L’OACI octroie un «C» au Canada pour la sécurité de son secteur du transport aérien
MONTRÉAL — Le Canada s’est vu octroyer la note de «C» pour la sécurité et la supervision de ses vols aériens dans un document de travail d’une agence des Nations unies, en baisse par rapport à un «A+» obtenu il y a près de 20 ans et en deçà de la note qu’obtiennent plusieurs de ses alliés.
Le rapport confidentiel de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) révèle que le résultat du Canada a connu une chute marquée depuis 2005, obtenant une note de 64 sur 100. La baisse a été particulièrement forte dans trois catégories liées à la sécurité: les opérations aériennes, les aéroports et la navigation aérienne.
En 2005, le Canada avait atteint la note de 95 sur 100.
L’OACI, dont le siège social se trouve à Montréal, recommande au gouvernement fédéral de mettre en place un système qui instaurerait des normes pour s’assurer que les transporteurs aériens et les aéroports respectent totalement les règles en place. Ce système devrait aussi renforcer les certifications liées aux marchandises dangereuses, en plus d’assurer une formation adéquate et une gestion de la fatigue des contrôleurs aériens.
En entrevue avec La Presse Canadienne, le président-directeur général de l’entreprise californienne Aero Consulting Experts, Ross Aimer, a expliqué que la pénurie de main-d’œuvre pour les contrôleurs aériens est une source d’inquiétude partout en Amérique du Nord.
«Chaque jour ou deux, on entend parler de ce qu’on appelle dans le jargon un quasi-accident. Je n’aime pas le terme quasi-accident, je pense qu’on devrait plutôt parler d’une quasi-collision», a souligné M. Aimer.
La tendance actuelle qui pousse plusieurs gouvernements à transférer le fardeau de certaines responsabilités concernant la sécurité aérienne sur les transporteurs eux-mêmes est aussi un facteur à considérer, selon M. Aimer.
En septembre, deux avions d’Air Canada se sont frôlés au sol à l’aéroport de Vancouver, arrachant des parties du bout de leurs ailes lors d’une collision à basse vitesse.
En mars, un contrôleur aérien a autorisé un avion d’Air Canada Rouge à décoller de Sarasota, en Floride, juste au moment où un avion d’American Airlines effectuait son approche finale sur la même piste, ce qui a forcé le pilote américain à s’arrêter brusquement.
Malgré tout, le gouvernement canadien a souligné que le rapport de l’OACI ne constituait pas une mesure de la performance du pays en matière de sécurité.
«L’OACI n’a identifié aucun problème de sécurité important concernant le système de l’aviation civile du Canada, et nous savons que le secteur aérien de notre pays est parmi les plus sûrs au monde», a affirmé Laura Scaffidi, qui est porte-parole du ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez.
Un bilan positif
Le directeur de l’Institut des transports de l’Université du Manitoba, Barry Prentice, a aussi noté que le bilan du Canada en matière de sécurité aérienne présente des résultats positifs, alors que les décès liés à des accidents d’avion sont en baisse depuis quelques années et qu’il n’y a pas eu d’écrasement majeur d’un avion commercial depuis plusieurs décennies.
«Je n’ai pas vu de grands problèmes de sécurité dans l’industrie du transport aérien depuis un certain temps, a-t-il relevé. C’est un signe que le système fonctionne bien.»
L’an dernier, le nombre d’accidents liés au transport aérien a diminué de 43 % par rapport à dix ans plus tôt, alors qu’il est passé de 291 en 2012 à 165 en 2022, selon les données du Bureau de la sécurité des transports.
«Transports Canada a confiance en la sécurité du système aérien canadien, et le ministère sera heureux d’avoir l’occasion d’améliorer davantage ses processus et son cadre pour mieux nous aligner sur les normes et pratiques de l’OACI», a fait savoir le porte-parole du ministère, Hicham Ayoun, dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.
Le gouvernement avait jusqu’au 30 octobre pour répondre au rapport préliminaire de l’OACI. Le document final est attendu dans les prochains mois.
Plusieurs catégories en baisse
Ce rapport préliminaire de l’OACI survient dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’aviation, notamment en ce qui concerne les contrôleurs aériens, les pilotes et les bagagistes. Cet enjeu s’ajoute aux défis auxquels est confrontée cette industrie qui a été bouleversée par la pandémie de COVID-19.
La note finale mesure la «capacité de surveillance de la sécurité» d’un pays donné sur la base de questionnaires, de listes de contrôle et de visites sur place d’acteurs de l’industrie, notamment Air Canada, Nav Canada et l’aéroport de Montréal.
Mené entre le 31 mai et le 14 juin, l’audit examine huit domaines, dont la législation, les permis et les enquêtes sur les accidents.
Dans ces trois catégories, le Canada a obtenu des notes comprises entre 67 et 83, même si tous étaient en baisse d’au moins huit points par rapport à l’audit de sécurité précédent.
Il se classe en dessous des autres pays du G7, à l’exception du Royaume-Uni, dans la plupart des catégories, et également en dessous de la majorité des 38 États de l’Organisation de coopération et de développement économiques, un club de pays économiquement développés.
La surveillance des opérations aériennes a connu la plus forte chute, passant de 88 à 23.
Une grande partie du rapport de 23 pages se concentre sur des «procédures globales» et des mécanismes de surveillance au sein du gouvernement pour garantir le respect de la réglementation.
Transports Canada a déclaré qu’il mène régulièrement des inspections approfondies et des activités de surveillance pour s’assurer que les opérateurs respectent les règles.