Voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic: les expropriations contestées

MONTRÉAL — Services publics et Approvisionnement Canada indique avoir reçu 1493 avis d’opposition au processus d’expropriation qui pourrait être mis en branle pour aménager la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic.

La Coalition des victimes collatérales (CVC) de la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic est derrière l’initiative. Près de 1500 lettres de contestation de l’avis d’intention d’exproprier ont été remises en main propre au bureau montréalais du ministère fédéral vendredi matin. 

Elles ont été livrées par les avocats impliqués dans le dossier de contestation, qui étaient accompagnés de représentants de l’Union des producteurs agricoles (UPA), selon la CVC. 

L’expropriation des propriétaires de terrains nécessaires à la construction de la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic a été déclenchée le 13 février dernier par la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Helena Jaczek, à la demande du ministre des Transports, Omar Alghabra.

Ottawa n’avait alors pas précisé combien de propriétaires allaient être expropriés.

Initialement, 43 propriétaires, dont les lots sont dans les municipalités de Nantes, Lac-Mégantic et Frontenac, en Estrie, étaient concernés par le processus d’acquisition.

La construction de la voie de contournement de 12,5 kilomètres fait l’objet de plusieurs préoccupations. Les conseils municipaux de Frontenac et de Nantes ont retiré leur appui au projet. 

Au début du mois, des organismes et des citoyens ont demandé au ministre fédéral de l’Environnement de déclencher une étude d’impact sur l’environnement, en raison de leurs craintes de répercussions sur les ressources en eau potable et les zones humides.

La Coalition des victimes collatérales plaide que le projet est loin de l’acceptabilité sociale, alors que des résidents ont exprimé leur opposition, notamment lors du référendum tenu à Frontenac en février. Le non a obtenu 92,5 % à la question «Approuvez-vous le projet de la nouvelle voie de contournement ferroviaire sur le territoire de Frontenac?». 

Plusieurs personnes appuient néanmoins le projet de voie de contournement pour des questions de sécurité ferroviaire. Le nouveau tracé éviterait le centre-ville de Lac-Mégantic, qui a été dévasté lors de la catastrophe ferroviaire du 6 juillet 2013 qui a fait 47 morts. 

La CVC critique aussi le coût du projet, qui est passé de 133 millions $ en 2019 à 950 millions $, disant que cet «argent des contribuables (est dépensé) pour le bénéfice de la compagnie ferroviaire CP (Canadien Pacifique) et non pour le bénéfice et le bien-être de la population qui s’oppose majoritairement au tracé retenu». 

Par courriel, Transports Canada a réfuté l’allégation de la CVC selon laquelle le tracé de la voie de contournement serait plus dangereux que la voie actuelle.

«Le Règlement sur la sécurité de la voie prévoit que les normes de la voie assurent une exploitation sécuritaire, peu importe les classes de voie, la vitesse ou la configuration géométrique», a souligné Simon Rivet, gestionnaire aux communications du ministère fédéral des Transports.

Le porte-parole ajoute que le tracé retenu réduira le nombre de bâtiments à proximité de la voie ferrée, et «qu’il a été reconnu comme étant le plus avantageux par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec (BAPE) et comme celui ayant le moins d’impact sur les terres agricoles par la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ)».

Audience publique

Puisqu’au moins une opposition a été reçue suivant la publication dans la Gazette du Canada, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Helena Jaczek, demandera au procureur général du Canada de nommer un enquêteur qui tiendra une audience publique, a indiqué par courriel Alexandre Baillairgé-Charbonneau, du service des relations avec les médias du ministère.

Cet enquêteur devra ensuite présenter un rapport dans les 30 jours suivant sa nomination, rapport à partir duquel la ministre pourra confirmer sa décision d’exproprier le nombre initial de propriétaires, voire restreindre le nombre d’expropriations ou y renoncer totalement.

Si la ministre Jaczek maintenait une expropriation totale ou partielle, un avis de confirmation sera acheminé aux personnes concernées et serait également publié dans le registre foncier. 

Le cas échéant, le ministère aurait ensuite 90 jours pour soumettre des offres d’indemnisation aux propriétaires. 

Enfin, 90 jours avant la prise de possession par l’État, les propriétaires recevraient un ultime avis pour confirmer la procédure. «Dans le cas où la possession matérielle du bien immobilier est requise d’urgence par le gouvernement et que le gouverneur en conseil a autorisé par décret la ministre à prendre possession dans un délai plus rapide, la date de possession ainsi déterminée sera indiquée dans l’avis de possession», précise M. Baillairgé-Charbonneau.

La sécurité avant tout, plaide Transports Canada

De son côté, Transports Canada a réitéré que le gouvernement fédéral était «pleinement engagé» dans la réalisation d’une voie de contournement ferroviaire à Lac-Mégantic, dont le tracé ferait en sorte que tous les trains éviteraient définitivement le centre-ville de la municipalité.

Le processus se fera en toute transparence, alors que la communauté sera informée du déroulement des travaux, a assuré M. Rivet, qui ajoute que la sécurité de l’opération, de même que du transport ferroviaire subséquent, demeure la priorité du ministère. 

«La sûreté et la sécurité des transports est primordiale pour Transports Canada, et nous tenons donc à réaffirmer que le projet de voie de contournement ferroviaire sera sécuritaire, et qu’il sera réalisé selon toutes les exigences réglementaires applicables, incluant le Règlement concernant la sécurité de la voie», a-t-il fait savoir.

Des inspections régulières auront lieu sur la nouvelle voie de contournement, tandis que l’entreprise qui exploitera le chemin de fer sera soumise à une stricte réglementation, a poursuivi le porte-parole. En cas de non-conformité ou d’un problème de sécurité constaté sur la voie, Transports Canada dispose de plusieurs mesures pour corriger la situation, notamment l’imposition d’amendes ou le recours à des poursuites judiciaires.