Bouchées doubles et tendres bouchées
Après son grand-père et son père, Martin Brosseau prend la relève de la ferme familiale. Alors que l’industrie du porc vit l’hécatombe et que les jeunes agriculteurs se font rares, le projet Les Tendres bouchées retient l’attention.
Tout a débuté en 1998, alors que Martin travaille toujours pour son père sur la ferme familiale. Avec ses économies il commence lentement à acheter des animaux et de l’équipement de son père qui se spécialise alors dans la production laitière. Très peu porté vers l’industrie des vaches laitières, il choisit plutôt de réorienter l’entreprise vers la production de bœuf charolais et de porc.
Le véritable transfert de propriété a finalement débuté il y a deux ans, mais rien n’a été simple. «Dans les conditions de transfert, il fallait qu’on puisse bâtir le commerce, sinon j’aurais fait autre chose. C’est trop risqué», mentionne le jeune homme de 34 ans.
Actuellement, les producteurs de porc du Québec sont pris à la gorge. «Les prix sont les mêmes qu’il y a trente ans», précise Martin Brosseau. Pour chaque bête nourrie, engraissée, soignée pendant des semaines, le producteur ne fait aucun profit. Pire, il perd parfois de l’argent au final lorsque les prix du marché sont en baisse.
«Il y a de gros producteurs qui font ça depuis 20 ou 30 ans qui ne sont plus capables», admet le jeune entrepreneur qui a décidé de court-circuiter la chaîne en faisant lui-même la transformation et la distribution.
Le projet de la boutique d’alimentation Les Tendres Bouchées, attenante à la ferme, n’a pas emballé tout le monde. «Ç’a pris deux ans à se battre», lance l’agriculteur qui a dû convaincre la CPTAQ d’empiéter sur une partie du champ, ensuite ses parents qui n’y croyaient pas trop et les institutions financières.
Malgré tout, Martin Brosseau et sa conjointe Kiliane Grenier décident d’aller de l’avant. Ils sont devenus officiellement propriétaires de l’entreprise en juillet dernier et la boutique accueille les clients depuis près de deux ans sur le 3e rang Milton à Roxton Pond.
Viande naturelle et produits locaux
«Pour que les gens viennent à Roxton acheter notre viande il faut les accrocher, il faut avoir une valeur ajoutée», indique M. Brosseau. Sa ferme produit donc un porc naturel: sans hormones de croissance, sans antibiotiques et sans substitut animal.
En plus du porc, on peut se procurer des pièces de bœuf charolais élevé sur place, ainsi que de la dinde et de l’agneau, produits par les frères de Martin Brosseau. La boutique offre aussi du miel et du sirop d’érable produits localement et des fromages St-Guillaume.
Ceux qui préfèrent les produits transformés ou les petits plats cuisinés vont aussi trouver leur compte. Kiliane Grenier passe entre 30 et 40 heures par semaine à préparer pâtés et tourtières.
Pour la période des Fêtes, la mère de famille en a préparé entre 60 et 100 par semaine durant deux mois et demi! «On a des gens qui viennent de Granby, Sainte-Cécile et de plus loin aussi. On a des clients de Sainte-Julie qui reviennent», mentionne celle qui est passée de la coiffure à la cuisine.
Relève difficile
Si l’histoire de Martin Brosseau peut être inspirante, elle est de moins en moins courante. La relève agricole se fait rare au Québec. Un fait qui inquiète notre bâtisseur du mois.
«Il faut que les gouvernements s’impliquent plus. Si les agriculteurs ne sont plus là, on ne mange plus. Ils n’ont pas l’air d’en être tout à fait conscients», croit celui qui compte 150 têtes charolais et une cinquantaine de truies.
Martin Brosseau est un passionné, comme la majorité de ses collègues, mais la passion a ses limites. «C’est un beau métier, t’es dans la nature, t’es dehors, mais ça prend de l’aide», insiste-t-il. Les fermes ont pris tellement de valeur que l’investissement est devenu démesuré.
Pour un jeune agriculteur, le risque financier est devenu trop grand. «Il faut beaucoup d’aide des parents et de la chance», ajoute celui qui a reçu une bourse de 10 000$ du Forum jeunesse Montérégie-Est.
Kiliane Grenier et Martin Brosseau