La SPA des Cantons-de-l’Est frappe à Roxton Pond

«Hey, tu ne me voleras pas mes chiens!», «Heille, celui-là c’est 1000$!». Le 28 juin dernier, la Société protectrice des animaux (SPA) des Cantons-de-l’Est a saisi 27 chiens dans un chenil illégal à Roxton Pond sous les yeux, les cris et les protestations du propriétaire. GranbyExpress.com a participé incognito à cette opération. Incursion dans un monde où l’on en voit de toutes les couleurs.

Lampe de poche, détecteur de température et d’humidité, appareil photo, calepins, crayons et de nombreuses cages de transport pour animaux. Tôt le matin, le contrôleur animalier de la SPA des Cantons, Carl Girard, prépare son équipement en vue de la perquisition du jour.

9 heures. Départ des locaux de Cowansville en direction de l’hôtel de ville de Roxton Pond, le point de rendez-vous où les gens de la SPA, les employés municipaux, les policiers de la Sûreté du Québec et Louise Meunier, la responsable de la Fondation Caramel se rejoignent. Après un court briefing, c’est un départ. Une seule voiture, à l’effigie de la SPA, accompagnée de deux autopatrouilles de la SQ, se rend à une résidence de la route 139, située à l’entrée de Roxton Pond. Le camion, où sont entassées toutes les cages, se rendra sur les lieux plus tard.

Ce cortège attire rapidement l’attention de la résidente des lieux qui sort à l’extérieur. «Nous venons vérifier si le règlement municipal concernant les animaux est respecté. Les policiers avec nous sont ici pour s’assurer que tout se passe bien», lui dit Carl Girard. «Quel règlement?», répond la dame d’une soixantaine d’années. «Celui qui permet d’avoir deux chiens», ajoute, du tac au tac, M. Girard. À ces mots, la femme semble blêmir et dit qu’elle préfère attendre le retour de son mari, injoignable pour le moment. Il doit cependant revenir bientôt. Malgré tout, Carl Girard donne le signal.

Couvre-bottes, gants de latex, combinaison et masque sont distribués aux cinq personnes assignées à la perquisition. Et l’inspection commence.

Les roulottes de l’amour

Plusieurs bâtiments sont disposés ici et là sur le terrain. Près d’une roulotte, les jappements de plusieurs chiens se font entendre. Visiblement mal à l’aise, la dame déverrouille la porte derrière laquelle une dizaine de chihuahuas et de pinschers (des dobermans miniatures) se dressent derrière une porte grillagée. «Habituellement, c’est propre», dit-elle d’une voix chevrotante.

De nombreux excréments parsèment le sol en céramique, des couvertures pleines d’urine, des galons de désinfectant et une chaudière de plâtre situés à moins d’un pied d’hauteur des chiens sont loin d’être des conditions idéales d’élevage. Aussitôt que l’équipe quitte le bâtiment sur roues, la dame barre la porte.

Une odeur d’excréments, mêlés à de l’humidité, accueille l’équipe à leur entrée dans la seconde roulotte. Le plancher de bois, pourri par endroits, un trou dans les murs où des fils électriques sont accessibles pour les bêtes et de nombreuses selles au sol résument le spectacle. Électrocution et possibilités d’incendie guettent les bêtes gardées à cet endroit.

Au fond de la roulotte, une chienne a une énorme masse à l’abdomen, si grosse qu’elle doit sautiller pour marcher. «J’ai mal pour elle», s’exclame Louise Meunier en la voyant. Les trop nombreuses portées qu’elle a eues pourraient être à l’origine de cette masse.

Dans chacune des roulottes, les propriétaires ont placé sept femelles et un mâle. De véritables «roulottes de l’amour» pour ces chiens de reproduction.

Des excréments jonchent aussi, ici et là, les planchers de la maison où six chiens (trois mâles, trois femelles) se trouvent, sans parler d’une boîte de carton contenant cinq chiots âgés d’une semaine. La cave de service et le grenier sont aussi fouillés. Au total, le couple détient 27 chiens dans des conditions médiocres. Le règlement municipal de Roxton Pond, révisé il y a quelques mois, permet aux résidents d’avoir deux chiens. Aucun permis d’élevage n’est détenu par le couple qui réside dans une zone dite urbaine.

«Vous me volez en plein jour»

10h20. La saisie des chiens débute et quelques minutes plus tard, le propriétaire des lieux débarque, visiblement de très mauvaise humeur. «Vous me volez icitte en plein jour, devant ma face», lance-t-il à l’équipe de la SPA, devant les deux policiers de la SQ, impassibles.

Des cages sont apportées près de la résidence où un a un, les chiens sont évacués. Lorsque la journaliste du <GranbyExpress.com est sortie avec la boîte contenant les petits chiots, le sexagénaire a vivement réagi. «T’amènera pas mes bébés. Tu partiras pas avec mes ptits chiots. Ça vaut 3000 piastres ça», crie-t-il, tandis qu’elle transfère, une à une, les petites bêtes dans une grande cage, en compagnie de leur mère.

10h45. L’homme refuse de déverrouiller la première roulotte. «C’est parfait. Je vais appeler un serrurier et vous envoyer la facture», lance Carl Girard. C’est plutôt Louise Meunier qui, en passant par la fenêtre, ouvrira la roulotte.

Si certains chiens sont faciles à attraper, d’autres donnent du fil à retordre aux employés. Certains, agressifs, tentent même de mordre les inspecteurs, signe qu’ils ne sont pas habitués au contact humain.

Les cages sont ensuite placées dans une remorque en vue du transport vers la SPA. «Heille, celui-là c’est 1000$!», lance le propriétaire des chiens alors qu’un chihuahua est placé dans le camion.

Un de moins

Sur le chemin du retour, Carl Girard peinait à cacher sa joie, lui qui travaillait ce dossier depuis le mois de février dernier grâce à des dénonciations. «Je ne vis que pour ça [éradiquer les usines à chiots]. Foncièrement, c’est pour ça que j’ai ouvert une SPA, confie-t-il. Ça en fait un de moins.»

De retour aux locaux de la rue Rivière à Cowansville, huit personnes, dont une vétérinaire, accueillent les bêtes. Un à un, les chiens sont examinés par le médecin animalier. Pattes, oreilles, pelage, dents, cœur, griffes, abdomen, dos sont vérifiés. La température de la bête est aussi prise. Si certains chiens sont «relativement» en bonne santé, plusieurs font pitié. Dents cassées, absentes ou pourries, grande quantité de tartre, griffes longues, luxation des rotules, paupières enflées, plaies, poils ternes, mamelles enflées sont quelques-unes des observations. 

Les chiens sont ensuite transportés dans une cage où couverture, coussin, eau fraîche et nourriture les attendent. Dans les prochains jours, les chiens seront vaccinés et stérilisés. «La majorité se fera arracher les dents, mais le vétérinaire va essayer de faire des détartrages à certains», dit Carl Girard. Les bêtes seront ensuite mises en adoption.

Les saisies en chiffre

28 juin 2012            27 chiens         Roxton Pond

8 mars 2012             50 chiens         Roxton Falls

29 février 2012         16 chiens         Granby

 

 

 

 

Photo:Perqui chiens Roxton Pond_YM36.JPG

@BV:Rescapée, cette chienne de race chihuahua a donné naissance à cinq chiots le 21 juin dernier.

<@CP>(Photo :Yanick Melchior)<@$p>

 

Photo:Perqui chiens roxton pond SM32.JPG

@BV:Ce jeune chien a eu droit à un examen complet par une vétérinaire à son arrivée au local de la SPA.

<@CP>(Photo :Stéphanie Mac Farlane)<@$p>

 

Photo:Chienne 001.JPG

@BV:Une chienne a une énorme masse à l’abdomen, si grosse qu’elle doit sautiller pour marcher. Un trop grand nombre de portées pourrait expliquer cette anomalie physique.

<@CP>(Photo :SPA Cantons-de-l’Est)<@$p>