Antoinette Benoît-Côté, attachante jardinière et… centenaire!

ENTREVUE. Avec la saison chaude qui bat son plein, nombreux sont les adeptes de jardins bien fournis, où poussent herbes et légumes qui garniront de bonnes tables lorsque récoltés. C’est notamment le cas d’Antoinette Benoît-Côté, une résidente de Cowansville, que rien n’arrête quand vient le temps d’avoir un potager bien entretenu. La dame célébrait ses 100 ans à la fin de l’année dernière et à l’entendre, elle a encore plusieurs autres récoltes devant elle. 

En la rencontrant pour la première fois, dans son appartement, une chose est claire: ses 100 ans, Antoinette Benoît-Côté ne les fait pas. Elle plonge avec aisance dans ses souvenirs, ressassant avec un plaisir certain des pans de son histoire. «J’aurais pu écrire un livre», lance-t-elle dans un éclat de rire.  

D’abord une Césairoise     

La dame est née à Saint-Césaire en 1913. À l’âge de 6 ans, sa famille s’est lancée à la conquête de l’Ouest canadien en allant s’établir en Alberta, dans une petite localité située à une centaine de kilomètres d’Edmonton. Le travail de ferme et le défrichage de la terre auront occupé les journées des nouveaux arrivants. Son grand-père Jean-Baptiste Benoît y a construit «une petite maison dans laquelle toute la famille s’est d’abord retrouvée», se rappelle Mme Benoît-Côté.  

Quelques acres de terre défrichée plus tard, la famille de onze enfants déménage dans sa propre maison. «L’hiver, il faisait 50 degrés en bas de zéro! Il fallait rester dans la maison la plupart du temps. On était là-dedans et on était heureux», confie la dame. Elle restera en Alberta pendant un quart de siècle.

Au beau milieu des années 40, un voyage au Québec changera son destin. Une visite dans la région, accompagnée de ses parents, fera naître en la jeune femme de 31 ans une volonté sans faille d’y rester, malgré les réticences de ses parents. C’est ainsi que débutera sa vie dans le comté Missisquoi, aujourd’hui connu comme Brome-Missisquoi.   

Témoin d’un moment marquant  

Le pied à peine posé en terre cowansvilloise, le malheur secoue sa ville adoptive. Elle se remémore avec tristesse et désarroi le Grand Feu, le plus imposant brasier à avoir frappé Cowansville. Le 3 décembre 1944, le brasier rasera de nombreux commerces situés sur la rue Principale, en plus de réduire en cendres les logements d’une quinzaine de familles. «On regardait brûler et on trouvait ça épouvantable de voir la ville en feu comme ça. Il y avait de l’eau partout». Les dommages sont alors évalués à 500 000$, une somme astronomique à l’époque où la Deuxième Guerre mondiale tire à sa fin. 

Mariage et famille

Qui prend mari prend pays, comme le veut le vieil adage. À Farnham, Antoinette Benoît épousera Paul-Émile Côté, devenant à l’âge de 31 ans Antoinette Benoît-Côté comme le voulait la coutume. Le couple se construira une maison sur la rue Saint-Paul, «une des premières de Farnham», toujours en place aujourd’hui. C’est là qu’ils ont élevé leurs cinq enfants. Mme Benoît-Côté y restera jusqu’à l’âge de 91 ans, près de 20 ans après le décès de son mari, à l’âge de 68 ans.    

Mme Benoît-Côté explique sa longévité par divers facteurs, génétiques notamment. Mais la dame de 100 ans met toutes les chances de son côté en surveillant étroitement son régime alimentaire. Poissons, salades, fruits et légumes composent ses repas. Exit les desserts. Elle n’hésite pas non plus à sortir marcher, elle qui a longtemps été une adepte d’exercice physique.

Toujours allumée 

Ces saines habitudes auront peut-être contribué à lui assurer de «beaux jours». Qui plus est, une conversation avec elle permet aussi de constater qu’elle n’a rien perdu de son regard critique, qu’elle pose sur une panoplie de sujets. Tantôt elle dénonce la culture des restaurants «fast-food», pointant du doigt une détérioration de l’alimentation collective, tantôt elle se désole de la chute du nombre de mariages. «Je trouve ça triste, j’ai l’impression que la mauvaise alimentation leur causera des problèmes.» Elle avoue éprouver quelques moments de nostalgie de l’époque où elle était aux fourneaux. Les nombreuses recettes qu’elle feuillette la ramènent souvent à ses vieux souvenirs. 

Si l’esprit demeure vif, les déplacements, eux, se font plus laborieux qu’avant. La centenaire doit s’appuyer sur une marchette depuis qu’elle a subi une fracture de la hanche. Cela ne l’empêche cependant pas de désherber son potager, une activité qui lui plaît encore. 

«Son jardin»

D’ailleurs, la verdure ne manque pas lorsqu’elle nous emmène derrière la résidence pour personnes ainées où elle est hébergée. La dame plonge les doigts dans la terre pour prendre la mesure du taux d’humidité de «son jardin». Basilic, concombres et autres tomates prennent du galon. Devant cette abondance de vie végétale, la mort ne l’effraie pas. «Je me sens jeune encore comme si j’avais 50 ans. Quand on est rendu à 100 ans, c’est sûr qu’il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais j’ai l’esprit en paix», confie-t-elle. Les plants, verdoyants, prennent racine dans un bac d’une bonne hauteur. Celle qui fait l’unanimité auprès de ses pairs et du personnel, «une perle» selon une des responsables, continue de faire pousser la vie.