La mise en oeuvre des appels à l’action pour les Autochtones avance à pas de tortue

Un groupe de réflexion dirigé par des Autochtones affirme que sept ans après la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, les progrès à ce chapitre se réalisent à pas de tortue.

L’Institut Yellowhead, basé à l’Université métropolitaine de Toronto, affirme que deux des 94 «appels à l’action» contenus dans le rapport de la commission ont été achevés cette année, ce qui porte à 13 le nombre total de recommandations réalisées jusqu’ici.

Le groupe d’experts affirme qu’à ce rythme, il faudra 42 ans, jusqu’en 2065, pour mener à bien tous les appels à l’action du rapport de la commission.

«Nous suivons les appels à l’action depuis quelques années déjà et nous continuons d’être choqués par la lenteur des progrès du Canada», ont écrit Eva Jewell et Ian Mosby, qui ont signé une mise à jour publiée par le groupe cette semaine.

Pendant cinq ans, la Commission de vérité et réconciliation a recueilli les témoignages de milliers d’Autochtones qui ont été forcés de fréquenter les pensionnats gérés par l’Église et financés par le gouvernement fédéral au cours de leur enfance. De par ces récits, la commission a appris comment des enfants étaient séparés de leur famille, dépouillés de leur culture et souffraient d’abus émotionnels, sexuels et physiques.

Le rapport final et les appels à l’action ont été publiés en décembre 2015.

Les appels à l’action terminés cette année visaient l’Association des musées canadiens et l’Association canadienne des archivistes. L’objectif était de pousser ces deux organisations à entreprendre des examens des politiques et des meilleures pratiques pour assurer le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

L’Institut Yellowhead a rappelé que l’application de ces deux appels à l’action était nécessaire.

Des excuses papales insuffisantes

«Malheureusement, nous sommes moins optimistes quant aux progrès de l’appel à l’action 58, les excuses papales», note toutefois la mise à jour du groupe de réflexion.

Le pape François a présenté des excuses aux survivants des pensionnats fédéraux pour Autochtones en juillet, en Alberta.

Cependant, le groupe de réflexion souligne que le pape n’a pas évoqué spécifiquement «les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis».

Par conséquent, conclut le groupe, il n’est pas allé assez loin pour compléter la directive de l’appel à l’action.

L’Institut Yellowhead a également estimé que le projet de loi fédéral visant la création d’un conseil national pour la réconciliation pourrait être une étape importante. La pièce législative a été adoptée par la Chambre des communes et se retrouve maintenant devant le Sénat.

Cependant, le groupe de réflexion a émis certaines inquiétudes concernant ce projet, notamment en ce qui a trait à la conception du conseil et aux ressources qui lui seront consacrées.

«Bloqués»

Selon le groupe d’experts, en date du 1er décembre, 38 % des appels à l’action n’étaient «pas lancés» ou étaient «bloqués».

La directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations, Cindy Blackstock, a d’ailleurs soulevé dans le rapport que le Canada n’avait lancé aucun appel à l’action en matière de protection de l’enfance, affirmant que cela devrait faire réfléchir tous les Canadiens.

«Je suis tannée d’entendre le gouvernement dire qu’on ne peut pas voir un changement du jour au lendemain, alors qu’on attend depuis 157 ans», a écrit Mme Blackstock.

Les auteurs du rapport ont également affirmé qu’ils se sentent plongés dans un «prologue éternel».

«On essaie de définir les problèmes qui doivent être résolus, mais avec des données incomplètes. On reçoit des promesses grandioses, mais finalement vides de la part de tous les niveaux de gouvernement. Et tout cela est recouvert d’une épaisse couche de bonnes intentions orange.»