La peine de mort pourrait s’inviter dans la campagne présidentielle aux États-Unis

CHICAGO — Pour la première fois en 30 ans, la peine de mort pourrait bien s’imposer comme un enjeu majeur dans la prochaine campagne électorale présidentielle aux États-Unis, alors que deux candidats républicains, Donald Trump et Ron DeSantis, promettent déjà de durcir son application s’ils sont portés au pouvoir.

Les Américains ont reçu cette semaine une preuve tangible que la question de la peine de mort est toujours d’actualité. Mercredi, des jurés fédéraux de Pittsburgh ont recommandé la peine de mort pour Robert Bowers, qui était accusé d’avoir tué 11 personnes dans une synagogue. Il s’agissait de la première condamnation à mort fédérale prononcée sous la présidence de Joe Biden.

M. Trump, qui a relancé les exécutions fédérales après une interruption de 17 ans et qui en a supervisé 13 au cours de ses six derniers mois en tant que président, n’a pas perdu de temps pour faire de la peine capitale une priorité dans sa troisième campagne présidentielle.

En déclarant sa candidature, le 15 novembre, il a appelé à l’exécution des trafiquants de drogue. Puis, dans une vidéo de campagne publiée en juillet, l’ex-président a ajouté une autre catégorie de criminels qui, selon lui, méritent la mort.

«J’exhorterai le Congrès à veiller à ce que toute personne surprise en train de trafiquer des enfants à travers notre frontière reçoive la peine de mort, immédiatement», a-t-il déclaré.

Le ministère fédéral de la Justice a bien annoncé un moratoire sur les exécutions fédérales en 2021, mais il s’agit seulement d’une pause. Rien n’empêche un candidat pro-peine de mort élu à la Maison-Blanche l’an prochain de les reprendre rapidement après son entrée en fonction.

M. DeSantis, qui est actuellement gouverneur de la Floride, a également inscrit la peine capitale à son ordre du jour.

Après n’avoir pas autorisé les exécutions dans son État pendant trois ans, M. DeSantis a signé des mandats d’exécution pour quatre personnes — deux avant et deux après l’annonce de sa candidature aux primaires républicaines, le 24 mai.

Il a également signé deux lois sur la peine de mort depuis avril. L’une autorise l’exécution de violeurs d’enfants, tandis que l’autre permet aux jurés d’imposer des peines de mort avec des votes moins qu’unanimes.

«Un seul juré ne devrait pas pouvoir mettre un veto à une peine capitale», a plaidé M. DeSantis pour justifier sa plus récente loi.

Le silence de Biden décrié

Pendant ce temps, l’inaction du président Biden dans le dossier de la peine de mort a déplu aux opposants à cette sanction. Pendant sa campagne, en 2020, M. Biden avait promis de retirer la peine capitale des lois fédérales, mais rien n’a été fait en ce sens depuis son entrée à la Maison-Blanche.

Le silence de M. Biden suggère donc qu’il préférerait que la peine de mort ne devienne pas un enjeu de campagne.

«Nous aimerions que M. Biden exprime sa position et le dise à haute voix», a cependant affirmé le directeur de l’organisme Death Penalty Action, Abraham Bonowitz.

Selon la firme Gallup, le soutien à la peine de mort est passé de près de 80 % au milieu des années 1990 à environ 55 % ces dernières années. Au fur et à mesure que le soutien envers cette mesure diminuait, le sujet a pris de moins en moins de place dans les campagnes présidentielles.

Déclarer son soutien à la peine capitale a longtemps été un moyen pour les politiciens d’envoyer un message clair comme quoi ils seront durs avec les criminels une fois au pouvoir.

M. Trump a choisi d’utiliser cette stratégie, selon le spécialiste de la peine de mort à l’Université du Texas à Austin Lee Kovarsky.

«Une grande partie de sa campagne et de son style de gouvernement se concentre sur la force et la masculinité pour punir sans compromis, a-t-il observé. C’est une combinaison dommageable.»

Le bilan de M. Trump a peut-être en partie inspiré M. DeSantis, selon Melanie Kalmanson, une avocate de Floride qui tient le blogue Tracking Florida’s Death Penalty.

«On dirait qu’il y a une sorte de lutte entre les deux» pour savoir qui sera le plus dur avec la peine de mort, a-t-elle noté.

Prendre position ou pas

En tant que sénateur américain, M. Biden a soutenu avec enthousiasme la peine capitale, menant l’adoption d’un projet de loi sur la criminalité, en 1994, qui a considérablement augmenté le nombre de crimes capitaux fédéraux.

Ce n’est qu’en 2016 que la plateforme du Parti démocrate a appelé pour la première fois à l’abolition de la peine de mort. M. Biden a rendu son opposition explicite en 2020.

De nombreux observateurs s’attendaient à ce que M. Biden remplisse sa promesse quelques jours après son investiture, peut-être en commuant toutes les condamnations à mort fédérales en perpétuité.

Il ne l’a pas fait et il n’a pris aucune mesure exécutive depuis.

M. Biden jouit toutefois d’un avantage: même les électeurs qui sont frustrés par son inaction n’oseraient pas soutenir les républicains.

«Je ne risque pas de voter pour Donald Trump», a d’ailleurs martelé M. Kovarsky.

M. Bonowitz, quant à lui, croit que M. Biden ne prendra aucune mesure pour tenir sa promesse de 2020 pendant la campagne présidentielle de 2024, car il comprend que les électeurs se soucient davantage des problèmes économiques que de la peine capitale.

Cependant, la nervosité des candidats qui sont réticents à l’idée de s’afficher comme étant contre la peine de mort, de peur que cela leur nuise politiquement, n’est plus fondée, à son avis.

«Les politiciens devraient pouvoir dire en toute sécurité ce qu’ils croient vraiment — et ils devraient s’y tenir.»