Joyce Thibault: avoir les jeunes à coeur

PERSONNALITÉ. La cause des jeunes jusque dans l’âme, voilà qui décrit bien Joyce Thibault. Pour sa personnalité du mois de janvier, JournalLeGuide.com s’est intéressé au parcours de la coordonnatrice de la Maison des jeunes le Trait-d’Union, dont les locaux accueillent les 12-17 ans au coin du boulevard Saint-Joseph et de la rue du Sud à Cowansville.

«Plus jeune j’étais une petite malcommode, une rebelle.» Ainsi s’amorce le récit de la femme de 47 ans. Avant de côtoyer «ses jeunes» sur une base quotidienne, elle a dû traverser certains moments houleux, en sortant de l’adolescence. «J’ai été en centre d’accueil, pas à cause de difficultés familiales, mais bien parce que j’avais un problème avec l’autorité», raconte-t-elle.

Ce passage, elle le croit, aura forgé son parcours, l’amenant à vouloir occuper l’autre place dans le domaine de la protection de la jeunesse. «Je n’aimais pas qu’on soit un numéro. Je disais souvent à mon intervenant "je vais aller chercher les bons diplômes pour faire cette job-là, et je vais être bonne là-dedans", étant donné que j’avais déjà l’expérience de vie.»

Après avoir retrouvé «le droit chemin», comme elle se plait à dire l’œil moqueur, elle s’inscrit à 25 ans en sciences humaines au Cégep de Granby, soit six après avoir donné naissance à son fils. Elle enchaînera avec un baccalauréat en psychoéducation à l’Université de Sherbrooke, sans perdre de vue son mantra. «En sortant des études, je voulais refaire le monde de la protection de la jeunesse.»

Authentique et d’une franchise désarmante, Joyce Thibault mène plusieurs combats à la Maison des jeunes le Trait-d’Union, certains concrets et d’autres plus abstraits. Dont celui de déraciner les préjugés entretenus à l’égard des adolescents. Les échanges bifurquent d’ailleurs rapidement vers «ses jeunes». «C’est comme s’ils devenaient nos enfants, ce sont les plus beaux, les plus fins, les plus forts. Il y a tellement à faire pour la reconnaissance des adolescents. Quand on entend parler d’eux dans les journaux, c’est pour des mauvaises raisons. Or ils font énormément de bons coups aussi, je le vois au quotidien», constate celle qui est en poste depuis maintenant neuf ans. Et elle se fait un devoir de ne pas imposer certaines pratiques qu’elle a déjà connues. «Les jeunes qui arrivent ici, ce ne sont pas des numéros; ils ont des problèmes, mais n’en sont pas», distingue-t-elle. «Je suis bien cool sur certaines choses, mais très strictes sur d’autres». Loin d’elle aussi le ton moralisateur, préférant opter pour une approche basée sur un lien de confiance solide. «Les jeunes me disent souvent que je suis une jeune vieille.»      

Une équipe soudée

Pour y parvenir, elle dit compter sur une équipe d’animateurs diversifiée, avec qui les jeunes peuvent tisser des liens en fonction de leur intérêt. «C’est une équipe qui fait preuve d’ouverture d’esprit et de polyvalence, une bonne équipe. Elle s’est stabilisée depuis deux à trois ans. Personne n’est ici pour le salaire, c’est une passion. Ils ont souvent un emploi le jour et viennent le soir, donc il faut qu’ils aiment ça», laisse entendre celle qui avait d’abord appliqué comme travailleuse de rue, mais à qui on a offert le poste de coordonnatrice il y a bientôt une décennie.

Elle et sa bande font face au quotidien aux problématiques qui touchent les jeunes et reviennent par cycles, dont la question de l’éducation sexuelle. Elle se dit d’ailleurs hautement en faveur du retour des cours d’éducation sexuelle à l’école. «C’est notre cheval de bataille. Les jeunes ne sont vraiment pas outillés par rapport à ça, sur des questions de base. Souvent, les parents ne le sont pas non plus.»

La popularité des réseaux sociaux nécessite aussi certaines mises au point selon elle. Bien que les Facebook et autre permettent aux organismes de se faire connaître rapidement, pas question d’utiliser ces outils pour intervenir auprès d’un jeune en difficulté: les problèmes se règlent en face. «Ça change beaucoup de choses dans la façon dont les jeunes communiquent. J’en ai beaucoup qui ont de la misère à manger, mais qui ont leur téléphone intelligent. Il y a énormément d’éducation à faire avec ça, notamment en ce qui concerne la cyberintimidation. Côté promotion c’est merveilleux, mais je ne crois pas du tout aux interventions par Internet», observe-t-elle. «Les jeunes sortent moins de chez eux et ont tendance à dépersonnaliser les contacts.»   

Plusieurs chapeaux

À travers les formations, les activités de sensibilisation et les nombreuses heures à établir un lien de confiance avec ses jeunes, la dame n’hésite pas non plus à monter aux barricades quand vient le temps de défendre l’intérêt des organismes communautaires. Sa forte présence et son enthousiasme pour les causes qu’elle embrasse, elle les transpose sur plusieurs tables de concertation et à titre de déléguée de divers regroupements. La question du financement des organismes demeure un sujet sensible pour elle, une cause pour laquelle «elle se bat très fort».

Les deux dernières années lui auront permis d’acquérir plusieurs connaissances sur le volet politique. «Je suis mieux outillée. Mais l’an prochain, je veux revenir avec mes jeunes, dans ma boîte à moi, parce que ça me manque.»  

Faire le vide

À l’image d’une passionnée, terminer sa journée de travail et mettre de côté les activités professionnelles ne semblent pas faire partie de son quotidien. «Effectivement, j’ai de la difficulté à "mettre la switch à off" en sortant. Mais j’arrive souvent chez moi super fière de mes jeunes, de mon équipe et ça, ça n’a pas de prix», décrit celle qui se dit insomniaque. Elle n’hésite toutefois pas, pour décrocher dans ses temps libres estivaux, à dévaler la rivière Missisquoi en kayak, ses chiens bien installés avec elle, question de se rapprocher de la nature.

Une petite nouvelle         

Le printemps venu, Joyce Thibault ajoutera un autre rôle à sa palette. Pour une première fois au mois de mars, elle sera grand-mère d’une petite fille. À l’image de toutes ses implications, elle entend se dévouer entièrement à cette nouvelle petite constellation qui brillera dans sa vie, une expérience qui «va complètement changer [sa] vie et recentrer [ses] priorités», avoue-t-elle. Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre les efforts pour que la cause des jeunes à laquelle elle tient tant regagne ses lettres de noblesse.