Est-ce que 2023 sera l’année où Scott Rolen est finalement admis à Cooperstown?

MONTRÉAL — Tandis que les 28 joueurs dont le nom apparaît sur le bulletin de votes de l’Association des chroniqueurs de baseball d’Amérique (BBWAA) en vue de leur admission possible au Temple de la renommée du baseball, plusieurs des quelques 400 membres électeurs ont déjà fait connaître leurs choix.

Du lot, seuls Scott Rolen (79,5 %) et Todd Helton (79 %) avaient obtenu au moins un vote sur 75 % des bulletins — le seuil d’admissibilité — sur les 167 bulletins rendus publics tard dimanche soir.

Le journaliste de La Presse canadienne Frédéric Daigle est membre de la BBWAA, mais n’a pas encore le droit de vote, octroyé après avoir été membre en règle pendant 10 années d’affilée seulement.

Voici le bulletin qu’il aurait remis s’il avait eu le droit de vote pour la cuvée de 2023, qui sera intronisée à Cooperstown en juillet prochain.

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Donner son vote — 10 au maximum, comme le stipule les règles — peut paraître bien plus facile qu’il en est vraiment. Un bon point de départ est de voir quels noms se trouvaient sur son bulletin de l’année précédente, mais qui n’y sont plus. 

Que ce soit parce qu’ils ont été intronisés (David Ortiz), qu’ils ont atteint la limite des 10 années d’éligibilité (Barry Bonds, Rogers Clemens, Sammy Sosa), ou encore qu’ils n’aient pas obtenu les 5 % de voix nécessaires afin que leurs noms soient de nouveau inscrits sur les bulletins de vote (aucun candidat sur mon bulletin), ces joueurs vous libèrent de l’espace.

Ce qui nous laisse donc avec une liste comprenant Todd Helton, Andruw Jones, Andy Pettitte, Alex Rodriguez, Scott Rolen et Gary Sheffield: six candidats.

En principe, il reste donc quatre places possibles sur mon bulletin de vote, à moins que de nouveaux candidats viennent supplanter ceux déjà choisis. Regardons donc du côté des candidats de première année.

Carlos Beltran, Matt Cain, R.A. Dickey, Jacoby Ellsbury, John Lackey, Mike Napoli, Jhonny Peralta, Francisco Rodriguez et Huston Street en sont tous à leur première année d’éligibilité.

Du lot, seul Beltran m’apparaît comme un possible candidat. Mes six noms récurrents ont donc la vie sauve pour le moment.

Parmi ceux qui n’ont pas obtenu mon vote l’an dernier, deux candidatures m’apparaissent maintenant méritoires. Il y a d’abord celle de Manny Ramirez. Avec l’arrivée d’Alex Rodriguez sur les bulletins de vote, je manquais d’espace et c’est Ramirez qui en a payé le prix. L’espace libéré me permet de le ramener sur mon bulletin.

Il y a également la candidature du releveur Billy Wagner qui m’apparaît maintenant plus valable. Après avoir lu de nombreuses opinions de collègues électeurs à son sujet, je serais prêt à me ranger à leurs arguments.

J’arrive donc à neuf votes. Voici, en bref, ce qui a alimenté ma réflexion pour chacun d’entre eux: 

Carlos Beltran (1re année d’éligibilité)

Une carrière s’échelonnant sur 20 ans, 2725 coups sûrs, 565 doubles, 435 circuits, 1587 points produits et des moyennes de ,279/,350/,486. Son WAR de 70,1 lui confère le neuvième rang de tous les temps parmi les voltigeurs de centre. Tous ceux devant lui, sauf Mike Trout, pour des raisons évidentes, sont au Temple, alors que plusieurs derrière lui le sont aussi.

Il faudra voir de quelle façon les électeurs jonglent avec le scandale du vol des signaux commis par les Astros de Houston en 2017. Beltran avait été identifié dans le rapport du Bureau du commissaire.

Todd Helton (5e; 52,0% des voix l’an dernier)

De toute évidence, ses 17 années passées au Colorado jouent dans la tête des électeurs, comme dans le cas de Larry Walker, élu à sa 10e année d’éligiilité.

Pourtant, un coup d’œil à ses statistiques dans les stades adverses (,287/,386/,469) démontrent qu’il n’y perdait pas ses moyens. Il a frappé 1394 coups sûrs au Colorado contre 1125 partout ailleurs.

Ses WAR, WAR7 et JAWS sont respectivement meilleurs que 14, 20 et 16 premiers-buts déjà admis à Cooperstown (en excluant Ortiz).

Andruw Jones (6e, 41,4%)

Au cours de ses 17 saisons, de 1996 à 2012, il a possiblement été le meilleur voltigeur de centre des Majeures dans 12 d’entre elles.

De 1998 à 2007, il a remporté 11 Gants d’Or consécutifs. Au cours de la même période, il a ajouté un Bâton d’argent, cinq participations au match des étoiles et terminé en deuxième place du scrutin du joueur par excellence en 2005, après avoir mené les Majeures avec 51 circuits et la Nationale avec 128 points produits.

Ses statistiques offensives uniquement le laissent un peu à court, mais en tenant compte de sa très grande contribution défensive, Jones est un «Hall of Famer».

Andy Pettitte (5e; 10,7%)

Onzième de tous les temps chez les lanceurs gauchers avec 256 victoires et 42e au total. Sept des 10 qui le devancent au classement sont au Temple de la renommée. Ses 2448 retraits sur des prises lui confèrent le 15e rang de l’histoire chez les gauchers; quatre des 14 qui le devancent sont à Cooperstown.

Pettitte a gagné quatre Séries mondiales et affiche un dossier de 19-11 en matchs éliminatoires; en plus de terminer quatre fois parmi le top-5 pour le Cy-Young. 

Vrai, les statistiques avancées font perdre de son lustre à sa candidature: ses chiffres sont en deçà de la moyenne des 65 partants détenant une plaque à Cooperstown.

Manny Ramirez (7e, 28,9%)

Ramirez fait un retour sur mon bulletin de vote. En appliquant la logique de «l’escouade de la moralité» qui nous a fait accorder notre vote à Bonds, Clemens et Pettitte, il faut être conséquent et voter pour Ramirez.

Les statistiques appuient joliment sa candidature également: 555 circuits, 2574 coups sûrs, 1813 points produits, des moyennes de ,312/,411/,585, huit Bâtons d’argent et huit fois parmi le top-10 au scrutin du joueur par excellence.

Les électeurs ont toutefois rejeté en bloc les membres de l’ère des stéroïdes ces dernières années et la candidature de Ramirez risque de subir le même sort, soit de passer 10 années sur les bulletins sans entrer au Temple.

Alex Rodriguez (2e, 34,3%)

Trois titres de joueur par excellence, un titre de championnat des frappeurs, cinquième de tous les temps pour les circuits à 696 et les points produits à 2086. Des moyennes offensives de ,295/,380/,550. Un WAR de 117,1.

Toutes ces statistiques font de vous un membre du Temple à votre première année d’éligibilité… sauf quand vous touchez aux stéroïdes. Est-ce qu’A-Rod sera l’exception qui confirmera la règle? Pas en 2023, mais il lui reste assez de temps pour renverser la tendance.

Scott Rolen (6e; 63,2%)

Rolen poursuit son ascension sur les bulletins de vote et son élan vers Cooperstown semble maintenant irrésistible. Son introduction sera entièrement méritée.

Si ses statistiques «traditionnelles» (,281/,364/,490, 2077 coups sûrs, dont 517 doubles et 316 circuits, 1287 points produits et 1211 points marqués) semblent le laisser à court, ses statistiques avancées lui ouvrent toutes grandes les portes.

Son WAR, son WAR7 et son JAWS sont tous supérieurs à la moyenne des 15 troisième-buts (Baseball-reference.com place Edgar Martinez à cette position) déjà admis. Il vient au 10e rang de tous les temps pour le WAR et le JAWS, 14e pour le WAR7.

Et que dire ses prouesses défensives: recrue de l’année en 1997, Rolen a gagné huit Gants d’Or.

Gary Sheffield (9e; 40,6%)

Sheffield manquera probablement de temps, à moins qu’une cabale spectaculaire ne fasse tourner le vent en sa faveur.

Il a pourtant le «chiffre magique» de 500 (509) circuits en poche, en plus d’avoir frappé  2689 coups sûrs et maintenu des moyennes de ,292/,393/,514.

«Sheff» a terminé cinq fois dans le top-5 au scrutin du joueur par excellence, gagné cinq Bâtons d’argent et a été choisi neuf fois au sein de l’équipe d’étoiles en 22 ans.

Sans Gant d’Or pour mousser sa candidature, son taux d’efficacité défensif de ,977 en carrière n’est pas banal.

Billy Wagner (83, 51,0%)

Ses 422 sauvetages le placent au sixième rang de l’histoire. Ses 11,92 retraits au bâton par neuf manches lui confèrent la meilleure moyenne de tous les temps à ce chapitre.

Statistique intéressante, reliée par l’excellent Jayson Stark, de The Athletic, et attribuée Austin Eich, grand défenseur de la candidature de Wagner : il pourrait revenir au jeu et accorder 100 coups sûrs consécutifs et les frappeurs adverses frapperaient pour ,211 contre lui, soit la même moyenne que face à Mariano Rivera.

S’il accordait 200 coups sûrs consécutifs? Il aurait encore une moyenne au bâton contre lui inférieure à celle que les frappeurs ont maintenu contre Lee Smith, soit ,273.

Pourquoi pas Francisco Rodriguez alors?

J’accorde mon vote à Wagner et pas à K-Rod, qui a sauvegardé 437 matchs? Je me fie à ses statistiques avancées.

Ses WAR, WAR7 et JAWS (24,2/17,6/20,9) sont tous bien à court des standards qui ont été établis par les relveurs admis à Cooperstown.

Les exclus (année d’admissibilité):

Bobby Abreu (4e), Mark Buehrle (3e), Matt Cain (1re), R.A. Dickey (1re), Jacoby Ellsbury (1re), Torii Hunter (3e), Jeff Kent (10e), John Lackey (1re), Mike Napoli (1re), Jhonny Peralta (1re), Francisco Rodriguez (1re), Jimmy Rollins (2e), Huston Street (1re), Omar Vizquel (6e)

*WAR: Wins Above Replacement. Victoires procurées par un joueur par rapport à un joueur moyen qui donnerait zéro. WAR7: total des sept meilleures saisons WAR d’un joueur, pas nécessairement consécutives. JAWS: Moyenne du WAR et WAR7.

**Les statistiques proviennent toutes de Baseball-Reference.com

Les moyennes offensives représentent: moyenne au bâton/moyenne de puissance/moyenne de présence.