Quand le feu parle aux pompiers

Un article de fumeur, une défectuosité électrique, un chaudron d’huile, la foudre, etc. Les causes d’un incendie sont multiples. Pour le commun des mortels, le feu ne laisse qu’une montagne de décombres et des structures calcinées. Mais pour le lieutenant inspecteur Carol Labrecque, du Service de sécurité incendie (SSI) de Bromont, le feu parle et beaucoup plus qu’on le pense. Si bien que dans la majorité des cas, il peut établir une cause à l’incendie.

20h53, le 7 décembre. Les pompiers de Bromont sont appelés. Un incendie fait rage dans un garage de la rue Jacques-Cartier, à Bromont. Alors que la vingtaine de sapeurs travaillent avec acharnement pour maîtriser le brasier, l’officier responsable du poste de commandement (PC) communique avec le lieutenant Labrecque. En arrivant sur les lieux, ce dernier va à la rencontre de l’officier. «Il me fait un topo de la situation, émet des hypothèses. C’est de l’information, mais sur le terrain, il faut faire le vide et n’écarter aucune hypothèse, explique Carol Labrecque. Il me dit ce qu’il a vu en arrivant et sait si le propriétaire est sur place et s’il y a des témoins.»

Vêtu de son équipement de combat, le lieutenant inspecteur fait un premier tour du bâtiment en flammes avec un appareil photo en main. À ce moment précis, généralement, il a déjà une idée de l’endroit où le feu a pris naissance. «Je retourne au PC et je dis à l’officier d’essayer de protéger au maximum un endroit précis, mais ça ne veut pas dire que c’est là», nuance-t-il.

Au moment où ces confrères luttent contre l’élément destructeur, le pompier enquêteur va interroger les témoins. «Si on peut les rencontrer sur le champ, c’est l’idéal, parce que les événements sont nets comme une vidéo», raconte le sapeur. Chacun des témoins sera invité à colliger son témoignage sur un formulaire prévu à cet effet. «Je les rencontre toujours dans un véhicule du service, seul à seul», précise l’enquêteur en incendie.

Le feu, un grand parleur!

Dans ce cas précis, sur la rue Jacques-Cartier, l’inspection sommaire du bâtiment a permis à Carol Labrecque d’en arriver à l’hypothèse que le feu aurait pris naissance près de la porte de service, située à droite du bâtiment. L’arrière et le côté gauche du garage, où seule la corniche est noircie par l’incendie, ne donnent qu’un indice au pompier quant à l’origine de l’incendie: ce n’est pas à cet endroit que les flammes ont pris naissance. Une visite du côté droit du bâtiment, par contre, va donner plus de résultats. La fonte du revêtement en vinyle et la décoloration de la tôle due à l’intense chaleur en disent long au pompier. Il demande donc à l’officier responsable de l’incendie de protéger le secteur, ce que les pompiers parviennent à faire. Une fois l’extinction complétée, Carol Labrecque peut mener son enquête. «Je reprends d’autres photos. J’y vais graduellement secteur par secteur jusqu’au lieu d’origine», précise-t-il. Pour ce faire, le pompier cherche le «V» de combustion, un important indice laissé par le feu. La coloration des matériaux et la façon dont l’élément destructeur a rongé la structure sont aussi des signes qui parlent fort au pompier. «Le feu est placoteux», ajoute-t-il.

Sur la rue Jacques-Cartier, la présence d’un extincteur accroché au mur a aidé grandement Carol Labrecque. Grâce à sa coloration, il a pu établir rapidement que les flammes se sont déclarées une dizaine de centimètres sous le panneau électrique calciné. L’état de la charpente, rongée par les flammes, viendra confirmer son hypothèse. Les traces laissées par l’incendie et le récit des témoins permettent de conclure qu’une étincelle, qui provenait de travaux de soudure faits plus tôt dans la journée, aurait provoqué l’incendie en trouvant refuge dans un trou situé dans la partie inférieure du mur. Cette étincelle, aussi petite fût-elle, a causé la perte de ce bâtiment.

Une défectuosité électrique

Une résidence de la rue Laval a aussi été la proie des flammes le 9 décembre dernier. Les pompiers bromontois ont été appelés vers 00h16. À ce moment, les flammes sortaient déjà du toit. À l’arrivée de l’officier quelques minutes plus tard, l’embrasement du bâtiment était déjà généralisé. La force de l’incendie était telle qu’à 00h37, le toit de la maison unifamiliale s’est effondré. Si Carol Labrecque n’a pas été le pompier responsable de cette enquête, il a accepté de refaire la scène en compagnie de GranbyExpress.com. Même s’il n’y a que la cheminée et quelques parcelles de murs qui tenaient debout au milieu des décombres, un tour du bâtiment permet de déterminer que les flammes ont pris naissance sur le mur extérieur, à l’arrière de la maison. Cette fois-ci, un problème électrique serait en cause.

De nombreuses causes

Utilisation inadéquate de l’équipement, défaillance mécanique ou électrique, défaut de construction, erreur humaine, cause suspecte, cause naturelle, indéterminée et autre. Très nombreuses, les causes d’incendie ont été regroupées dans certaines catégories. Sur le territoire couvert par le SSI de Bromont, soit Brigham, Bromont et Saint-Alphonse-de-Granby, près de 50% des 16 incendies de bâtiments déclarés en 2011 sont dus à l’utilisation inadéquate du matériel et de l’équipement, alors que 12% des incendies ont été causés par une défaillance mécanique ou électrique.

«On élimine toutes les causes possibles. Il y a des causes qu’on est sûr à 100% et il y a des causes probables. C’est tout le processus d’enquête qui fait qu’on détermine la cause, mais des causes indéterminées, ça arrive. Les causes, il y en a une importante quantité. Il faut être capable de la défendre. Nous devons éliminer toutes les causes possibles pour en arriver à une seule», indique M. Labrecque. Ce dernier ajoute que les experts en sinistres des compagnies d’assurance vont aussi investiguer pour déterminer la cause du brasier. Certains dossiers peuvent également se retrouver devant les tribunaux, d’où l’importance de déterminer hors de tout doute la véritable cause d’un brasier.

Au Québec, 7 319 incendies de bâtiment sont survenus en 2011, tandis que 14 168 autres incendies (véhicule, broussailles, rebuts, barbecue, etc.) se sont déclarés, portant à 21 487 le nombre total de brasiers déclarés. Quelque 35% d’entre eux ont été causés par une défectuosité mécanique ou électrique (court-circuit, retour de flamme d’un moteur, défaillance d’une automobile, etc.).