Logement : le taux d’inoccupation atteint un creux de 20 ans au Québec

MONTRÉAL — La crise du logement n’épargne pas la majorité des régions du Québec tandis que le taux d’inoccupation atteint un creux de 20 ans à travers la province, selon un rapport publié par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), mercredi. 

Le taux d’inoccupation dans le marché locatif était de 1,3% au Québec, un creux depuis 2003. Ce taux était de 1,7% en 2022.

La détérioration du marché locatif n’est pas qu’un phénomène confiné aux régions de Montréal et de Québec, précise l’économiste Francis Cortellino, spécialiste de l’analyse du marché de l’habitation du Québec à la SCHL, en entrevue.

«Taux d’inoccupation faible un peu partout sur le territoire, des hausses de loyer de 7%, 8%, 9%  un peu partout sur le territoire dépendant des régions, énumère l’économiste au bout du fil. Ce sont de fortes hausses partout sur le territoire. Donc, je dirais que c’est une situation assez similaire, au Québec, dans les différentes régions.»

L’agence fédérale recense une quarantaine de régions de plus de 10 000 habitants à travers la province. Pour toutes ses régions, le taux d’inoccupation est passé sous les 2%. Dans les trois quarts des cas, le taux a reculé sous le seuil de 1%. 

Le déséquilibre entre l’offre et la demande entraîne de fortes hausses de loyers à travers l’ensemble du Québec. Le loyer moyen d’un appartement à deux chambres (un quatre et demi) a bondi de 7,7% en 2022 par rapport à l’an dernier. 

«C’est la hausse la plus forte aussi depuis au moins 1990, depuis qu’on a ces données avec cette méthodologie-là», précise l’économiste. 

Dans la région du Grand Montréal, le taux d’inoccupation poursuit son recul, passant de 3% en 2021 à 2% en 2022, puis à 1,5% en 2023. Le loyer moyen d’un quatre et demi a augmenté de 7,9% en un an pour s’établir à 1096$ en 2023.

À Québec, le taux d’inoccupation est de 0,9%, un creux depuis 15 ans. Le loyer d’un quatre et demi a progressé de 4,8% à 1040$.  

 Un coup dur pour les moins nantis

La détérioration du marché du logement frappe encore plus fort les moins nantis. «Lorsqu’on est dans les gammes de loyers plus faibles, les taux d’inoccupation deviennent généralement plus petits et ça fait en sorte qu’il y a aussi moins de choix pour les ménages qui sont moins fortunés», souligne M. Cortellino.

La situation inquiète son collègue Kevin Hughes, économiste en chef adjoint à la SCHL. À travers le Canada, il est «très difficile pour les locataires de trouver un logement qu’ils ont les moyens de louer», prévient-il. 

«Les taux d’inoccupation et la hausse des loyers que nous observons sont des preuves supplémentaires que l’offre actuelle de logements locatifs au Canada est nettement insuffisante et qu’il faut l’augmenter de toute urgence», plaide M. Hughes dans un communiqué. 

Dans le Grand Montréal, une personne qui touche des revenus de 30 000$ (parmi les 20% les plus pauvres) ne devra pas payer plus de 750$ de loyer pour éviter de consacrer plus de 30% de ses revenus au logement, donne en exemple M. Cortellino. «Dans ce cas-là, le taux d’inoccupation est à 0,9% (plus serré que l’ensemble du marché de la région de Montréal à 1,5%).»

«Il faut construire»

Dans son rapport, la SCHL constate que la construction de logements n’est pas suffisante pour compenser l’augmentation de la demande à travers le Canada. Les conditions sont également difficiles pour les constructeurs qui doivent composer avec les taux d’intérêt élevés, l’augmentation des prix des matériaux et la pénurie de main-d’œuvre. 

L’agence fédérale souligne que le taux d’inoccupation atteint un creux depuis 1988 au Canada. Le prix moyen d’un quatre et demi a augmenté de 8% à travers le pays. 

Le Québec doit composer avec les mêmes défis. La construction n’a pas été suffisante tandis que le flux migratoire de la province a plus que doublé avec l’arrivée de 150 000 immigrants temporaires en 2023, un record. 

Pendant ce temps, la construction donne des signes de ralentissement. Entre 2020 et 2022, il y a eu entre 28 000 et 35 000 mises en chantier locatif, souligne M. Cortellino. « En 2023, on est tombé à 22 000.»

«On a eu une grosse baisse, poursuit-il. Donc, si on a démarré moins de projets en 2023, ça veut dire qu’en 2024, il y a moins de projets dont la construction va se terminer et moins de logements qui vont arriver prêts à l’occupation l’an prochain.»

«Faut construire plus de logements locatifs, plaide-t-il. Je pense que c’est un peu le message à retenir.»