Accident mortel à Lac-Brome: la Couronne demande 2 ans de prison

TRIBUNAL. Six mois après avoir plaidé coupable aux deux chefs d’accusation de conduite dangereuse causant la mort de Nathasha Lavigne et d’Alexandra Laliberté, Sarah Cousineau Denis était de retour devant la justice, vendredi, pour les représentations sur sentence. Le juge a pris la cause en délibéré et rendra sa sentence en février 2015.

L’ambiance était tendue dans la salle d’audience du palais de justice de Granby qui était pleine à craquer pour l’occasion.

La Couronne, représentée par Me Geneviève Cardin, a rappelé les faits dans la cause. Le 12 novembre 2012, à 13h09, Sarah Cousineau Denis circulait sur le chemin Bondville à Lac-Brome lorsqu’elle a perdu le contrôle de la Mercedes qu’elle conduisait, tuant sur le coup Alexandra Laliberté et Nathasha Lavigne, respectivement âgée de 19 et 18 ans.

Selon les conclusions de l’expert en enquête collision de la Sûreté du Québec, Sarah Cousineau a perdu le contrôle du véhicule utilitaire sport qui a fait un vol plané après que la roue arrière droite ait percuté le bord d’un fossé. Dans son capotage, le VUS a percuté une pancarte de signalisation située à deux mètres du sol, a sectionné un arbre avant d’en percuter un second. Le VUS a atterri à 21,5 mètres de son point d’envol. Le véhicule aurait circulé à une vitesse minimale de 105 km/h, dans une zone de 50. La signalisation, les conditions clémentes, la visibilité et la chaussée sèche n’auraient pas contribué à l’accident et aucune anomalie n’a été relevée lors de l’expertise mécanique.

Témoignages poignants

Lyne Hébert, la mère de Nathasha Lavigne, s’est adressée à la cour par l’intermédiaire d’une lettre qu’elle a lue. La voix tremblante, mais avec une force déconcertante, la mère de famille a expliqué au juge les impacts de la mort de sa fille. «Nous ne vivons plus. Nous fonctionnons. Nos cœurs ont été arrachés», a-t-elle lancé. Elle a aussi martelé que l’accident qui a tué sa fille adorée n’en était pas un. «Je dis incident parce que ce n’était pas un accident. Un accident, c’est quelque chose d’imprévisible. Je dis incident parce que ça aurait pu être évité.»

Elle aurait souhaité que l’accusé démontre des remords et a précisé que la vie de sa fille vaut plus que des travaux communautaires. «J’aurais moins de peine si elle avait une sentence», a-t-elle ajouté.

Le grand-père d’Alexandra, Michel Laliberté, a aussi pris la parole. Le grand-papa est venu parler de sa petite boule d’énergie qui n’est plus. «Depuis ce jour, il y a un immense vide et une douleur vive dans notre cœur. Et ce n’est pas dans la normalité d’enterrer sa petite-fille et de voir sa fille pleurer son âme.» Il convient que rien ne pourra ramener Alexandra. Mais «pour apaiser la peine, on aimerait voir des remords et une prise de conscience de l’accusée, mais la culpabilité n’est pas au rendez-vous», continue-t-il.

Après une courte suspension, Josée Denis, la mère de Sarah Cousineau, s’est présentée à la barre. Toute vêtue de noir et en larmes, elle a raconté sa souffrance. «Ça fait deux ans qu’on souffre. Ça fait deux ans que nos vies ont été détruites par cet événement», a-t-elle dit, la voix chevrotante. En plus de rapporter les séquelles vécues par sa fille depuis l’accident, elle a parlé de la difficulté de vivre le décès des victimes, de vivre avec les conséquences de l’embardée et de ne pouvoir entrer en contact avec les Lavigne, des gens qu’elle connait depuis 20 ans. «Ça faisait deux ans que je me dis que je veux leur dire que je compatis», a-t-elle conclu. Quant au père de l’accusée, assis en deuxième rangée de la petite salle, il était visiblement bouleversé et des larmes coulaient sur ses joues. À ses côtés, sa fille Sarah est demeurée impassible durant toute la durée de l’audience.

Cette dernière s’est adressée à la cour par la voix de son avocat, Me Pierre Poupart, qui a lu une lettre qu’elle a signée. «Je suis désolée. Mille excuses ne changeront rien. Je ne peux même pas vivre avec moi-même sans pilule. […] Je ne vous demande pas de me pardonner parce que je ne me pardonne pas à moi-même», écrit la jeune fille de 20 ans.

Elle affirme ne pas se souvenir des circonstances de l’accident, seulement que les filles avaient beaucoup de plaisir et qu’elles écoutaient de la musique lors d’une virée autour du lac Brome. «J’ai choisi d’assumer la responsabilité de mes actes pour éviter de tout revivre et d’éviter les délais.»

Sentence

Dans ses représentations, la procureure de la Couronne a invité le juge Serge Champoux à se baser sur la preuve plutôt que sur certaines hypothèses soulevées par des lettres déposées par la Défense. «Mme n’aurait pas plaidé coupable par pur plaisir. Il y a des faits», a-t-elle martelé. «On doit se demander ce qu’est une conduite dangereuse. C’est un écart marqué face à un geste raisonnable. Le véhicule roulait à 105 km/h dans une zone de 50 avec des virages. La route monte et descend. Ce n’est pas pour rien que la limite est à 50 km/h», indique Me Cardin. «Ce qui doit être puni, c’est la témérité et l’insouciance de Sarah Cousineau Denis. Ce n’était pas un accident.»

Tout en présentant de la jurisprudence dont les sentences oscillent entre 18 et 36 mois de détention, la procureure a indiqué que le cas de l’accusée était typique des causes de conduite dangereuse, c’est-à-dire des gens qui n’ont aucun antécédent judiciaire, qui ont un dossier de conduite vierge et qui n’ont aucun facteur criminogène. «Ce sont aussi des jeunes qui sont insouciants, invincibles, immatures et inconscients du danger». Me Geneviève Cardin recommande qu’une peine de pénitencier d’un minimum de deux ans soit imposée à Sarah Cousineau Denis.

Dans son énoncé, Me Pierre Poupart, pour la défense, a indiqué que sa cliente assume l’entière responsabilité de l’accident. «Il y a une partie d’elle qui est morte [ce jour-là]. […] Elle entretient des pensées autodestructrices et elle ne s’autorise pas à être heureuse.» Il a souligné que Mme Cousineau présentait un faible risque de récidive et qu’elle est prête à assumer la sentence qui lui sera soumise.

«Imposer à Sarah Cousineau Denis une peine qui pourrait la détruire n’apportera rien du tout. Cela n’engendrerait qu’une autre tragédie», a-t-il plaidé.

Me Poupart n’a pas fait de recommandation précise au juge Champoux. Il a suggéré «une peine privative de liberté du nombre de mois jugée suffisamment courte pour que la souffrance de cette fille soit minimisée.» Le tout accompagné d’une ordonnance de probation d’une longueur considérée comme étant adéquate avec une période de travaux communautaires.

Le juge Serge Champoux a pris la cause en délibéré. Il rendra sa sentence le 4 février prochain.