L’Inde demande au Canada de rapatrier 41 de ses 62 diplomates au pays

TORONTO — L’Inde a demandé au Canada de rapatrier 41 de ses 62 diplomates en poste dans le pays, a révélé mardi un responsable au fait de la question, ce qui intensifie la confrontation entre les deux pays à la suite des allégations selon lesquelles l’Inde pourrait être impliquée dans le meurtre d’un dirigeant séparatiste sikh de la Colombie-Britannique.

Le fonctionnaire a accepté de s’entretenir avec l’Associated Press sous le couvert de l’anonymat, car il n’était pas autorisé à s’exprimer publiquement avant la réaction publique officielle du gouvernement canadien, qui doit suivre plus tard dans la journée de mardi. Il a cependant confirmé les informations contenues dans un article du Financial Times.

Questionné sur cette situation à son arrivée à la Chambre des communes, mardi, le premier ministre Justin Trudeau n’a pas confirmé que l’Inde a fait pareille demande. Il a réitéré vouloir éviter de faire escalader davantage les tensions avec l’Inde.

«Nous allons continuer de prendre ça au sérieux. C’est une situation difficile avec le gouvernement de l’Inde, mais nous avons du travail à faire sur le terrain, nous avons du travail à faire pour avancer les relations et pour résoudre ces enjeux», a soutenu M. Trudeau.

«Nous allons rester fermes. Nous n’allons pas chercher à provoquer, mais nous allons continuer d’être présents sur le terrain», a-t-il ajouté.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’a pas non plus confirmé l’information.

«Il y a certainement des tensions entre nos gouvernements, mais dans des moments de tensions, ce qui est le plus important, c’est de continuer à avoir des gens sur le terrain, a-t-elle dit. Alors c’est pourquoi nous sommes en conversation avec le gouvernement indien et par conséquent nous allons aussi travailler sur la protection de nos diplomates.»

De son côté, le ministère des Affaires étrangères de l’Inde a refusé de commenter.

Il y a deux semaines, M. Trudeau a fait part au Parlement de l’existence d’«allégations crédibles» selon lesquelles l’Inde aurait joué un rôle dans l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar, un leader sikh de 45 ans qui a été tué par des hommes armés masqués en juin à Surrey, en banlieue de Vancouver. Depuis des années, l’Inde affirme que M. Nijjar, un citoyen canadien né en Inde, a des liens avec le terrorisme, ce que le principal intéressé a toujours nié.

Le fait qu’un gouvernement étranger ait commandité l’assassinat d’un citoyen canadien au Canada, où vivent près de deux millions de personnes d’origine indienne, serait sans précédent.

L’Inde reproche depuis des années au Canada de laisser libre cours aux séparatistes sikhs, dont M. Nijjar.

L’Inde a également annulé des visas pour des Canadiens, ce à quoi le Canada n’a pas répliqué. Les deux pays ont cependant déjà annoncé avoir expulsé un diplomate de leur vis-à-vis, peu de temps après le discours de M. Trudeau devant la Chambre des communes.

Les allégations concernant l’implication de l’Inde dans l’assassinat de M. Nijjar sont fondées en partie sur la surveillance de diplomates indiens au Canada, ainsi que sur des renseignements fournis par un allié majeur d’Ottawa, a précisé un autre fonctionnaire canadien à l’Associated Press.

Toute cette saga est venue exacerber les tensions entre les deux pays. M. Trudeau a eu des rencontres glaciales avec le premier ministre indien Narendra Modi lors de la réunion du G20 qui s’est tenue à New Delhi. Quelques jours plus tard, le Canada a annulé une mission commerciale en Inde prévue cet automne.

M. Nijjar, un plombier, était également l’un des leaders de ce qui reste d’un mouvement autrefois puissant visant à créer une patrie sikhe indépendante, connue sous le nom de Khalistan. Une insurrection sikhe sanglante a secoué le nord de l’Inde pendant une décennie dans les années 1970 et 1980, jusqu’à ce qu’elle soit écrasée par une répression gouvernementale au cours de laquelle des milliers de personnes ont été tuées, y compris d’éminents dirigeants sikhs.

Le mouvement du Khalistan a perdu une grande partie de son pouvoir politique, mais il compte encore des partisans dans l’État indien du Pendjab, ainsi que dans l’importante diaspora sikhe à l’étranger. Bien que l’insurrection active ait pris fin il y a plusieurs années, le gouvernement indien a averti à plusieurs reprises que les séparatistes sikhs tentaient de faire leur retour.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron de La Presse Canadienne