La formation continue est une réalité qui touche les avocats

EDMONTON — La formation continue est une réalité des avocats canadiens, soutiennent des experts au moment où le barreau de l’Alberta s’apprête à défendre sa décision d’obliger ses membres à suivre un cours sur les Autochtones.

«C’est de plus en plus commun de voir les différents barreaux du pays exiger de la formation continue dans un domaine particulier, [notamment la sensibilisation culturelle]», dit Trevor Farrow de la faculté de droit de l’Université York, à Toronto.

Jeremy Webber, de la faculté de droit de l’Université de Victoria, rappelle que le droit est en constante évolution.

«La raison de cette exigence est de s’assurer qu’un avocat ne continue pas de pratiquer comme si on était encore dans les années 1980», souligne-t-il.

Le barreau albertain se prononce lundi sur une résolution qui imposerait un moratoire sur son exigence de suivre une formation continue. Un groupe de 51 avocats a signé une pétition pour exprimer leur inquiétude au sujet du programme comprenant cinq modules sur l’histoire autochtone appelés «Le Parcours». 

En 2015, la commission Vérité et Réconciliation avait demandé aux fédérations des ordres professionnels de juristes canadiens «de veiller à ce que les avocats reçoivent une formation appropriée en matière de compétences culturelles, y compris en ce qui a trait à l’histoire et aux séquelles des pensionnats, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux traités et aux droits des Autochtones, au droit autochtone de même qu’aux relations entre l’État et les Autochtones».

Pour Glenn Blackett, l’un des signataires de la pétition, ce cours est «un endoctrinement politique». Il l’a comparé à un cancer qui ronge les racines du système juridique au Canada.

«Le vitriol lancé au visage des Canadiens dans ‘Le Parcours’ vise moins à promouvoir la réconciliation qu’à promouvoir une perception déformée de l’histoire et des causes de la disparité socio-économique, de la colère, de la honte et de l’aliénation des Autochtones», a-t-il écrit dans le Dorchester Review.

D’autres signataires ont été jusqu’à dire que ce cours obligatoire leur rappelait leur enfance dans la Chine dictatoriale.

«Je comprends les inquiétudes sur l’endoctrinement et la liberté d’expression, reconnaît le Pr Farrow. Mais ceci n’est pas un endoctrinement. C’est de la formation continue dans un domaine qui n’a pas été enseigné aux Canadiens. C’est le barreau qui joue son rôle dans ce projet social plus large.» 

Le Pr Webber croit que les opposants ont des motivations cachées.

«Il ne s’agit pas d’endoctrinement, il s’agit d’un refus d’apprendre.»

D’autres ordres professionnels exigent de leurs membres d’accroître leurs qualifications.

L’Association des ingénieurs et des géoscientifiques de l’Alberta requiert de ses membres qu’ils suivent un certain nombre de cours tous les trois ans. Elle leur offre un choix de cours parmi lesquels ils peuvent choisir, mais aucun cours spécifique n’est obligatoire à tous.

Le Collège des médecins et des chirurgiens de l’Alberta exige que leurs membres suivent deux cours obligatoires sur les agressions et les inconduites sexuelles.

Selon le Pr Webber, il est faux de prétendre qu’il existe des secteurs de la pratique du droit qui ne sont pas concernés par les enjeux autochtones.

«Les Autochtones sont présents dans tous les secteurs de l’économie, dit-il. Ils exercent un contrôle réel sur des terrains qui sont importants à l’exploitation des ressources.»

De plus, la trop forte proportion d’Autochtones dans le système judiciaire criminel, un secteur où les avocats jouent un rôle intégral. 

«Ce n’est pas un secret, lance le Pr Webber. Les mesures que les barreaux et les avocats décideront de prendre à ce sujet devront faire partie de la solution. Et ceci explique cela.»

Environ 400 avocats albertains ont signé une contre-pétition pour défendre la décision du barreau d’obliger les avocats à suivre «Le Parcours».