Les chefs autochtones se méfient du projet de loi sur le contrôle des armes à feu

OTTAWA — Les chefs de l’Assemblée des Premières Nations ont adopté jeudi une résolution pour s’opposer publiquement au projet de loi sur le contrôle des armes à feu tel que déposé par le gouvernement libéral.

Un amendement au projet de loi C-21, actuellement à l’étude aux Communes, vise à enchâsser dans la loi une définition évolutive des «armes d’assaut», permettant au gouvernement d’interdire des centaines de modèles d’armes.

Des dirigeants autochtones craignent que des fusils utilisés pour la chasse se retrouvent dans la liste des armes prohibées. Réunis en assemblée extraordinaire cette semaine à Ottawa, les chefs de l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont voté jeudi pour marquer leur opposition au projet de loi, qui, selon eux, porte atteinte à leurs droits ancestraux issus de traités.

«Nous nous opposons totalement à ce projet de loi», a déclaré le chef Dylan Whiteduck, de la communauté ojibwée de Kitigan Zibi Anishinabeg, à Maniwaki, dans l’Outaouais québécois. Le chef Whiteduck plaide que ces fusils sont des «outils», pas des armes.

L’APN, l’organisation nationale qui représente plus de 600 communautés des Premières Nations à travers tout le pays, avait déjà soulevé des préoccupations concernant les effets potentiels de ce projet de loi sur les droits de chasse, lors d’une réunion du comité des Communes qui étudie le projet de loi.

Jeudi, les chefs ont adopté une résolution d’urgence qui a été présentée avec le soutien unanime lors de leur assemblée extraordinaire. 

La résolution demande à l’APN de réclamer du gouvernement qu’il apporte des modifications au projet de loi, notamment en veillant à ce que les armes d’épaule utilisées par les chasseurs autochtones ne soient pas visées par l’interdiction. La résolution demande aussi au gouvernement d’améliorer ses consultations avec les groupes touchés par les nouvelles mesures proposées.

Les chefs ont également voté en faveur du soutien des Premières Nations de la Saskatchewan dans leur opposition à la «Saskatchewan First Act» déposée par le premier ministre du Parti de la Saskatchewan, Scott Moe.

De plus, l’assemblée a affirmé que les dirigeants autochtones de l’Alberta pouvaient compter sur son soutien dans leur lutte contre la propre loi sur la souveraineté de la province, présentée la semaine dernière par la première ministre, Danielle Smith, du Parti conservateur uni.

Après avoir prononcé un discours devant l’APN sur les engagements de son gouvernement envers la réconciliation, le premier ministre Justin Trudeau a été pressé sur la question. Un représentant de la nation crie d’Onion Lake, située près de la frontière entre la Saskatchewan et l’Alberta, a demandé pourquoi le gouvernement fédéral, en tant que signataire des traités, ne faisait pas plus pour s’opposer à une telle législation.

M. Trudeau a dit aux chefs être extrêmement préoccupé par ce que ces lois, en Alberta et en Saskatchewan, représentent en termes de contestations des droits issus de traités qui sont fondamentaux au Canada et doivent être respectés.

Il a ajouté que les gouvernements provinciaux peuvent adopter des lois avec lesquelles son gouvernement n’est pas d’accord, mais la façon de les contester est de passer par les tribunaux, et non sur l’arène politique.

Au sujet des armes à feu, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, qui a également pris la parole lors de l’événement jeudi, a déclaré aux journalistes qu’il respectait le droit de l’APN d’exprimer ses préoccupations concernant la législation.

«Ce n’est pas un débat facile, quel que soit votre point de vue ou votre parcours, a-t-il déclaré. C’est un débat émotionnel.»

M. Mendicino a répété que la loi est conçue pour garder les armes telles que l’AR-15 hors de portée des gens — et non pour cibler les fusils utilisés par les chasseurs autochtones.

Interrogé sur la possibilité que les armes de chasse soient retirées de la définition proposée par le gouvernement des armes à feu prohibées, le ministre s’en est remis aux députés qui étudient toujours le projet de loi.

Il a dit qu’il est ouvert à davantage de débats sur la question et respecte le processus parlementaire. «Je pense que nous pouvons aller de l’avant et je pense que l’APN, je l’espère, envisage cela.»

Plus tôt, dans son discours à la foule, M. Mendicino a noté que les peuples autochtones sont touchés de manière disproportionnée par la violence armée.

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, qui s’est déjà adressé aux délégués, les a assurés qu’il serait là pour défendre les droits issus de traités — et il estime que le projet de loi du gouvernement risquait d’enfreindre ces droits.

«Tout amendement qui contrevient de quelque manière que ce soit à vos droits issus de traités est un amendement que nous n’appuierons pas», a promis M. Singh.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, qui est l’un des critiques les plus virulents du projet de loi et de l’amendement proposé, ne s’est pas présenté en personne pour livrer son tout premier message aux chefs des Premières Nations à titre de nouveau leader. Son bureau a indiqué que M. Poilievre était à l’extérieur de la ville.

Le chef conservateur a plutôt transmis une courte vidéo dans laquelle il a parlé de son soutien pour aider les Autochtones à parvenir à la réconciliation économique. La vidéo a été diffusée avant que les chefs ne débattent d’un ensemble de résolutions concernant les survivants des pensionnats fédéraux pour Autochtones.

Après la diffusion de la vidéo, quelques huées ont pu être entendues dans la salle. Le chef de la Première Nation de Nipissing, Scott McLeod, s’est dirigé vers un microphone et a supplié les organisateurs de «ne plus jamais mettre une vidéo comme celle-là devant nos survivants des pensionnats», ce qui lui a valu les applaudissements des délégués.