Éthique : «Il faut que la formation devienne obligatoire», clame la commissaire

QUÉBEC — Les élus de l’Assemblée nationale ne sont pas suffisamment conscientisés et informés sur les enjeux éthiques les concernant, soutient la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet, qui demande à ce que de la formation sur le sujet devienne obligatoire.

Mme Mignolet est d’ailleurs catégorique sur cette question. «La formation n’est pas obligatoire et ça, c’est problématique. C’est une aberration. […] Il faut que la formation devienne obligatoire. C’est incontournable», soutient-elle en entrevue avec La Presse Canadienne.

La commissaire ne chôme pas avec les élus de la Coalition avenir Québec. Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a subi six enquêtes et reçu trois blâmes.

Actuellement, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, font tous deux l’objet d’une enquête de la commissaire.

Ariane Mignolet soutient que la majorité des élus qui se mettent dans des situations problématiques en termes d’éthique le font par méconnaissance des règles plutôt que par mauvaise intention. «Trop souvent, on arrive en poste et on se dit :  »Quoi ? Il y a ça. Je ne le savais pas »», illustre-t-elle.

«Chaque nouvel élu et chaque membre du personnel politique devrait savoir les règles qui s’appliquent à leur situation […] L’objectif des formations, c’est de développer un certain réflexe éthique», ajoute la commissaire.

Mme Mignolet explique que depuis le début de la nouvelle législature, son institution a pris une approche beaucoup plus proactive afin d’inciter les élus à faire des formations. Depuis l’élection de 2022, 42 députés ont suivi au moins une séance de formation, selon son bureau.

Garder ses distances de la politique

La commissaire à l’éthique est consciente que son travail peut être instrumentalisé à des fins partisanes. C’est la raison pour laquelle elle s’assure qu’il y a des éléments tangibles sur lesquels elle peut s’appuyer avant de déclencher une enquête.

«Il faut démontrer qu’on a des motifs raisonnables de penser qu’il y a eu un manquement. L’objectif, ce n’est pas de se lancer dans des parties de pêche», explique-t-elle.

Et lorsqu’un rapport d’enquête est déposé, il arrive qu’elle se fasse critiquer. Par exemple, après le dépôt de son dernier rapport sur Pierre Fitzgibbon — dans lequel il a été blanchi —, les trois partis d’opposition ont laissé entendre qu’il faudrait modifier le code d’éthique de l’Assemblée nationale.

À ce moment, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a dit : «J’ai lu la décision de la commissaire. Et bien que je respecte son pouvoir et ses compétences, je ne partage pas ses conclusions.»

Or, en décembre 2020, alors que la commissaire blâme M. Fitzgibbon une deuxième fois, c’est au tour du chef caquiste François Legault de suggérer de modifier le code.

Mme Mignolet garde une distance par rapport à ce qui est dit sur son travail. «Je ne le prends pas personnel […] Le job, c’est ça. Il y aura toujours quelqu’un de content et quelqu’un de mécontent», dit-elle.

La commissaire ajoute que chaque rapport, peu importe ses conclusions, est un «super outil pédagogique» qui permet de faire connaître les règles.

«Qu’on soit d’accord ou non, il y a des enseignements qui sortent de ces rapports et ça fait boule de neige et ça met la lumière sur certains enjeux […] Ce n’est jamais inutile», soutient-elle.

Malgré tout, la commissaire est ouverte à ce que le code soit modifié, non pas pour l’alléger, mais pour lui donner plus de souplesse.

«Comme tout est une question de contexte, la commissaire devrait peut-être avoir une marge de manœuvre un peu plus grande», explique-t-elle, ajoutant que le code actuel fonctionne «très bien».