Le Canada bloque encore l’aide vers l’Afghanistan, déplorent des ONG

OTTAWA — Des organisations d’aide à l’étranger souhaitent que le gouvernement canadien leur donne plus rapidement l’autorisation de venir en aide à la population en Afghanistan.

Les travailleurs humanitaires peuvent actuellement être poursuivis en vertu du Code criminel s’ils paient des impôts ou des taxes sur les biens aux autorités talibanes afghanes.

Pour le gouvernement, payer ces taxes est l’équivalent d’appuyer financièrement une organisation terroriste.

Les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie ont mis en place des exemptions dès février 2022, soit environ six mois après l’arrivée au pouvoir des talibans. Selon l’ONU, 23,7 millions d’Afghans ont besoin de l’aide humanitaire.

«C’est extrêmement frustrant, si je peux le dire aussi gentiment que possible», dit la présidente de l’Organisation des femmes afghanes, Asma Faizi.

Son groupe aide les femmes afghanes vivant au Canada, en Afghanistan et dans les pays avoisinants. Il gère aussi un orphelinat pour filles à Kaboul, la capitale afghane. 

«Les organisations canadiennes qui veulent intervenir à l’intérieur de l’Afghanistan sont prêtes à le faire, mais cela leur est interdit», déplore Mme Faizi. 

Des élus fédéraux demandent la même chose depuis près de deux ans.

Et en juin, le Parlement canadien a adopté un projet de loi visant à faciliter l’aide humanitaire. La mesure législative a créé des exceptions pour les projets humanitaires visant notamment à fournir des services de santé ou d’éducation.

Toutefois, le ministère de la Sécurité publique indique que le processus bureaucratique pour ces autorisations ne sera pas opérationnel avant la fin de l’année.

Le gouvernement fédéral devra créer une procédure d’autorisation pour les travailleurs humanitaires.

Pour Vision mondiale Canada, le retard dans la mise en place de cette procédure signifie qu’elle a pu lancer des programmes de santé et d’alimentation sur une base humanitaire tout en mettant les freins pour des projets visant à défendre les droits des femmes.

Les exceptions prévues sont insuffisantes pour certaines organisations, dit le responsable des politiques à Vision Mondiale, Martin Fischer. 

Des organisations demandent aussi au gouvernement de mieux préciser le type de travail qui leur sera permis d’accomplir sans crainte d’être mises en accusation.

«Et puis, il y a ce transfert des responsabilités», déplore M. Fisher en parlant de l’obligation pour les organisations à déterminer elles-mêmes ce qu’elles doivent faire pour se protéger contre des accusations.

Mme Faizi dit que la confusion continue de régner sur ce qu’il sera permis de faire. Elle donne l’exemple des programmes de vaccination qui peuvent être considérés comme une aide préventive à long terme, mais aussi comme une réaction à court terme contre l’effondrement du système de santé et la propagation de maladie mortelle.

Autre exemple: les programmes de soutien à la santé mentale habituellement classés comme de l’aide au développement. Mme Faizi avance qu’ils peuvent aussi freiner la vague de suicides chez les jeunes Afghans, donc, c’est une aide humanitaire.

Elle juge que le gouvernement fédéral ne respecte pas ses propres lignes directrices en matière d’aide au féministe à l’échelle internationale.

L’Organisation des femmes afghanes souhaite que le gouvernement soit plus souple et réaliste si on veut plus aider les femmes et les filles vivant des pays instables.

«Le problème est né lorsqu’on a décidé que le Canada s’engagerait sur la création d’un processus très bureaucratique et très complexe, une voie sans précédent», lance Mme Faizi.

Dans un rapport publié la semaine dernière, le ministère de la Sécurité publique a indiqué que «les efforts de mise en œuvre du régime d’autorisation se [poursuivaient]».

Le gouvernement fédéral «prévoit lancer le régime d’ici le printemps 2024 et continuera de travailler pour atteindre la pleine capacité opérationnelle avant la fin de l’année».

Un porte-parole du ministère a indiqué que les demandes d’autorisation seront acceptées dès ce printemps. «Des efforts sont en cours afin d’augmenter les effectifs de l’équipe administrant ce processus.»

La sénatrice Ratna Omidvar figure parmi les politiciens qui ont défendu le projet de loi.

Elle se dit «soulagée» qu’une forme d’aide parvienne en Afghanistan en raison des exceptions humanitaires. Mme Omidyar espère que le gouvernement agira rapidement afin qu’un plus grand nombre d’organisations puissent intervenir.

«Je suis préoccupée par le temps nécessaire à mettre en place le système et les protocoles. Dès que cela concerne la sécurité publique, les choses prendront plus de temps pour les plus démunis.»