L’Ordre des chimistes met en garde contre l’utilisation du protoxyde d’azote

MONTRÉAL — L’Ordre des chimistes du Québec met la population en garde contre l’utilisation du protoxyde d’azote, mieux connu sous le nom de «gaz hilarant» ou de «proto», à des fins de drogue récréative. L’organisation demande aux gouvernements de ne plus rendre ce produit accessible en vente libre.

L’Ordre dit voir une «une recrudescence des cas qui ont été rapportés» de personnes qui ont consommé cette substance comme drogue. 

Le protoxyde d’azote, une molécule qui se trouve sous forme gazeuse, est utilisé dans des appareils culinaires, comme un siphon pour faire de la crème fouettée. Le protoxyde d’azote se présente alors sous forme de cartouches ressemblant à de petites bombonnes.

Cette substance est aussi employée comme sédatif par des professionnels de la santé. Toutefois, plusieurs adolescents et jeunes adultes l’utilisent comme une drogue récréative, en l’inhalant. 

«On a eu des cas qui ont été relevés de plus en plus, ici au Québec», affirme en entrevue Michel Alsayegh, président de l’Ordre des chimistes du Québec. 

Pour Kathryn Balind, agente de recherche et développement au Groupe de recherche et d’intervention psychosociale (GRIP) et chimiste, il faut toutefois être prudent en disant que l’usage de cette drogue augmente. 

«On en voit toujours un peu sur le terrain, dans les festivals surtout. Je pense qu’on en voit peut-être un peu plus maintenant parce que les personnes ont vraiment envie de faire la fête après la pandémie. Alors, il y a vraiment un boum dans les festivals, les personnes ont vraiment le goût d’explorer», explique-t-elle. 

Le protoxyde d’azote est une drogue populaire, car elle se trouve facilement en vente libre en magasin comme sur internet, en plus d’être peu dispendieuse. 

Certains pays en ont banni la vente aux mineurs. Une loi adoptée le 1er juin 2021, en France, interdit la vente du protoxyde d’azote aux jeunes de moins de 18 ans, sous peine d’une amende de 3750 euros. Si une personne incite un mineur à en consommer, elle est passible d’une amende de 15 000 euros. 

La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), en France, a d’ailleurs mené une campagne de sensibilisation pour informer la population des dangers de la consommation de protoxyde d’azote à des fins de drogue récréative.

Une drogue «hilarante», mais dangereuse

La personne qui inhale du protoxyde d’azote connaîtra des effets euphorisants, comme celui de se mettre à rire de façon incontrôlable, explique Michel Alsayegh, ce qui justifie son surnom de «gaz hilarant». 

«Il y a un danger, c’est possible aussi de s’asphyxier», prévient M. Alsayegh. Il souligne que le protoxyde d’azote peut engendrer un manque d’oxygène au cerveau. Une personne qui en consomme peut également avoir l’air ivre, tituber et être étourdie. 

L’usage répété du protoxyde d’azote peut engendrer des conséquences cardiaques, neurologiques ou psychiatriques, détaille le président de l’Ordre des chimistes du Québec. 

Selon la MILDECA, le protoxyde d’azote peut aussi causer des brûlures engendrées par le froid du gaz, des vertiges, des évanouissements et des chutes. 

Pour Michel Alsayegh, il est temps pour le Québec, voire le Canada, d’agir de façon proactive concernant cette problématique, avant qu’elle ne fasse trop de dommages. 

«On a une opportunité en or de prendre le taureau par les cornes, et de faire en sorte qu’on n’aura pas les mêmes conséquences que d’autres pays ont eues», affirme-t-il. 

L’Ordre des chimistes recommande que la substance ne soit plus disponible en vente libre pour mieux la contrôler, et réduire également l’accessibilité du protoxyde d’azote sur le web. 

«C’est comme ça souvent (sur internet) que les personnes vont se procurer ce gaz-là, surtout pour les effets plus euphorisants», évoque M. Alsayegh. 

Pour le GRIP, qui utilise une approche de réduction des méfaits, rendre l’achat de cette drogue illégal n’est pas la solution. 

«Je pense que quand les choses sont interdites (…) les personnes vont trouver des façons créatives pour trouver la substance. Et des fois, ça peut rendre la substance même plus dangereuse, parce qu’un marché non réglementé de cette substance va se créer, avec des personnes qui vont essayer de créer cette substance, qui peut-être ne vont pas avoir de contrôles de qualité», évoque Kathryn Balind. 

Elle estime que des stratégies de réduction des méfaits devraient plutôt être dites aux personnes qui consomment. Par exemple, recommander de prendre cette drogue dans un endroit sécuritaire, d’être assis, et en compagnie d’une personne qui ne consomme pas qui a la charge de veiller sur les autres. 

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.