Kevin Lamy: de persévérance, d’adaptation et de petits triomphes

PERSONNALITÉ. Parvenir à s’acquitter de son boulot et de ses tâches, s’adapter, abattre certains préjugés, sans laisser le syndrome de TAR avec lequel il compose depuis la naissance avoir le dessus. Voilà de quoi est fait Kevin Lamy. JournalLeGuide.com s’est intéressé à son parcours, lui qui a vécu une bonne partie de son enfance à Cowansville.

Le jeune homme, dont le courage et la ténacité ont à maintes reprises tapissé les publications de l’Association des Amputés de guerre, se retrouve maintenant de l’autre côté du clavier. Kevin Lamy s’implique au sein de l’organisme, en tant que coordonnateur de la promotion, de sorte que c’est à son tour d’acheminer les communiqués et de gérer les relations avec les médias. Une fonction qu’il occupe depuis maintenant trois ans, après un coup de fil de la directrice générale, qui voyait en lui une bonne ressource en relations publiques.

«C’est comme une deuxième famille pour moi. Sur le plan moral, leurs encouragements ont aidé à accepter le tout. Je ne vois pas ma vie sans eux», dira-t-il à propos de son employeur. Il a auparavant été agent de voyage, une expérience faste qui lui a permis de dénicher des séjours adaptés à sa réalité. Des estampilles de périples en Floride, dans les Caraïbes et au Mexique tapissent notamment son passeport.

Un chez-soi

À Cowansville, où il réside entre l’âge de 9 et 22 ans, il passera par l’école Heroes Memorial, puis fera son secondaire, toujours en anglais, à Massey-Vanier. Il a toutefois dû quitter la ville de son enfance, afin de se rapprocher de son travail montréalais. «Ça me fait toujours un petit quelque chose de repartir de Cowansville», avoue-t-il, lui qui rend visite encore fréquemment à ses parents.

Il vit désormais seul et de manière totalement autonome dans un logement de trois pièces à St-Lambert, situé dans un immeuble doté d’un ascenseur et d’un stationnement intérieur. Ce sont là les uniques différences par rapport à un appartement «plus conventionnel». «Je garde tout à un bon niveau et il y a assez d’espace pour le fauteuil. Pour moi, c’est énorme, c’est une grande étape dans ma vie et c’est le fun. Je suis fier d’en être arrivé là», mentionne-t-il.

Le syndrome de TAR se caractérise par une absence du radius, l’os qui part de l’extérieur du coude et qui se rend jusqu’à la base du pouce, sur le poignet. Kevin Lamy peine également à rester debout pendant plusieurs minutes, puisqu’il est ennuyé par des problèmes aux hanches et ses genoux n’ont pas de rotule.

Ce n’est rien toutefois pour l’empêcher de pratiquer certains sports. Avec le support de la Fondation des sports adaptés, il a notamment pu faire du ski alpin au cours de la saison froide. Son sport préféré demeure le ski nautique, sur les eaux du lac Brome, toujours grâce à l’appui de la fondation. «Mes parents ont été assez ouverts de ce côté. Nous avons toujours réussi à trouver des moyens de me faire pratiquer certains sports, qui au départ semblaient hors de ma portée.» En usant d’un peu d’ingéniosité, il s’est également lancé dans la pratique du sport national. Un banc spécial lui permet de revêtir un chandail de gardien de but. «Je suis fier aujourd’hui de pouvoir dire que je joue au hockey.»      

Les conditions montréalaises

N’empêche, le fait de devoir quitter Cowansville pour vivre en banlieue de la métropole posait quelques défis. «L’emploi à l’association, ça a ouvert mes horizons. Mais avant d’accepter, devant tous ces changements, j’étais craintif, j’avais beaucoup de questionnements et d’incertitudes. Mes parents m’ont aidé à trouver un endroit qui répond à mes besoins et ils m’ont énormément soutenu. Là, le train-train quotidien se passe bien.»      

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les doutes rattachés à l’accessibilité et au transport adapté persistent en sol montréalais. Au moment d’aborder le sujet, au bout du fil, Kevin Lamy échappe quelques éclats de rire et prend quelques secondes, peut-être pour bien choisir ses mots. Le ton demeure posé. 

«Ce n’est pas aussi accessible que je le souhaiterais. Les nouvelles bâtisses répondent aux normes, mais c’est trop peu les cas des anciennes. Les trottoirs sont en mauvais état. Ça demeure pour moi plus compliqué sur l’île», explique-t-il. Il reconnaît les efforts déployés au niveau du transport en commun, mais «c’est bien trop peu pour tout ce qui est disponible.» Du même souffle, il lance des fleurs à la ville qui l’a vu grandir. «Cowansville est bien adaptée. L’accès aux commerces de la rue Sud se fait facilement.» 

Se buter aux préjugés

Les personnes à mobilité réduite sont également confrontées, dans plusieurs facettes de leur vie, à des idées préconçues, notamment sur le plan de l’emploi. C’est là que Kevin Lamy affirme avoir frappé le plus souvent un mur. «J’ai eu beaucoup de difficultés à trouver un emploi en sortant du secondaire. Les personnes se posaient beaucoup de questions. On me demandait si j’allais être en mesure de répondre aux exigences du travail de la même façon qu’un autre candidat, alors que c’était exactement ce pour quoi je postulais. Certains préjugés persistent et ça ferme la porte à plusieurs opportunités.»

Celui qui a notamment fait la tournée de certaines écoles de la région pour déloger les préjugés envers les enfants atteints d’un handicap physique ou mental dit toutefois voir un peu de lumière au bout du tunnel. «Les gens en général souhaitent que les préjugés tombent, ils ne veulent pas que ça continue comme ça. C’est moins caché qu’avant, et on est capable d’aider un peu plus.»   

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Les vainqueurs

Le programme de l’Association des Amputés de guerre, dont il a été un des porte-étendards à partir de l’âge de deux ans, vient de célébrer ses 40 ans d’existence grâce aux dons du public. Il offre des séminaires annuels qui permettent à plusieurs jeunes dans la même situation de se rencontrer, de s’accepter et de développer une attitude positive devant les défis auxquels ils font face.