L’équipage de trois bateaux coincés au port de Trois-Rivières passe un rude hiver

TROIS-RIVIÈRES, Qc — Des organismes s’inquiètent pour onze marins qui passent un rude hiver québécois à bord de trois bateaux-remorqueurs retenus depuis des mois dans le port de Trois-Rivières.

Paul Racette, qui dirige l’organisme à but non lucratif local Foyer des marins, a rappelé que les travailleurs, originaires du Mexique, de Cuba et de la Guyane, n’étaient pas habitués à l’hiver.

«Pour eux, 17 degrés, c’est froid, alors imaginez qu’ils doivent travailler à l’extérieur aux températures que nous avons actuellement», a-t-il expliqué.

De plus, ils passent l’hiver sur les bateaux-remorqueurs amarrés, qui, selon lui, ne sont pas conçus pour y vivre à long terme.

«C’est très petit, c’est étroit, il n’y a pas de commodités à l’intérieur, donc c’est un problème», a-t-il déclaré.

Les bateaux, qui mesurent entre 30 et 40 mètres, ont été vendus l’année dernière à une entreprise qui souhaite les amener en Guyane. Mais ils sont retenus dans le port de Trois-Rivières depuis octobre en raison de ce que Transports Canada qualifie de «non-respect de diverses conventions maritimes internationales», dont les normes du travail qui assurent le bien-être de l’équipage.

«Avant d’autoriser les navires à partir, Transports Canada vérifiera que ces problèmes ont été rectifiés», a écrit sa porte-parole Sau Sau Liu.

M. Racette a précisé que même s’il y avait au départ environ 25 membres d’équipage, leur nombre est tombé à 11, car certains sont partis.

Lors d’une visite récente, deux des trois bateaux-remorqueurs étaient amarrés sur le bord de la rivière, éclipsés par le navire beaucoup plus imposant qui se trouvait derrière eux. Des drapeaux canadiens et guyanais battaient au vent alors qu’une neige abondante tombait.

Aucun des membres d’équipage n’est sorti lors de la visite d’une journaliste. Selon M. Racette, aucun d’entre eux ne voulait parler aux médias par crainte de subir des représailles.

Le vice-président Saint-Laurent et côte Est du Syndicat international des marins canadiens, Vince Giannopoulos, s’est dit préoccupé par les conditions de travail et de vie à bord des bateaux.

M. Giannopoulos, qui a travaillé auprès de l’équipage, a déclaré que certains des marins ont été envoyés sur les navires avec seulement des accords verbaux concernant leur rémunération, pour constater à leur arrivée que la compensation dans le contrat écrit était bien inférieure à celle promise.

Ses visites sur les navires, dont la plus récente a eu lieu en décembre, ont révélé «toutes sortes de problèmes», a-t-il dit, comme un manque d’équipement de sécurité, une température froide et une nourriture inadéquate.

«Au cours de quelques-unes de mes visites, l’équipage recevait des Mr. Noodles (des nouilles instantanées) trois fois par jour, a-t-il déclaré. C’était leur petit-déjeuner, leur déjeuner et leur dîner.»

Mark Wong, un marin guyanais, a passé six mois à bord des embarcations en tant qu’ingénieur avant de rentrer chez lui fin décembre.

S’il a trouvé que les conditions de vie à bord des bateaux-remorqueurs étaient généralement bonnes, l’homme de 59 ans a déclaré que c’était la première fois qu’il était coincé sur un navire retenu au port depuis si longtemps.

Il se souvient de l’arrivée «terrible» de l’hiver, et son souvenir le plus marquant est la glace sur le pont. «Je n’ai pas l’habitude», a-t-il dit. 

M. Wong a raconté qu’il était l’un de ceux qui sont arrivés sans contrat et, bien qu’il ait reçu son salaire, il dit que l’entreprise lui doit toujours l’argent de ses congés payés.

Malgré les problèmes, il serait prêt à y retourner, mais «pas en hiver».

M. Racette a soutenu que le Foyer des marins, qui dispose d’un petit budget et est principalement géré par des bénévoles, fait ce qu’il peut pour soutenir l’équipage. Les membres visitent les navires pour discuter et encourager les marins à visiter leur club, qui dispose d’une table de billard, de collations, de chaises confortables et d’un accès à internet.

Des bénévoles se sont proposés pour aider à conduire une partie de l’équipage dans des centres commerciaux ou à un service religieux en espagnol, tandis que d’autres ont fait don de vêtements chauds. Plus récemment, il a lancé un appel aux dons pour emmener l’équipage au restaurant ou jouer aux quilles.

Bien qu’on ne sache pas combien de temps cela prendra avant que les bateaux-remorqueurs reçoivent l’autorisation de quitter Trois-Rivières, M. Racette estime qu’ils resteront au port au moins jusqu’à la fonte des neiges, en avril.