La Banque du Canada devra rehausser son taux de directeur, selon des économistes

OTTAWA — L’élan pris par l’économie canadienne pousse des économistes à se demander si la Banque du Canada haussera de nouveau son taux directeur, même si elle ne devrait pas s’y résoudre dès cette semaine.

La banque centrale annoncera mercredi sa décision. Cette semaine, de nouvelles données indiquaient que l’économie canadienne était toujours en pleine croissance, même si les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi élevés depuis 2007.

Statistique Canada a calculé que l’économie canadienne a progressé à un taux annualisé de 3,1 % au premier trimestre. Les dernières données montrent que la croissance a dépassé les propres prévisions de Statistique Canada de 2,5% pour le trimestre.

Les estimations préliminaires de l’agence fédérale laissent croire que l’économie a continué de progresser en avril. Même le marché immobilier, le premier à subir les conséquences de l’augmentation des taux d’intérêt, semble avoir repris de la vigueur.

Des économistes soutiennent que la croissance actuelle place la Banque du Canada dans une position difficile. La banque centrale a souvent argué qu’il était nécessaire de freiner l’économie pour ramener l’inflation à 2%, la cible visée. Toutefois, le ralentissement économique n’est pas encore devenu réalité.

Tous les yeux sont tournés vers la Banque du Canada pour voir comment elle réagira aux récentes données et à la vigueur de l’économie.

«Voici la question qui se pose: à quel point la Banque du Canada avait-elle prévu ces nouvelles données qui vont à l’encontre de la notion d’un ralentissement économique?» dit James Orlando, directeur des services économiques de la Banque TD.

Selon lui, les données laissent entendre un retour de la croissance, et non un ralentissement, notamment à cause des dépenses des consommateurs qui ont augmenté au cours du premier trimestre.

La croissance économique canadienne entre en contradiction avec les prévisions de l’année dernière voulant que la hausse des taux d’intérêt pousse le pays dans une récession. Et des économistes se demandent si la Banque du Canada haussera son taux directeur en juillet.

«Augmenter le taux dès la semaine prochaine ne serait pas très sensé», souligne M. Orlando.

L’économiste en chef de Desjardins, Jimmy Jean, croit lui aussi que la Banque du Canada pourrait attendre l’été avant d’augmenter son taux directeur. Cela donnerait à la banque centrale le temps nécessaire pour bien évaluer les pressions inflationnistes.

«On va s’en échapper de peu, mais je crois qu’elle voudra recueillir plus de données», dit-il.

Plus tôt cette année, la Banque du Canada avait annoncé une pause dans sa tendance à hausser son taux directeur, un cycle qui s’était amorcé en mars 2022. Le gouverneur Tiff Macklem avait expliqué que cette pause permettrait à la banque centrale de bien évaluer les effets des hausses sur l’économie.

Les membres du conseil de direction ont déjà discuté d’une éventuelle hausse lors de leur dernière rencontre, en avril. Selon le résumé des délibérations, «la résilience de la croissance économique» aurait pu pousser la Banque à augmenter son taux directeur.

Finalement, le conseil de direction a choisi de poursuivre la pause. M. Macklem a toutefois mis en garde la population que la Banque du Canada aurait tendance à augmenter son taux directeur, plutôt que de le baisser.

La Banque du Canada s’inquiète notamment de la vigueur du marché de l’emploi au Canada. En avril, le taux de chômage est demeuré à 5% pour un cinquième mois d’affilée. C’est 0,1 point de pourcentage que le record de 4,9% atteint l’été dernier.

En avril, les salaires étaient 5,2 % supérieurs à ceux d’il y a un an, dépassant même l’augmentation du coût de la vie. Pour la Banque du Canada, un faible taux de chômage et le rythme actuel des hausses salariales nuisent à ses efforts pour combattre l’inflation.

Le taux d’inflation s’élevait à 4,4 %. Le mouvement à la baisse qui s’est amorcé l’été dernier devrait se poursuit. M. Jean croit que l’inflation demeure une source d’inquiétude. Selon lui, les données indiquent que le Canada n’est pas encore sorti du bois.

«Quand on examine l’ensemble du tableau au sujet de l’inflation de base, on peut être sûr que ce n’est pas quelque chose avec laquelle la Banque du Canada est à l’aise.»