contrôlé ma vie et je réalise aujourd’hui que j’ai fait une erreur d’embarquer dans la pièce parce que je suis contrôlé par Esther ! dit à la blague Jean-Luc St-Onge. Elle est aussi pire que Denise Filiatreault ! Mais, honnêtement, je n’avais fait ça qu’une seule fois il y a quelque 50 ans et c’est vraiment plaisant. »

Le directeur des opérations du Renaissance de Cowansville, Félix Gingras, se réjouit de ce type d’activités, qui vient directement d’une résidente.

« Ce que la troupe a fait, c’est d’offrir une très belle activité à tous les autres résidents ici, déclare-t-il. J’ai assisté à une représentation et je suis revenu revoir la pièce. J’ai entendu de beaux commentaires de la part des résidents. Chaque scène représente bien ce que les résidents peuvent vivre en RPA ou les étapes de vie des aînés. C’est vraiment une pièce de théâtre qui les rejoint, peut-être pas chacune des scènes, mais ils peuvent tous y retrouver quelque chose. C’est une belle aventure qu’ils ont créée ensemble, de toute pièce, par eux-mêmes. »

THÈMES ABORDÉS

La pièce composée de neuf saynètes, dont sept de leur cru, aborde différents thèmes qui les touchent personnellement.

La mort, la solitude, le premier coup de foudre, l’amour des animaux, la relation avec un déambulateur, les souvenirs de jeunesse, le bingo, l’achat d’un soutien-gorge : tout y passe !

« J’aime tellement ça, affirme Esther Dallaire. J’aime la créativité. Dans mes trente ans de théâtre, c’est la première fois que je joue et la première fois qu’il s’agit de créations. J’avais toujours monté des pièces avec des textes déjà écrits. »

« En jouant les deux pièces, ça m’a fait réfléchir de plus en plus, relate Jocelyne Villeneuve. Je suis en train de me dire que je vais accepter, je suis Jocelyne, j’ai 83 ans et je ne marcherai plus jamais sans aide. »

« C’est l’acceptation de sa situation de handicapée, comme on accepte tous d’être vieux, d’avoir des bobos », ajoute Michel Guibord.

Les aînés qui ont assisté au spectacle ont donc pu se reconnaître à travers les sketches.

« On se remémore notre amour fou quand on était jeune, indique Hélène Laverdière à propos de sa pièce. On se souvient de nos années d’amour, le premier coup de foudre. »

« Le personnage que j’interprète a peur de la mort et a beaucoup de peine pour tous ceux qui sont oubliés après leur mort, souligne pour sa part M. Guibord. Il se décide à les ramasser et à s’en faire une famille. Ça peut être assez émouvant quand c’est bien joué. »

EXPÉRIENCE

Ce n’est pas tous les participants qui avaient déjà fait du théâtre, mais certains ont eu cette expérience par le passé.

« Au Cégep Maisonneuve, j’avais suivi des cours de théâtre et j’avais bien aimé ça, raconte Jocelyne Villeneuve. Quand c’est arrivé et que j’ai vu l’annonce, j’ai trouvé ça merveilleux, d’autant plus que ça me manquait de faire des activités plus intellectuelles où on doit penser pour travailler. »

« Moi, j’ai joué avec Esther, que je connais depuis une vingtaine d’années, souligne Daniel Robitaille. Dans la représentation, je joue le premier texte que j’ai joué avec elle, un texte écrit de Marie Laberge que nous avons adapté. »

LA SUITE ?

Déjà, Esther Dallaire a un autre projet dans sa mire.

« Je suis déjà dans un autre projet ! déclare-t-elle. J’ai un projet en tête, avec eux, s’ils le souhaitent. »

« Ce que je me souhaite, c’est qu’il y en ait d’autres dans le futur des projets comme ceux-là ! Ça ne peut que grandir, s’ils veulent continuer », conclut Félix Gingras.