Rage du raton laveur: dans les coulisses d’une opération vaccinale
SANTÉ. Le ministère de l’Environnement, de la Lutte aux changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) procède, pour la deuxième fois de l’année, à une opération de vaccination contre la rage du raton laveur.
Par David Fillion, Canada Français
Le ministère déploie ses efforts jusqu’au 24 août sur le territoire de 59 municipalités. Une visite terrain en compagnie d’une équipe du MELCCFP nous a permis d’en apprendre davantage sur les techniques qui sont utilisées durant l’opération, ainsi que sur les raisons qui incitent le ministère à agir.
Opération
Ce n’est pas en repérant tous les ratons laveurs et en les vaccinant un à un que l’opération prend forme, mais plutôt par la distribution d’appâts vaccinaux dans la nature. La distribution est faite par largage aérien, ou bien par épandage au sol.
À bord de la camionnette du ministère qui roule sur la 133, aux limites de Saint-Jean et de Sabrevois, les yeux de tous sont à la recherche d’indices d’habitats ou d’espaces de transition qui peuvent être propices à la présence de ratons laveurs. Granges, bâtiments agricoles (particulièrement ceux en mauvais état), cours d’eau, boisés, et même les arbres dans lesquels s’observent des creux retiennent l’attention.
Les endroits pour épandre ne sont pas définis d’avance, mais ce sont les équipes sur le terrain qui sont responsables d’arpenter le territoire et de trouver les places appropriées pour déposer leurs appâts. Le MELCCFP calcule qu’il faut épandre 70 vaccins par km2.
« L’idée, c’est d’éviter la propagation de la maladie et la transmission aux animaux domestiques et aux humains. […] La rage est un risque très important pour la santé humaine. C’est une maladie mortelle qui se transmet à tous les mammifères », explique Marianne Gagnier, biologiste et coordonnatrice provinciale de la surveillance et du contrôle de la rage au MELCCFP.
Les appâts vaccinaux se camouflent facilement grâce à leur couleur vert foncé, et ils ont une odeur sucrée pour attirer les petits mammifères comme les ratons laveurs, les renards et les moufettes. Au centre des appâts se trouve une dose vaccinale sous forme liquide qui permet aux animaux qui l’ingèrent de développer une résistance au virus de la rage du raton laveur.
Épandage
Après avoir roulé pendant près d’une vingtaine de minutes, un arrêt est fait près d’un bâtiment agricole laissé en partie à l’abandon. En visitant celui-ci, un important amoncellement d’excréments de raton laveur (latrines) est trouvé. Les latrines s’accumulent par centaines, mais par chance, aucune odeur n’en émane.
Mme Gagnier précise que l’endroit est idéal pour déposer plusieurs appâts vaccinaux, car le raton laveur est reconnu pour aller souvent aux mêmes endroits pour déposer ses selles, et ces endroits sont souvent utilisés par plus d’un individu de la même espèce. « C’est comme une toilette commune », mentionne-t-elle.
Aux alentours, il est possible d’observer des traces de griffes sur des lattes de bois, des passages qui se sont formés dans l’herbe en raison des déplacements fréquents des ratons laveurs vers le bâtiment, et plusieurs repères qui peuvent être utilisés comme refuge. Des appâts sont lancés et déposés çà et là.
À nouveau sur la route, c’est après avoir traversé un petit pont qui surplombe un cours d’eau que la camionnette s’est arrêtée. Sous la structure, des dizaines et des dizaines de traces de pattes étaient encore visibles dans la boue, comme s’il existait là une autoroute pour ratons laveurs.
« C’est sûr que c’est un bon spot. S’il y a des berges et que tu sais que ça passe, tu mets des vaccins, et c’est sûr qu’ils vont être trouvés par des ratons », affirme Guillaume Tremblay, technicien de la faune au MELCCFP et coordonnateur des opérations contre la rage du raton laveur sur le terrain.
L’opération de distribution vaccinale s’est ainsi poursuivie en cherchant les indices qui pointent la présence ou le passage de ratons laveurs, en s’y rendant, et en épandant des appâts vaccinaux. À la fin de la journée, les équipes se réunissent avec M. Tremblay pour noter sur une carte le territoire qui a été couvert durant la journée, et s’ils sont revenus au bercail avec des appâts vaccinaux.
Formalités
Le MELCCFP estime qu’il est important d’agir avec prévention, car bien que la rage peut être contrôlée si elle est repérée dans les temps, aucun remède n’existe si le virus prend racine dans son hôte et si des symptômes apparaissent.
Au Québec, « il y a eu de premiers cas en 2006, on en a eu jusqu’en 2009, et on a réussi à la contrôler et l’éliminer. Un petit soubresaut en 2015, où on a eu un cas », détaille Mme Gagnier. Depuis, aucun cas n’a été détecté dans la province.
Le MELCCFP avait cessé ces opérations vaccinales contre la rage du raton laveur en 2020, mais un cas a été rapporté au Vermont cette année, et le ministère a choisi d’agir pour que le virus ne puisse pas se répandre au Québec.
La lutte contre la rage du raton laveur est un enjeu de santé publique, et la participation du grand public est essentielle pour pouvoir mener à bien un contrôle efficace du virus. Le ministère invite la population à signaler tous les animaux qui sont observés avec des comportements étranges, ou avec des signes s’apparentant à la rage. Le tout peut se faire en appelant au 1 877 3466763, ou en visitant le quebec.ca/rageduratonlaveur.