Passages illégaux à la frontière: un Armandois prend les grands moyens
IMMIGRATION CLANDESTINE. La fermeture du chemin Roxham n’a pas découragé les passeurs qui se rabattent désormais sur plusieurs petites localités des Cantons-de-l’Est pour franchir la frontière canado-américaine de façon illégale. L’éleveur de chevaux Normand Litjens a vu ses installations endommagées à plusieurs reprises et peut en témoigner de façon éloquente.
« Ça a commencé avec la fermeture du chemin Roxham, en mars 2023, puis le phénomène s’est amplifié au fil des mois », indique l’Armandois, dont la ferme familiale longe la frontière sur près d’un demi-kilomètre.
Les passeurs ont défoncé les clôtures de la ferme Litjens, à l’extrémité sud du chemin Bradley, une bonne demi-douzaine de fois. Le propriétaire a tenté de renforcer la barrière qui sert de délimitation entre ses terres et celles de son voisin américain à l’aide de pieux d’acier enfoncés dans le sol, mais cette intervention n’a pas suffi à résoudre le problème.
À court d’idées, M. Litjens a finalement décidé de creuser une tranchée mitoyenne de 6 pieds de largeur et de quatre pieds de profondeur sur une distance de 1200 pieds (400 mètres).
Les travaux ont été réalisés en novembre 2023 par le voisin américain de M. Litjens, qui possédait la machinerie requise pour mener à bien ce projet. La facture a par ailleurs été absorbée par la United States Broder Patrol, une agence fédérale de police qui a notamment pour mandat de contrer l’immigration illégale en sol américain.
« C’est efficace, car les véhicules des passants ne peuvent pas franchir le fossé sans rester pris. Et le plus intéressant, c’est que ça ne m’a rien coûté », signale M. Litjens.
Ce dernier laisse également entendre que cette initiative « a donné des idées à certains autres producteurs agricoles du coin et pourrait faire des petits ».
Une barrière à remplacer
Si la tranchée jour pleinement le rôle qui lui est dévolu, la bataille n’est pas totalement gagnée pour autant en raison de la présence d’un ou deux brèches.
« Le chemin Bradley se prolongeait jadis jusqu’aux États-Unis et se raccordait au chemin Ballard, situé en sol américain. Un tronçon de 500 pieds, coincé entre les deux portions de cette ancienne route, a été abandonné, mais pourrait être emprunté au besoin par les services de sécurité incendie des deux pays », explique M. Litjens.
La portion de terrain située à l’extrémité sud du chemin Bradley n’est pas protégée par la nouvelle tranchée et demeure à risque. La barrière de ferme censée barrer la route aux passeurs a été vandalisée à quelques reprises et devra être remplacée par une installation plus sécuritaire.
« La dernière fois, le véhicule des passeurs s’est glissé entre la barrière et la maison de ferme, en endommageant un arbuste et en arrachant les marches de la galerie au passage. Ça n’a rien de drôle ! », précise l’éleveur de chevaux qui met tout en œuvre pour éviter que ses animaux traversent la frontière.
La Municipalité de Saint-Armand a déposé trois blocs de béton pour décourager le va-et-vient de véhicules clandestins entre les deux pays.
« Il s’-agit-là d’une mesure temporaire et j’espère que la GRC acceptera d’assumer la facture de quelques centaines de dollars, car il n’est pas question que les citoyens de Saint-Armand payent pour les frais occasionnés par le transport des blocs de béton sur ma terre », insiste notre interlocuteur, qui agit également come conseiller municipal à Saint-Armand.
Autres points d’entrée
Si le chemin Bradley a défrayé les manchettes, des citoyens de Saint-Armand laissent entendre que trois autres voies publiques auraient également la faveur des passeurs. Il s’agit des chemins Benoit, Luke et Pelletier Sud.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) reconnaît qu’il y a effectivement des passages illégaux le long de la frontière canado-américane, mais ajoute qu’il ne s’agit pas d’un problème spécifique à Saint-Armand. Il y a d’autres points chauds actuellement sous surveillance, précisent les policiers fédéraux.
« Je ne peux pas vous fournir de chiffres précis, mais nos patrouilleurs interceptent chaque jour et chaque nuit des individus qui tentent de traverser la frontière illégalement », indique le sergent Charles Poirier, du bureau des communications de la GRC.
Selon certaines sources, une vingtaine d’autos auraient traversé la frontière de façon clandestine à la hauteur de Saint-Armand. Quinze se dirigeaient vers les États-Unis et cinq autres vers le Canada.
« C’est un phénomène cyclique qui a tendance à se répéter aux deux ou trois semaines. Les passeurs font preuve de prudence et évitent de toujours traverser aux mêmes endroits », soutient Normand Litjens.