Le ministre Marc Miller estime que les États-Unis sont toujours un «tiers pays sûr»
OTTAWA — Le ministre fédéral de l’Immigration affirme qu’Ottawa considère toujours les États-Unis comme un «tiers pays sûr» pour les réfugiés transgenres sous la présidence de Donald Trump, mais les organismes de défense des réfugiés sont très inquiets.
Au tout premier jour de son nouveau mandat, M. Trump a signé lundi des décrets exécutifs pour affirmer notamment que le gouvernement américain ne reconnaît désormais que deux genres: le masculin et le féminin, en fonction des caractéristiques biologiques à la naissance.
Le président a aussi décrété la suspension du programme américain d’accueil des réfugiés.
Dans une entrevue à l’émission «Power Play» de CTV, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a soutenu que, malgré la rhétorique de cette nouvelle administration Trump, il considère toujours les États-Unis comme un endroit sécuritaire aux fins de l’Accord canado-américain sur les tiers pays sûrs.
Cet accord stipule qu’un demandeur d’asile qui arrive au Canada ou aux États-Unis doit présenter sa demande dans le premier pays abordé.
Dans une déclaration envoyée par courriel à La Presse Canadienne mercredi, le ministre a fait savoir que le gouvernement comprend qu’il y a des inquiétudes au sujet des décrets de Donald Trump et de ce qu’ils signifient pour le Canada.
«Nous continuons de surveiller attentivement l’évolution de la nouvelle administration et nous nous attendons à ce que les États-Unis se comportent conformément aux termes de l’accord qui gère notre frontière. Notre gouvernement reste concentré sur le travail que nous faisons pour assurer la circulation sûre et ordonnée des biens et des personnes entrant et sortant du Canada», a-t-il indiqué.
«Nous ne spéculerons pas sur les décisions ou mesures politiques futures, en particulier celles d’un gouvernement étranger, y compris la mise en œuvre de tout décret signé par le président des États-Unis», a-t-il ajouté.
Des groupes de défense inquiets
Or, le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) et Amnistie internationale Canada affirment tous deux que cette prétention de «tiers pays sûr» n’a plus aucun sens à la lumière des attaques contre les droits des personnes transgenres aux États-Unis et des politiques de M. Trump sur les réfugiés et les migrants.
Les deux organismes sont impliqués dans une contestation judiciaire de l’Accord sur les tiers pays sûrs, qui doit être entendue par la Cour fédérale plus tard cette année.
Julia Sande, avocate à Amnistie internationale Canada, ne comprend pas la logique de Marc Miller.
«Il est difficile de comprendre comment il peut penser de la sorte face à ces politiques horribles, cruelles, anti-réfugiés et anti-migrants. Il est très difficile de comprendre comment le Canada a pu maintenir cette position», a-t-elle déclaré.
Me Sande a rappelé qu’Amnistie internationale soutient depuis plusieurs années que l’Accord sur les tiers pays sûrs viole la Charte des droits.
La position du Canada est que l’Accord a été «soigneusement conçu» avec des garanties pour protéger à la fois la frontière et les gens qui fuient la persécution. L’entente comprend certaines exceptions, notamment pour les demandeurs d’asile qui ont de la famille au Canada.
Gauri Sreenivasan, codirectrice du CCR, croit que les décrets nuiront aux personnes transgenres qui veulent faire une demande d’asile aux États-Unis.
En vertu des politiques de M. Trump, par exemple, une femme transgenre pourrait être placée dans un centre de détention avec des détenus masculins.
«Il est évident que les personnes transgenres qui demandent l’asile aux États-Unis sont beaucoup moins en sécurité. Nous ne savons pas encore ce que cela signifiera pour la détermination de l’asile, mais il est clair qu’elles ne sont pas en sécurité si elles sont détenues», a affirmé Mme Sreenivasan.
Elle appelle le gouvernement à tenir son engagement de protéger les personnes fuyant la guerre et la persécution.
«Il sera extrêmement important pour le gouvernement canadien de défendre très clairement la croyance du Canada dans les droits internationaux des réfugiés, dans le droit fondamental à l’asile et de démontrer que nous avons une façon différente de procéder au Canada», a-t-elle affirmé.