Le Barreau de Québec lance son défi annuel pour promouvoir le droit à la déconnexion

MONTRÉAL — Le Barreau de Québec a lancé mercredi son troisième «Défi… On décroche», qui vise à améliorer le bien-être psychologique des travailleurs, la qualité de leurs communications ainsi que la gestion de leurs priorités personnelles et professionnels.

En collaboration avec le Barreau de Montréal, le Défi Déconnexion invite les avocats à adopter la thématique «La trêve 7 à 7» pendant tout le mois de février, en reportant au lendemain toute communication professionnelle non urgente.

«L’objectif est d’éviter tout échange lié au travail entre 19h et 7h le lendemain. (…) On veut engendrer une prise de conscience et une meilleure utilisation des technologies de l’information pour permettre aux gens des périodes de repos», explique en entrevue Marianne Plamondon, avocate en droit du travail chez Langlois Avocats et première porte-parole du Défi Déconnexion.

Cette initiative s’inscrit dans un contexte de surcharge professionnelle et d’hyperconnectivité à travers le pays, engendré entre autres par la pandémie et le télétravail, dans lequel de plus en plus de travailleurs revendiquent leur droit à la déconnexion.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de lois qui réglementent ce droit au Québec. Bien que certaines dispositions de la Loi sur les normes du travail et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail encadrent le nombre d’heures effectuées, le droit à la vie privée ainsi que les périodes de repos, celles-ci ne protègent pas l’ensemble des travailleurs.

Le leader parlementaire de Québec solidaire et responsable en matière de travail, Alexandre Leduc, avait d’ailleurs déposé en juin 2020 un premier projet de loi pour obliger les employeurs à instaurer une politique de déconnexion en milieu professionnel. Le député avait ensuite tenté de faire adopter un second sur la question en décembre 2021, toutefois sans succès.

«Le droit à la déconnexion va nécessairement devenir un enjeu majeur du travail, parce que les gens sont de plus en plus payés à salaire annuel et qu’ils travaillent à distance. L’employeur n’a donc pas de vision globale des heures de travail effectuées, ce qui peut entraîner des dérapages», précise Mme Plamondon.

Selon une étude de l’organisation Recherche en santé mentale menée vers la fin de 2021, plus de 40 % des jeunes de 18 à 34 ans affirmaient souffrir d’épuisement professionnel au Canada. Les données de LifeWorks (aujourd’hui appelée TELUS Santé) abondent dans le même sens : plus du quart (28 %) des travailleurs canadiens peinaient à décrocher après leurs heures de travail après 2 ans de pandémie.

Suivre l’exemple ontarien

L’Ontario a été la première province à adopter une loi encadrant le droit à la déconnexion. Depuis juin 2022, toutes les entreprises comptant 25 employés ou plus sont obligées d’adopter une politique de «déconnexion du travail».

«La loi ontarienne n’est pas contraignante, mais plutôt une loi qui oblige à mettre sur pied une politique. Il revient à l’employeur de déterminer ce qui est utile et possible dans son industrie, soutient Me Plamondon. C’est sûr que ça laisse beaucoup de liberté (…), mais ça permet notamment de respecter la réalité d’affaires ou les demandes de clients».

La loi ontarienne définit la déconnexion du travail par le fait de s’abstenir de communiquer avec l’employé – par courriels, appels ou messages – en dehors de ses heures de travail.

«Si tout le monde se met à penser comme ça, ça va permettre aux gens d’être moins en surcharge au niveau des technologies de l’information. Beaucoup d’études démontrent que le fait d’être toujours pris avec son téléphone peut créer des enjeux pour la santé mentale et pour la qualité de vie», souligne l’avocate.

Selon elle, cette approche avantage autant les employés que les employeurs, qui peuvent ainsi «attirer et retenir les meilleurs talents».

«Si l’employeur ne met pas en place des pratiques efficaces qui permettent de satisfaire les attentes de ses employés, c’est à son détriment. (…) Il y a tellement de possibilités dans le marché du travail en ce moment que c’est facile de passer à un autre emploi si les conditions ne sont pas intéressantes», résume Me Plamondon.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.