Don de sang: Trudeau veut qu’Héma-Québec lève vite l’interdiction pour hommes gais

OTTAWA — Santé Canada a accepté jeudi d’éliminer la barrière qui empêche les  hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes dans les trois mois de donner du sang, mais au Québec, cette interdiction demeurera à court terme sauf pour les dons de plasma. Le premier ministre Justin Trudeau laisse entendre qu’il aimerait qu’Héma-Québec accélère le pas.

«J’espère que Héma-Québec va pouvoir en faire autant le plus rapidement possible parce (que) ce ne serait pas juste que les Canadiens partout au pays, sauf au Québec, voient une fin à cette discrimination», a-t-il dit en point de presse dans les couloirs du parlement.

«Mais c’est à Héma-Québec de faire les déterminations. C’est une agence indépendante», a-t-il néanmoins ajouté.

Santé Canada a acquiescé à la demande de la Société canadienne du sang de permettre le don de sang aux hommes actifs sexuellement avec d’autres hommes. Les changements approuvés doivent entrer en vigueur d’ici au 30 septembre et doivent permettre de n’exclure que «tout donneur qui a des comportements sexuels à risque élevé, peu importe son identité de genre ou son orientation sexuelle».

Au Québec, cependant, Héma-Québec n’autorise que le don de plasma pour les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes. Ceux qui ont été actifs sexuellement dans les trois mois sont exclus, exigence qui sera levée à l’automne prochain. Ce n’est toutefois que dans une deuxième phase, dès le printemps 2023, que l’organisation entend faire des démarches pour un élargissement à tous les dons de sang.

Un porte-parole d’Héma-Québec, Laurent-Paul Ménard, a expliqué en entrevue que l’organisation a décidé d’opter pour une approche graduelle après avoir consulté différents intervenants, comme des groupes de receveurs.

«Ils nous avaient signifié leur accord de procéder en deux temps, qui fait que ça permettait une meilleure acceptabilité (…) à la démarche», a-t-il dit, ajoutant qu’Héma-Québec n’a pas l’intention de se détourner de cette approche.

M. Ménard a indiqué que les groupes de receveurs représentent «une partie prenante qui est extrêmement importante». À son avis, l’approbation de Santé Canada face à la demande de la Société canadienne du sang est une «excellente nouvelle» puisque cela signifie que la deuxième phase d’élargissement d’Héma-Québec pourra aisément aller de l’avant.

«On parle, à toute fin pratique, d’une différence d’une saison et Héma-Québec va parvenir exactement à la même destination», dit-il au sujet des mois de décalage entre l’entrée en vigueur de l’assouplissement hors-Québec et celle visée dans la Belle province.

La Société canadienne de l’hémophilie (SCH) a pour sa part fait savoir, jeudi, qu’elle aurait préféré que Santé Canada s’en tienne à cette approche en deux étapes prônée par Héma-Québec. Selon la SCH, une telle approche est «plus prudente».

«Selon nous, ce changement accroîtra, même si très légèrement, le risque de transmission des agents pathogènes à diffusion hématogène, comme le VIH, aux receveurs de sang frais et de ses éléments, a déclaré par voie de communiqué la présidente de la SCH, Wendy Quinn. La SCH aurait préféré que Santé Canada introduise ces nouveaux critères de sélection des donneurs en deux étapes: d’abord aux donneurs de plasma, et ensuite, données à l’appui, aux donneurs de sang frais.»

Une promesse électorale

Par ailleurs, Justin Trudeau n’a pas manqué de rappeler qu’il a fait campagne, en 2015, en promettant la fin de l’interdiction de donner du sang imposée à tous les hommes sexuellement actifs avec d’autres hommes, et ce, même s’ils n’ont qu’un seul partenaire sexuel. La période d’exclusion était de cinq ans, en 2015,et a graduellement diminué pour se situer, à l’heure actuelle, à trois mois.

«C’est frustrant que ça ait pris autant de temps», a commenté le premier ministre au sujet de l’éventuelle levée totale de l’interdiction, entouré de membres de son caucus ouvertement homosexuels.

M. Trudeau a souligné que son gouvernement a alloué des millions de dollars en financement pour des études sur le sujet, à la demande de la Société canadienne du sang.