Devant la hausse des crimes haineux, des organismes réclament financement et soutien

Le gouvernement doit agir rapidement pour contenir l’explosion des crimes haineux envers les membres de la communauté LGBTQ2+ et les personnes racisées au pays, soutiennent deux organisations qui se disent horrifiées par les données dévoilées mercredi matin par Statistique Canada.

On apprenait en effet que le nombre de crimes haineux déclarés par la police au pays avait augmenté de 27 % de 2020 à 2021, après un bond de 36 % l’année précédente.

«Les données annuelles publiées ce matin sont inquiétantes, mais non surprenantes. Elles peuvent être le reflet d’une aggravation de la polarisation sociale de même que d’une plus grande prise de conscience de la discrimination et de la dénonciation», ont réagi dans un communiqué commun le Réseau Enchanté et la Fondation canadienne des relations raciales (FCRR). Ceux-ci sont convaincus que la réalité est encore plus désolante puisqu’à peine «une petite fraction» du nombre de crimes haineux sont dénoncés et définis comme tels par les forces de l’ordre.

D’une part, les crimes haineux envers la diversité sexuelle ont crû de 64% entre 2020 et 2021. «Ce n’est pas une question d’être surpris, mais plutôt de se dire, maintenant, comment on réagit face à tout ça» , a indiqué son directeur général Tyler Boyce, lors d’un entretien téléphonique. 

Celui-ci mentionne que de «nombreuses manifestations d’intolérance, de menaces et d’attaques» ont été perpétrées et observées, entre autres dans les transports en commun, et contre des personnes homosexuelles, transgenres ou travesties. Des manifestations organisées contre les membres des communautés LGBTQ2+ ont aussi été tenues en public.

Les personnes non cisgenres, c’est-à-dire qu’elles ne s’identifient pas au sexe leur étant attribué à la naissance, «font face à des expériences plus violentes» que les autres, précise M. Boyle. «Nous avons besoin de documenter ces situations et d’établir des statistiques à cet effet», ajoute-t-il, précisant que la plupart des formulaires comportent un choix binaire pour la mention du sexe, ce qui complique la recension de la réalité de ces personnes.

D’autre part, les crimes haineux ciblant une religion ou une appartenance ethnique ont augmenté respectivement de 67% et de 6%. Les personnes juives de même que les personnes d’origine arabe ou asiatique sont les plus visées.

«Derrière tous les chiffres dévoilés aujourd’hui se trouvent une ou plusieurs personnes ayant subi ou devant vivre avec un traumatisme lié à un crime haineux, et nous savons qu’ils ne tiennent pas compte des expériences vécues par beaucoup d’autres victimes. En 2023, nous devons faire mieux», exige Mohammed Hashim, directeur général de la FCRR.

44 M$ souhaités pour soutenir les victimes

Les deux organismes pressent Ottawa, qui planche actuellement sur son Plan d’action national de lutte contre la haine, d’allouer 44 millions $ pour financer des services de soutien aux victimes, une demande déjà formulée l’été dernier par la FCRR. Celle-ci avait mené une enquête ayant conclu «que de nombreuses victimes ne disposent d’aucun soutien et qu’il existe des lacunes et des incohérences importantes dans les services offerts aux victimes».

La somme convoitée permettrait entre autres de créer un fonds national pour les organismes qui soutiennent les victimes, de même qu’un autre fonds pour payer certaines dépenses liées aux soins des victimes, dont des soins de santé mentale, des pertes de salaire, de la thérapie ou de l’équipement médical. 

Fait à noter, précise M. Boyce en entrevue, il n’existe pas de statistiques qui chiffre approximativement le coût des soins engendrés par un crime haineux.

Des investissements supplémentaires seraient souhaitables pour outiller les municipalités et organismes communautaires lors d’une intervention d’urgence «en cas de violence de masse motivée par la haine» de même que pour l’établissement d’un centre national de soutien aux victimes de la haine.

«Des mesures et un soutien appropriés de la part du gouvernement et du système judiciaire augmenteront la confiance envers la capacité des institutions à traiter les crimes haineux», soutient M. Boyce.

En hausse partout au pays, sauf au Yukon

Sur une période de deux ans, soit de 2019 à 2021, le nombre de crimes haineux a crû de 72 %, en partie à cause d’une hausse particulièrement élevée au cours de la pandémie de COVID-19.

L’agence fédérale a observé que le nombre de crimes haineux a crû dans toutes les provinces et dans tous les territoires en 2021, à l’exception du Yukon, où il est resté inchangé. 

Leur nombre est passé de 454 à 488 au Québec et de 19 à 39 au Nouveau-Brunswick. Une hausse significative a été observée en Ontario, de 1159 à 1629.

En Nouvelle-Écosse, 72 crimes haineux ont été répertoriés en 2021, comparativement à 58 l’année précédente. Au cours de la même période, ils ont augmenté de 8 à 19 à l’Île-du-Prince-Édouard.