Nouvelle molécule pour contrer la dépendance au cannabis

MONTRÉAL — Une nouvelle molécule actuellement à l’étude semble efficace pour combattre le trouble de l’usage du cannabis, démontrent des travaux auxquels a participé un chercheur de l’Université de Moncton.

Cela pourrait éventuellement mener au développement d’un tout premier traitement pour ce problème.

La molécule AEF0117 semble inhiber le récepteur des cannabinoïdes CB1, ce qui a pour effet de réduire l’effet du cannabis sans pour autant provoquer de symptômes de sevrage. Des études antérieures avaient démontré que le récepteur CB1 est activé par le THC, le principal ingrédient psychoactif du cannabis. 

Lors de tests chez des souris et des primates non humains, la nouvelle molécule a inhibé les effets comportementaux du THC, sans interférer avec le comportement normal ou les activités physiologiques des sujets.

La molécule s’est aussi révélée efficace et bien tolérée lors d’essais cliniques de phase 1 et 2a qui impliquaient, respectivement, 29 et 64 participants humains en santé.

«Ce travail-là démontre la caractérisation d’une (molécule) (…) capable de bloquer certains des événements biochimiques déclenchés par le THC, par la consommation de cannabis, de bloquer aussi les effets comportementaux et donc aussi de bloquer (…) les effets euphorisants sans déclencher de conditions ou de symptômes de sevrage», a résumé Étienne Hébert Chatelain, qui est professeur agrégé au département de biologie de l’Université de Moncton et pour qui cette découverte représente l’aboutissement d’environ dix ans d’efforts.

La molécule AEF0117 a été inspirée par la prégnénolone, une substance que l’organisme produit naturellement et qui bloque notamment les effets euphorisants du THC. Mais la prégnénolone est aussi transformée en d’autres substances dont le corps a besoin, comme les hormones sexuelles.

L’équipe dont fait partie le professeur Hébert Chatelain est donc partie à la recherche d’une molécule capable d’avoir le même effet sur la consommation de cannabis, ce qui a mené au développement de l’AEF0117.

Les molécules utilisées précédemment pour essayer de traiter le trouble de l’usage du cannabis étaient des antagonistes qui empêchaient le THC de se fixer aux récepteurs de cannabinoïdes.

Le problème, a dit le professeur Hébert Chatelain, est que l’organisme a besoin de ces récepteurs pour fonctionner normalement, entre autres pour réguler l’humeur. Si on les bloque complètement, on ouvre la porte à plusieurs effets secondaires indésirables.

«On a réussi à développer une molécule qui ne bloque que certains effets, donc qui ne va pas bloquer les effets disons ‘bénéfiques’ de ce récepteur aux cannabinoïdes, a-t-il précisé. On a une molécule dont l’effet est très sélectif.»

Les systèmes endogènes peuvent continuer à faire leur travail, a ajouté le chercheur; seule leur suractivation par le THC ― qui est responsable de l’effet euphorisant ― est bloquée.

«Il y a un dosage à faire entre la suractivation par le cannabis, mais aussi le fait que ce récepteur-là est utilisé par des cannabinoïdes qui sont produits par le corps humain, et donc ce récepteur-là doit être en mesure de fonctionner de façon normale, on ne peut pas complètement le bloquer», a dit M. Hébert Chatelain.

Le trouble de l’usage du cannabis est caractérisé par une incapacité à vaquer à des obligations personnelles ou professionnelles; par une utilisation continue du cannabis malgré les problèmes que cela pose; et par une incapacité à réduire l’utilisation du cannabis. On estime qu’environ une personne sur cinq qui utilise du cannabis développera un trouble.

Il n’existe présentement aucun traitement pour aider les consommateurs de cannabis qui en souffrent.

Les conclusions de cette étude sont publiées par le journal Nature Medicine.