L’ancien ministre libéral Marc Garneau quitte la vie politique

OTTAWA — Estimant avoir gravi «toutes les montagnes», l’ancien ministre et astronaute Marc Garneau a annoncé mercredi à ses collègues qu’il tourne la page sur 14 ans de vie politique et démissionne immédiatement de son poste de député de Notre-Dame-de-Grâce—Westmount.

«Je me considère extraordinairement privilégié d’avoir pu travailler dans le Parlement du Canada, d’avoir servi mes concitoyens et concitoyennes montréalais, québécois et canadiens du mieux que possible», a déclaré l’élu après s’être levé, en fin d’après-midi, pour prendre la parole aux Communes.

Le député montréalais avait fait l’annonce de son départ, plus tôt en journée, à ses collègues libéraux. L’émotion était perceptible dans sa voix quand il a échangé quelques mots auprès des journalistes en se rendant à la réunion hebdomadaire de son caucus.

«Mes 14 ans (comme député) furent magnifiques: sept ans dans l’opposition et sept ans dans le gouvernement», a-t-il dit.

M. Garneau a été élu pour la première fois en 2008 comme député de Westmount—Ville-Marie. Il a ensuite remporté dès 2015 des élections dans la nouvelle circonscription de Notre-Dame-de-Grâce—Westmount.

L’ex-ministre a été responsable du portefeuille des Transports ainsi que des Affaires étrangères avant d’être rétrogradé comme député d’arrière-ban en 2021.

Le député a précisé avoir informé ses proches, l’automne dernier, qu’il quitterait la vie politique une fois qu’il aurait pu déposer en Chambre le rapport final sur l’aide médicale à mourir, ce qui a été fait à la mi-février.

«Compléter cette tâche était de la plus grande importance pour moi», a-t-il souligné.

Il s’est excusé auprès de ses commettants de quitter avant la fin de son mandat. «J’espère qu’ils vont me pardonner cette décision personnelle», a-t-il lâché en point de presse, notant au passage qu’il approche les 74 ans.

Au cours des dernières semaines, le député a fait la manchette avec des prises de position controversées sur le projet de loi C-13 qui réforme la Loi sur les langues officielles où il a pris part à une charge visant à retirer toute référence à la Charte de la langue française du Québec du texte législatif de sa propre formation politique.

«Ce serait une grande erreur pour nous, en tant que députés fédéraux, dans un comité fédéral, examinant des lois fédérales, de laisser le champ libre au Québec pour faire tout ce qu’il pourrait vouloir faire en matière de langue au Québec», avait-il déclaré.

À l’époque, il menaçait même de voter contre ce projet de loi émanant de sa propre formation politique.

Devant les journalistes, mercredi, il a nié que le fait d’avoir été écarté du cabinet, ainsi que sa prise de position sur C-13, ont influencé sa décision de quitter. «Non, pas du tout», a-t-il lâché.

Quant à ses positions sur la Charte de la langue française, Marc Garneau a admis être en conflit avec son parti et a insisté sur l’importance d’agir «par principe».

«Il y a beaucoup de gens qui n’iraient pas là parce qu’ils veulent éviter le conflit, ce n’est pas facile de prendre une position de principe et parfois même de se faire attaquer. Et ça a été le cas. (…) Il faut vivre avec ses principes. Il faut que je puisse dormir le soir.»

«Un héros canadien»

En Chambre, le premier ministre Justin Trudeau a salué «un homme de principe» qui a «dédié sa vie au service des Canadiens».

«En tant que premier astronaute (canadien) à aller dans l’espace, il a motivé des générations de jeunes canadiens en leur montrant que c’est toujours possible d’aller plus haut et plus loin, a-t-il mentionné. Et en tant que politicien, il nous a montré chaque jour qu’on pouvait faire de grandes choses tout en gardant les deux pieds fermement sur terre.»

Des représentants des partis d’opposition se sont tour à tour succédé. Le lieutenant conservateur pour le Québec, Pierre-Paul Hus, a décrit M. Garneau comme «un grand Canadien» qui l’a «fasciné» alors qu’il était astronaute, bien qu’en politique par la suite «la navette a comme atterri du côté sombre de la lune».

La députée bloquiste Marilène Gill a reconnu que Marc Garneau a rendu les Québécois fiers et «dans une partie de bien cuit» a espéré qu’il soit éventuellement «porté ailleurs» dans ses positions sur la langue.

Le leader à la Chambre du Nouveau Parti démocratique (NPD), Peter Julian, a dit que «tout le monde l’aime» et qu’il a offert une «contribution énorme» au Canada.

Toutefois, c’est la cheffe du Parti vert, Elizabeth May, qui était de loin la plus émotive. Elle a décrit avoir vécu «un choc» en apprenant le départ du «héros canadien» qu’est Marc Garneau. «Il n’y a pas de mots pour dire à quel point il va me manquer», a-t-elle résumé.

Dans sa famille libérale, le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a également dit avoir reçu la nouvelle comme «un grand choc». Son départ, estime-t-il, est «une grande perte» pour le caucus du Québec et pour les Canadiens.

Le lieutenant libéral pour le Québec, Pablo Rodriguez, a salué «un grand homme» à la «carrière illustre» qui a donné beaucoup au pays.

La ministre Mélanie Joly, qui lui a succédé aux Affaires étrangères, a commenté les prises de position de M. Garneau sur la langue en affirmant que sa carrière «est plus grande qu’un dossier» et que c’est «un homme très droit qui défendait ses propres convictions».

Les élus libéraux interpellés mercredi ont tous exprimé l’admiration qu’ils avaient pour la longue carrière de M. Garneau dans le service public. L’Acadien René Arseneault, président du comité des Langues officielles, a qualifié M. Garneau de «héros». «C’est un de mes héros nationaux», a-t-il souligné.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a soutenu avoir d’abord «admiré» M. Garneau «comme citoyen alors qu’il était astronaute».

Avant sa carrière politique, M. Garneau a été le premier astronaute canadien dans l’espace en 1984, ayant alors collaboré à la mission de la navette spatiale 41-G. Il a également pris part à des missions en 1996, puis en 2000. Il cumule plus de 677 heures de vol dans l’espace.

Il a été élu deux fois dans Westmount—Ville-Marie, puis à trois reprises dans sa circonscription actuelle.

Son passage aux Affaires étrangères a été marqué par les efforts diplomatiques qui ont conduit au retour des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor qui étaient emprisonnés en Chine et par l’opération d’évacuation de l’Afghanistan après la chute aux mains des talibans.

Aux transports, il a piloté les dossiers de la voie de contournement de Mégantic, de la Charte des voyageurs aériens et des difficiles remboursements des passagers qui ont annulé leurs vols en raison de la pandémie.