Règlement de 135 M$ pour une Première Nation de C.-B. après une bataille de 160 ans

VANCOUVER — Une Première Nation de Colombie-Britannique a conclu un règlement de 135 millions $ avec le gouvernement fédéral, 160 ans après que des colons se soient emparés des terres de son village.

Le chef Willie Sellars de la Première Nation de Williams Lake a rappelé que la bataille juridique entreprise il y a près de trois décennies s’est terminée devant la Cour suprême du Canada en 2018 avant le début de la médiation l’année dernière.

«Les mots ne peuvent pas vraiment exprimer la joie et le bonheur qui rayonnent à travers notre conseil et notre communauté», a témoigné M. Sellars lundi après avoir annoncé l’accord de principe, qui doit encore être ratifié.

Les terres du village dans ce qui est maintenant la ville de Williams Lake ont été occupées par des colons contrairement à l’engagement du gouvernement colonial de créer une réserve, de sorte que bon nombre de leurs ancêtres ont été déplacés, selon M. Sellars.

Les membres âgés de 18 ans et plus auront la possibilité de ratifier le règlement lors d’un référendum le 29 juin et M. Sellars a précisé que trois séances d’information en personne et en ligne auront lieu avant cela — les 12 et 26 mai, ainsi que le 9 juin.

La Première Nation a spécifié qu’environ 450 personnes auront le droit de voter, soit environ la moitié de ses membres inscrits, et que les bulletins de vote pourront être déposés par la poste ou en personne.

L’accord de 135 millions $ est proche du maximum de 150 millions $ qui aurait pu être accordé, et M. Sellars a exhorté tous les membres de la Première Nation à le soutenir dans l’intérêt des générations futures et de l’héritage de ceux qui ont perdu leurs terres.

«L’une des choses décourageantes concernant la durée de cette bataille est que beaucoup d’anciens qui ont témoigné tout au long de ce processus sont décédés. Ils ne verront jamais aucun avantage de cette victoire, et c’est quelque chose que nous avons gardé à l’esprit pendant les négociations», a-t-il rappelé. 

Chaque membre de la communauté recevra un règlement et les personnes âgées de 60 ans et plus auront droit à des montants plus élevés, a-t-il précisé.

M. Sellars a indiqué que la majeure partie de l’argent ira dans une fiducie communautaire gérée par des professionnels, les intérêts fournissant des paiements annuels aux membres, tandis que le reste financerait des programmes pour la reprise des cérémonies culturelles et la construction d’infrastructures, dont des logements, un centre communautaire et un système de traitement des eaux usées.

«Ce ne sont là que quelques-unes des choses que nous devons faire dans les années à venir et chacune d’entre elles coûte plusieurs millions de dollars. C’est une chose à laquelle il faut penser alors que nous avançons dans cette discussion sur la réconciliation et ce que cela va signifier pour la santé de notre communauté.»

Chris Wycotte, qui a été conseiller de la Première Nation pendant 19 ans, a raconté que la bataille juridique avait commencé après avoir découvert des documents dans les archives provinciales de Victoria en 1993.

M. Wycotte était alors chercheur dans le cadre de négociations de traités de la Première Nation. Il a dit avoir trouvé des preuves suggérant que Williams Lake était autrefois un site de village qui avait été illégalement occupé par des colons.

Certains des documents comprenaient des lettres au gouvernement fédéral du chef William, dont le nom a été donné au village de Williams Lake, a révélé M. Wycotte.

«J’ai dit au conseil à ce moment-là que je pensais que nous avions un cas ici pour perte injustifiée de terres, et ils ont accepté. Nous avons donc appelé notre conseiller juridique», s’est-il souvenu. 

Dans une lettre de 1859, un prêtre oblat écrivant au nom de William a déclaré que «les gens mouraient de faim et n’avaient pas un acre», a témoigné M. Wycotte, ajoutant qu’un total de 4000 pages de preuves étaient à la disposition de la Première Nation.

«C’était assez clair, et c’était bien documenté, et c’est ce qui nous a donné notre dossier solide», a-t-il précisé. 

La quête de justice de la Première Nation a commencé en 1994 lorsqu’elle a soumis une revendication dans le cadre de la Politique sur les revendications particulières, mais le gouvernement fédéral a refusé de l’accepter.

La Première Nation a ensuite poursuivi ses démarches dans le cadre d’un processus appelé la Commission des revendications des Indiens, puis devant le Tribunal des revendications particulières. En 2014, le tribunal a statué que le Canada avait manqué à ses obligations envers la Première Nation en permettant son expulsion illégale de ses terres traditionnelles.

Cependant, le Canada a fait appel de la décision alors que le différend juridique s’est poursuivi pendant encore quatre ans avant que la plus haute cour du pays ne confirme la décision du tribunal en 2018, déclenchant trois ans de négociations en vue d’un règlement des dommages-intérêts.

M. Wycotte a confié qu’il n’aurait jamais imaginé en lisant des lettres du chef William sur le sort de son peuple qu’il verrait le jour où le gouvernement fédéral offrirait un règlement de 135 millions $.

«Ce fut un voyage difficile, a-t-il souligné. Lorsque la Cour suprême du Canada a rendu sa décision, je savais que c’était chose faite. Le Canada peut nier tant qu’il veut, mais il n’a nulle part où s’adresser.»